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que je demeure en lui. Pourquoi, habitant ? Parce que nous sommes son temple. Pourquoi, tête ? Parce que nous sommes ses membres. Pourquoi, fiancé ? Parce qu’il m’a voulu pour son épouse ? Pourquoi, chaste ? Parce qu’il a choisi ma virginité. Pourquoi, maître ? Parce que je suis sa servante.
9. Voyez les divers noms donnés à l’Église, comme je vous le disais, tour à tour, épouse, fille, vierge, servante, reine, femme stérile, montagne, jardin, mère féconde, lis, fontaine. C’est pourquoi, si vous avez entendu, n’attachez pas à tous ces mots un sens matériel ; faites un effort de pensée : de tels mots ne peuvent pas avoir un sens matériel. Par exemple, une montagne n’est pas une vierge ; une vierge n’est pas une épouse ; une reine n’est pas une servante. L’Église est tout cela. Pourquoi ? C’est qu’il n’y a là rien de matériel, tout est pour l’âme. Un objet matériel ne pourrait contenir à la fois tout cela ; mais, dans Pâme, tous les flots de la mer s’entendraient à leur aise. La Reine se tenait à ta droite. (Psa. 44,10) Une reine ? Celle qu’on foulait aux pieds, la mendiante, comment est-elle devenue une reine ? où est-elle montée ? En haut se tenait cette reine. Comment cela ? Parce que le roi est devenu esclave ; il ne l’était pas, mais il l’est devenu. Apprenez donc les choses de la Divinité ; méditez-en l’économie. Apprenez ce qu’il était, et ce qu’il est devenu pour vous, et gardez-vous de confusion ; et, de ce qui prouve sa bonté pour les hommes, ne faites pas l’occasion d’un blasphème. Il était élevé, et celle-ci ôtait dans la bassesse. Son élévation ne lui venait pas du lieu, mais de sa nature. Il était sans mélange ; indestructible substance ; nature incorruptible, incompréhensible, invisible, insaisissable, éternelle ; existence identique ; au-dessus des anges, au-dessus des puissances d’en haut ; surpassant la raison ; les yeux sont, pour l’atteindre, sans pouvoir ; ce pouvoir n’appartient qu’à la foi. Les anges la voyaient et tremblaient ; les chérubins se couvraient de leurs ailes, et tous étaient dans la crainte. Son regard faisait trembler la terre ; il menaçait la mer et la desséchait ; du désert, il tirait des fleuves ; les montagnes, il les mettait dans la balance, et il pesait les vallées et leurs bois. Où trouver des paroles, des images pour vous les montrer ? Sa grandeur n’a pas de limites ; sa sagesse défie la, mesure et le nombre ; ses jugements ne peuvent être sondés ; ses voies sont impénétrables. Telle est sa grandeur, telle est sa nature, si, toutefois, l’on ose dire : Telle est sa grandeur, et telle est sa nature. Mais, moi, qu’ai-je voulu ? Je suis homme, et je parle le langage de l’homme ; ma langue est d’argile ; j’implore le pardon du Seigneur. Ce n’est pas uni témérité insensée qui m’a fait me servir de ces paroles, mais la pénurie de mon infirmité, l’indigence naturelle de notre langage. Soyez-moi propice, Seigneur ; ce n’est pas une témérité insensée qui m’a fait prononcer ces paroles, c’est que je n’en ai pas d’autres ; et, cependant, je ne m’arrête pas à ta bassesse de ces paroles chétives, mais je m’élève sur les ailes de la pensée. Telle est sa grandeur, telle est sa nature. Je dis ces mots pour que, vous aussi, sans vous arrêter à ces paroles, à l’indigence de notre langage, vous appreniez à faire ce que je tente. Pourquoi vous étonner, que je fasse ce que fait quiconque veut montrer des choses au-dessus de l’homme ? Il faut bien, quand on s’entretient avec des hommes, se servir d’images à la portée des hommes, insuffisantes à montrer ce qu’on dit, impuissantes à exprimer, toute l’étendue de la, pensée, suffisantes pourtant, eu égard à l’infirmité de ceux qui écoutent. 10. Faites un effort de pensée ; ne vous fatiguez pas de la longueur de ce discours. Car, comme il arrive, lorsque Dieu se fait voir, qu’il ne fait pas voir ce qu’il est ; que son essence ne se fait pas voir à nu : (car personne n’a jamais vu Dieu, ce qu’il est, lui ; car, bien qu’il usât de condescendance, les chérubins tremblaient ; il condescend, et pourtant les montagnes fument ; il condescend, et pourtant la mer se dessèche ; il condescend, et pourtant le ciel est bouleversé : s’il n’usait de condescendance, qui pourrait le supporter ?) donc, comme il arrive que Dieu ne fait pas voir ce qu’il est, mais seulement ce que peuvent supporter de lui les yeux qui le voient, pour cette raison, il se montre tantôt en vieillard, tantôt en jeune homme, dans le feu, dans l’air, dans l’eau ; quelquefois il est en armes, il ne change pas sa substance, seulement il prend, pour les yeux, des formes qui varient selon les circonstances ! de même aussi, quand il veut nous apprendre de lui quelque chose, il se sert de figures humaines. Exemple : il monta sur la montagne Et il se transfigura en leur présence, et son visage resplendissait comme la lumière, et ses vêtements étaient blancs comme la neige. (Mat. 17,12)