Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée

mer furieuse, tous les jours féconde en naufrages, qui produisent l’étonnement et la désolation.
Tout est plein de tumulte et de trouble ; partout, des écueils et des précipices ; partout des brisants et des récifs ; partout des craintes, et des dangers, et des soupçons, et des tremblements, et des angoisses. Personne ne se fie à personne, et chacun a peur de celui qui est à son côté. C’est que peut-être le temps est proche, que lis Prophète a décrit par ces paroles : Ne vous fiez pas en vos amis, ne mettez pas dans les princes vos espérances. (Mic. 7,5) Écartez-vous, chacun de vous, de votre plus proche voisin. Garde-toi de ton épouse ne lui confie rien. C’est que les jours sont mauvais, c’est que tout frère tend des embûches â son frère, et tout ami a la marche tortueuse. (Jer. 9,4) Pas d’ami sur qui l’on puisse compter, pas de frère qui soit sûr. La charité, cette belle chose a disparu ; tout est la proie de la guerre civile, et ce n’est pas la guerre civile en plein jour, mais sévissant dans l’ombre. Partout, des milliers de visages masqués : On voit beaucoup de toisons de brebis ; mais ce sont autant de loups qui se cachent dessous ; et il y aurait plus de sûreté à vivre au milieu d’ennemis déclarés, qu’auprès de ceux qui se disent nos amis. Les courtisans d’hier, les flatteurs qui vous baisaient les mains, tous aujourd’hui sont vos ennemis déclarés ; ils ont jeté leurs masques, il n’y a pas d’accusateurs plus acharnés ; ce qui vous méritait hier leurs unanimes actions de grâces, aujourd’hui, vous attire leurs accusations, leurs calomnies.
2. Quelle est la cause unique de ce vertige ? La cause, c’est l’amour des richesses, la soif de l’argent, cette maladie incurable, cette fournaise qui ne s’éteint jamais, cette tyrannie qui s’est partout répandue sur la terre. Aussi, ce que nous avons déjà dit, nous le – redirons encore sans relâche, en dépit de tous les reproches qu’on nous adressait dernièrement : Ne cesserez-vous pas de vous escrimer de la langue contre les riches ? ne cesserez-vous pas de leur faire continuellement la guerre ? Est-ce que je leur fais la guerre ? est-ce que c’est contre eux que je m’escrime ? n’est-ce pas, au contraire, pour eux que je dis tout, que je fais tout, tandis qu’eux-mêmes ont aiguisé les glaives que l’on dirige contre eux ? L’expérience n’a-t-elle pas montré que moi, le perpétuel grondeur, le perpétuel accusateur ; je ne m’étais proposé que leur intérêt ; que leurs vrais ennemis sont bien plutôt ceux qui me reprochent ma conduite ? Vous avez vu les événements confirmer nos paroles. N’ai-je pas toujours dit que l’or est un fugitif, qui abandonne celui-ci pour aller à celui-là ? Et plût au ciel qu’il n’eût fait que passer de l’un à l’autre, que ce ne fût pas un meurtrier, et plût au ciel que ce transfuge ne fût pas un exterminateur ! Que voyons-nous aujourd’hui ? il abandonne, et il livre an glaive, et il conduit vers les précipices ; c’est un traître dangereux, ennemi surtout de ceux dont il est aimé. Esclave fugitif, ingrat, homicide, implacable, bête sauvage, qu’on n’apprivoise pas ; précipice de toutes parts béant, écueil continuellement battu de flots sans nombre ; mer agitée par tous les souffles de tous les vents ; tyran cruel, plus barbare que tous les bourreaux ; irréconciliable ennemi, acharné, implacable, dont la haine jamais ne pardonne à qui le possède.
3. La pauvreté n’a rien de pareil ; c’est le contraire de tout ce qui vient d’être dit. C’est un asile sûr, un port tranquille, une sécurité continuelle, une volupté sans périls, une joie pure, une, existence que rien ne trouble, une vie qu’aucun flot ne tourmente, une abondance qui défie tous les assauts ; la pauvreté, c’est la mère de la sagesse, c’est le frein des emportements, c’est la suppression des châtiments, c’est la racine de l’humilité. Pourquoi donc, répondez-moi, fuyant la pauvreté, poursuivez-vous ces richesses ennemies, homicides, plus redoutables que toutes les bêtes féroces ? Car voilà ce qu’est l’avarice ; voilà ce qu’est la soif insensée des richesses. Pourquoi loger continuellement votre ennemi avec vous ? Pourquoi irriter la bête qu’if faut apprivoiser ? Mais comment, me dites-vous, s’apprivoiserait-elle ? Si vous supportez mes discours ; en ce moment même que les désastres éclatent autour de vous, que les malheurs sont à leur comble, que toutes les âmes sont dans le trouble et dans la consternation. Comment donc la bête féroce pourrait-elle n’être plus une bête féroce ? C’est que je puis changer sa nature, si, de votre côté, vous le voulez bien ; car telle est la force du discours. Comment donc la nature de la bête féroce pourrait-elle être changée ? si nous arrivons à savoir comment lui vient sa férocité. Les lions, les panthères, les ours qu’on renferme, qu’on retient captifs dans l’obscurité, sentent se réveiller, s’irriter leur colère ; il en