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vite il se sent forcé de revenir ; le soupçon, pour ainsi dire, l’aiguillonne ; tandis que l’époux qui sait avoir une épouse sobre et chaste, s’attarde sans inquiétude hors de sa maison ; pour veiller soir son épouse, pour la protéger, il lui a laissé une garde suffisante, ses mœurs. Voilà donc ce qui nous est arrivé, à moi, à Moïse. Il avait une épouse incorrigible, la synagogue ; il la laissa un moment seule, elle se livra à la fornication. Alors Dieu dit à Moïse : Allez, descendez, car votre peuple a péché. (Exo. 32,7) Mais moi, je n’ai reçu aucun ordre de ce genre ; et, quand il m’est survenu une légère indisposition, je ne me suis pas inquiété à vous savoir loin de moi, et, tranquille à votre sujet, j’ai attendu la guérison de mon mal. En effet, ce ne sont pas ceux qui se portent bien, qui ont, besoin de médecin, mais les malades. (Mat. 9,12)
Si je suis resté un peu de temps loin de vous, mon absence ne vous a causé aucun détriment ; au contraire, elle vous a servi, je pense, à augmenter vos richesses ; car ce que vous avez corrigé, grâce à mon zèle, ou plutôt par la grâce de Dieu, voilà votre couronne, voilà votre profit, votre avancement. Aussi, je suis dans la joie et je trépigne d’allégresse, et il me semble que j’ai des ailes, et la grandeur du ma joie, je ne puis l’exprimer. Que ferai-je donc ? Comment indiquerai-je le transport de mon âme ? J’en appelle au témoignage de votre conscience, puisque je vois que mon arrivée la remplit de joie : cette joie, c’est ma couronne et ma gloire. En effet, si ma présence, la présence d’un seul homme remplit un si grand peuple d’un tel plaisir, comprenez, si vous le pouvez, celui qui me vient de ce que je vous vois tous. Jacob ne voyait qu’un seul de ses fils, Joseph ! et le vieillard se réjouissait, et son esprit était récréé ; mais moi, je ne vois pas seulement un Joseph, mais je vous vois tous, qui lui ressemblez, et je m’en réjouis ; j’ai recouvré mon paradis, l’autre paradis ne le valait pas : vous savez bien que, dans celui-là, il y avait le serpent, toujours occupé à suggérer le mal ; ici, le Christ célébrant les mystères ; là, il y avait Eve exerçant ses séductions ; ici, c’est l’Église couronnant ses fidèles ; là, il y avait Adam qui se laissait séduire ; ici est le peuple qui demeure attaché à Dieu ; là, des arbres de diverses espèces ; ici, la variété des dons du Seigneur ; dans le paradis, des arbres se flétrissant ; dans l’Église, des arbres fructifiant ; dans cet ancien paradis, chaque plante persiste en son état ; dans ce paradis que vous me faites, si je trouve une vigne sauvage, je la rendrai une vigne fertile ; si je trouve un olivier sauvage, je le rendrai un bon olivier : car telle est la nature de cette terre où Jésus-Christ vous a plantés. Aussi je me réjouis, et j’oublie de vous rendre les comptes que je vous dois : mais comment se fait-il qu’un si longtemps m’ait tenu séparé de vous ? recevez ici mes comptes, ô mes bien-aimés. Quand vous avez envoyé quelque part un esclave qui a fait attendre son retour, vous exigez de lui les causes de ce retard ; il doit vous dire où il a séjourné si longtemps ; et moi, je suis l’esclave de votre charité ; car vous m’avez acheté, non pas en donnant une somme d’argent, mais en montrant votre charité. Je me réjouis d’un tel esclavage, je ne veux pas en être affranchi ; cet esclavage, qui m attache à vous, est pour moi plus beau que la liberté ; cet esclavage a marqué ma place à ce tribunal heureux ; cet esclavage n’est pas le joug de la nécessité, mais le choix de ma volonté. Qui hésiterait à se faire l’esclave de votre dilection, de votre affection si noblement belle ? J’aurais une âme de pierre, que vous l’auriez rendue plus tendre que la cire.
Que dirai-je de ces touchants souhaits, de cet empressement, de cet amour qu’hier vous m’avez montré ; de vos voix, de votre allégresse pénétrant jusque dans le ciel ? Vous avez sanctifié l’air, vous avez fait de la cité une église j’étais honoré, Dieu était glorifié, les hérétiques confondus, l’Église couronnée : car c’est pour la mère une vive joie quand ses fils sont dans l’allégresse. C’est un grand plaisir pour le pasteur, lorsque les agneaux du troupeau bondissent. J’ai goûté les joies de vos vertus ; j’ai appris que vous avez lutté avec les hérétiques, et comme ils ont mal agi à l’occasion du baptême, vous les avez repris et réfutés. Avais-je tort de dire qu’en l’absence de son époux, l’épouse chaste repousse les adultères ; qu’en l’absence du berger, elle chasse les loups ; que les matelots, sans le pilote, ont sauvé le navire : que les soldats sans leur général ont remporté la victoire ; que les disciples sans leur maître ont fait des progrès ; que les enfants sans leur père se sont fortifiés ? Je me trompe, il ne faut pas dire sans leur père : car votre avancement c’est ma joie ; votre glorification, ma couronne.