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vous-même. Il est vrai, Seigneur, oui ; mais les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Eh bien ! que fait maintenant celui qui refusait, qui repoussait, qui chassait loin de lui cette femme qui lui disait : Il n’est pas juste de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens? Celui qui disait encore : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël qui se sont perdues ? O femme, grande est votre foi ! ( 28) Comment, vous voilà devenu tout à coup son panégyriste ! vous publiez sa gloire ! N’est-ce pas vous qui la repoussiez, qui la rejetiez loin de vous ? Rassurez-vous ; je sais bien pourquoi je l’ai fait attendre. Si je l’avais écoutée tout d’abord, vous n’auriez pas connu sa foi. Si elle avait été exaucée tout d’abord, vite elle se serait retirée, personne n’aurait deviné son trésor. J’ai donc différé, pour montrer à tous la foi qu’elle porte en son cœur.
O femme ! Dieu dit, ô femme! Écoutez tous, vous qui ne savez pas encore bien prier. Quand je dis à quelqu’un, priez Dieu, conjurez-le, suppliez-le ; on me répond : je l’ai prié une fois, deux fois, trois fois, dix fois, vingt fois, et je n’ai jamais rien reçu. Ne cessez pas, mon frère, jusqu’à ce que vous ayez reçu ; la fin de la prière, c’est le don reçu. Cessez, quand vous 'avez reçu, ou plutôt ne cessez pas, même alors persévérez encore. Si vous n’avez pas reçu, demandez pour recevoir ; si vous avez reçu, rendez grâces pour ce que vous avez reçu. Une foule de personnes entrent dans l’Église, y récitent par milliers les vers en guise de prière et s’en vont, ne se doutant pas de ce qu’elles ont dit : ce sont les lèvres qui remuent, mais le cœur n’entend pas. Comment ! tu n’entends pas toi-même ta prière, et tu veux que Dieu l’entende ? J’ai fléchi, dis-tu, les genoux ; mais ta pensée s’était envolée dehors : ton corps était dans l’église, mais ton esprit, par la ville ; ta bouche récitait la prière, mais ta pensée supputait des intérêts d’argent, s’occupait de contrats, d’échanges, de terrains, de domaines à acquérir, de réunions avec des amis. Le démon est malin, il sait que la prière est ce qui avance le plus nos progrès, c’est alors qu’il fond sur vous. Souvent nous sommes étendus sur le dos dans notre lit, sans penser à mal ; mais si nous venons pour prier, c’est alors qu’il nous envoie mille et une pensées, pour nous chasser de l’Église, les mains vides.
11. Averti de ce gui se passe dans les prières, mon bien-aimé, imitez la Chananéenne ; imitez, vous qui êtes un homme, cette femme étrangère, infirme, abjecte, vile. Mais vous n’avez pas de fille tourmentée par le démon ? Mais vous avez une âme possédée par le péché. Que dit la Chananéenne ? Ayez pitié de moi ! ma fille est misérablement tourmentée par le démon : Dites aussi, vous, ayez pitié de moi ! mon âme est misérablement tourmentée par le démon. C’est un grand démon que le péché. Le démoniaque excite la compassion ; le pécheur est détesté ; le premier, on lui pardonne, le second est sans excuse. Ayez pitié de moi. Courte parole, mais elle a découvert un océan de bonté ; car où réside la miséricorde, là tous les biens abondent.
Quoique vous soyez hors de l’Église, dites, criez : Ayez pitié de moi ! ne vous contentez pas de remuer les lèvres, criez par la pensée ; ceux mêmes qui se taisent sont entendus de Dieu. Ce qui importe, ce n’est pas le lieu mais un commencement de correction. Jérémie était dans la boue, il a attiré Dieu près de lui ; Daniel était dans la fosse aux lions, et il s’est rendu Dieu propice ; les trois jeunes hommes étaient dans la fournaise et ils ont fléchi Dieu, en le célébrant ; le larron était crucifié, la croix ne l’a pas empêché de s’ouvrir le paradis ; Job était sur le fumier, et il s’est attiré la clémence de Dieu ; Jonas était dans le ventre de la baleine, et sa voix a été entendue de Dieu. Vous êtes au bain, priez ; en voyage, dans votre lit, en quelque endroit que vous soyez, priez. Vous êtes le temple de Dieu, ne vous préoccupez pas du lieu ; la volonté seule est nécessaire. En présence du juge, priez ; le juge s’irrite, priez. La mer devant lui, les Égyptiens derrière lui, Moïse entre les deux, l’espace était bien resserré pour la prière ; au contraire ; le champ de la prière était large : Par-derrière, les Égyptiens qui poursuivaient en face la mer ; au milieu, la prière ; et Moïse ne disait rien, et Dieu lui dit : Pourquoi cries-tu vers moi ? (Ex. 14,15) Sa bouche était muette, c’était sa pensée qui criait. Et vous, de même, mon bien-aimé, en présence du juge furieux, du tyran qui vous adresse les plus terribles menaces, et des autres bourreaux, qui font comme lui, priez Dieu, et votre prière calmera les flots.
Le juge vous presse ? réfugiez-vous auprès de Dieu. Le prince est là ? invoquez le Seigneur,