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HOMÉLIE. LORSQUE SATURNIN ET AURÉLIEN FURENT ENVOYÉS EN EXIL.

AVERTISSEMENT ET ANALYSE.


Gaïnas, général des Goths, un de ceux qui avaient sollicité la disgrâce d’Eutrope, fier d’avoir causé la chute d’un ministre puissant, abusa de la faiblesse d’un prince paresseux et timide. Il menaça Arcadius de tout ravager avec ses troupes, si on ne lui livrait Aurélien, Saturnin et le comte Jean. C’étaient les premiers hommes de la cour et les principaux personnages de l’empire. Gaïnas les craignait tous les trois, et il ne cachait pas le dessein qu’il avait de leur donner la mort. Ils furent sacrifiés à la haine du barbare ; ou plutôt ils se dévouèrent généreusement eux-mêmes au salut de l’État, et partirent pour aller se livrer à Gaïnas. Saint Chrysostome partit avec eux ; et son éloquence adoucit tellement le cœur d’un ennemi cruel, qu’il leur laissa la vie et se contenta de leur exil.
1° Au retour de son voyage, le saint évêque parle à son peuple suivant sa coutume ; il lui annonce pourquoi il s’est absenté et pourquoi il est revenu ; il profite de la circonstance pour l’entretenir de l’incertitude des choses humaines, et lui apprendre combien peu on doit compter sur les hommes dans le siècle présent. – 2° et 3° Il expose tous les inconvénients des grandes richesses et les avantages de la pauvreté, pour faire mépriser les, unes et aimer les autres. – 4° Il ajoute que si l’on n’a pas le courage de renoncer à ses biens dans la prospérité, on doit prévoir les disgrâces et s’y attendre. – 5° Il exhorte à cette sage prévoyance par l’exemple de Job dont il développe et dont il loue la résignation courageuse. Il conclut en disant qu’on ne doit se laisser ni abattre par la pauvreté ni enfler par les richesses.
1. J’ai gardé un long silence ; longtemps absent, je reviens à votre fraternelle assemblée : n’accusez ni mon âme d’indifférence, ni mon corps d’indolence paresseuse, j’apaisais les tumultes, je calmais les flots, je modérais la tempête, je tirais des abîmes les passagers engloutis, je travaillais avec ardeur pour les amener au port où règne la tranquillité. Car je suis le père commun de tous, et je dois prendre souci, non seulement de ceux qui sont restés debout, mais aussi de ceux qui sont tombés ; non seulement de ceux qui ont les vents favorables, mais de ceux qui sont battus par les flots agités ; non seulement de ceux qui voguent sans avoir rien à craindre, mais des malheureux qu’entourent les dangers. Voilà pourquoi je vous ai quelque temps quittés ; j’allais et venais, j’exhortais, je priais, je suppliais, pour préserver du malheur les maîtres de ce monde. Une fois le terme arrivé de ces choses sinistres, je suis revenu auprès de vous qui n’avez rien à craindre, qui naviguez sur les ondes parfaitement tranquilles. J’ai été les trouver, pour dissiper la tempête, et je suis revenu vers vous, pour qu’il ne s’élève pas de tempête. J’ai été les trouver, pour les délivrer de leurs épreuves, et me voici de retour auprès de vous, pour que vous ne tombiez pas dans les malheurs. Donc, comme il ne convient pas de prendre souci seulement de ceux qui sont restés debout, mais aussi de ceux qui sont tombés, de même il ne faut pas s’inquiéter seulement de ceux qui sont tombés, mais aussi de ceux qui sont restés debout ; des premiers, pour qu’ils se relèvent, des autres, pour qu’ils ne tombent pas ; des premiers, pour les délivrer des maux qui les possèdent, des autres, pour les préserver des maux qui les menacent. Car il n’y a rien de ferme, rien d’inébranlable dans les choses humaines ; c’est la