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des calomniateurs, toute sorte de maux, incendies, naufrages, attaques, séditions, infidélités même dans notre maison, vols de créances, faux en écritures, et tous ces accidents auxquels ceux qui aiment les richesses sont exposés par leur fortune même. Ne demandez pas les dignités : car elles aussi amènent mille maux, soucis redoutables, insomnies continuelles, pièges de la part des envieux, machinations perfides de la part des ennemis, sophismes des rhéteurs qui sous leurs beaux discours déguisent la vérité et la rendent presque insaisissable, grave péril pour les juges. Il en est dont les prières se répandent en paroles nombreuses et inutiles pour demander au Dieu tout-puissant ces choses et autres semblables, tandis qu’ils n’attachent aux biens réels aucun intérêt. Ce n’est, pas le malade qui apprend au médecin l’utilité de tel ou tel remède ; il n’a qu’à se soumettre à ceux qu’on lui donne, quelque pénible que doive être le traitement. Ce ne sont pas les passagers qui disent au pilote comment il faut tenir le gouvernail et diriger le navire ; mais, restant sur le pont, ils se fient à son expérience, non seulement quand la navigation est heureuse, mais encore quand ils se voient exposés à des dangers extrêmes. C’est seulement lorsqu’ils ont affaire à Dieu, qui sait pourtant ce qu’il leur faut pour leur bonheur, que les hommes ont l’esprit assez mal fait pour ne pas s’en rapporter entièrement à lui ; mais ils demandent comme utile ce qui leur serait nuisible, semblables à un malade qui prierait le médecin de lui donner non ce qui peut faire disparaître la maladie, mais ce qui en entretiendrait et en nourrirait la cause. Le médecin se garderait d’écouter la demande du malade, même quand il le verrait pleurer et gémir ; il ne suivrait que sa science, et cette insensibilité, nous l’appellerions non cruauté, mais humanité ; s’il obéissait au malade et lui fournissait ce qu’il demande, il agirait envers lui comme un ennemi : mais en lui résistant et combattant ses désirs, il ne montre pour lui que de la bienveillance et de la charité : de même le médecin de nos âmes ne saurait écouter des demandes qui tourneraient au détriment de ceux, qui les font. Les pères qui aiment leurs enfants ne leur fournissent, quand ils sont encore jeunes, ni épées ni charbons de feu ; ils savent bien que ce leur serait un funeste présent. Et il y en a cependant qui sont assez insensés pour demander à Dieu non seulement la beauté corporelle, la richesse, la puissance, mais encore la malédiction et des châtiments terribles pour leurs ennemis, et ce Dieu dont ils recherchent la faveur et les bonnes grâces, ils appellent ses colères et ses sévérités sur leurs ennemis. Le Seigneur les blâmant par avance nous ordonne de ne pas parler longtemps dans nos prières ; il nous enseigne ce qu’il y faut dire, et en peu de paroles il nous instruit de toutes les vertus : ces paroles ne nous apprennent pas seulement à bien prier, mais elles suffisent pour régler toute notre vie.
3. Quelles sont-elles et quel en est le sens ? voilà ce qu’il nous faut rechercher avec soin, pour les observer fidèlement comme des lois divines. Notre Père qui êtes aux cieux. (Mt. 6,9 et suiv) Quel excès de charité ! Quelle sublime élévation ! Par quelles paroles dignement remercier Celui qui nous a comblés de tant de biens ! Considérez, mes chers auditeurs, la bassesse de notre commune nature, examinez notre origine et vous n’y trouverez rien que boue, que cendre, que poussière ; formés de terre, nous retournerons en terre après notre mort. Puis, admirez l’insondable abîme de la bonté de Dieu qui veut que nous lui donnions le nom de Père, nous terrestres à lui qui habite le ciel, nous mortels à lui immortel, nous corruptibles à lui incorruptible, nous qui passons à lui qui demeure, nous qui ne faisons que de sortir de la boue à lui qui est Dieu de toute éternité. Toutefois, s’il vous permet de prononcer ce nom, il ne veut pas que ce soit en vain, mais bien afin que, respectant le nom de Père que lui donne votre bouche, vous imitiez sa bonté, comme il dit en un autre endroit : Devenez semblables à votre Père céleste, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes comme sur les injustes ; (Mt. 5,45) Vous ne pouvez appeler votre Père, le Dieu de toute bonté, si vous gardez un cœur cruel et inhumain ; car, dans ce cas, vous n’avez plus en vous la marque de bonté du Père céleste ; mais vous êtes descendus au rang, des bêtes féroces, vous êtes déchus de votre noblesse divine, vous êtes dégénérés selon cette parole de David : L’homme n’a pas compris la gloire à laquelle il était élevé ; il est devenu comparable aux animaux privés de raison, et il s’est fait semblable à eux. (Ps. 4, 8, 21) Quoi ! cet homme s’élance comme le taureau, frappe