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sagesse profitera-t-elle à nos descendants ? la leçon que donne l’expérience sera-t-elle, en moins de deux jours, livrée à l’oubli ? L’avertissement retentissait encore ; je parlerai de nouveau, je ferai de nouveau des discours. Quelle utilité ? la voici, l’utilité. Si tous n’entendent pas la moitié entendra ; si la moitié n’entend pas, le tiers entendra ; si ce n’est pas le tiers, ce sera le quart ; si ce n’est pas le quart, mettons dix auditeurs ; s’ils ne sont pas dix, mettons-en cinq ; à défaut de cinq, un seul ; à défaut d’un seul, eh bien ! c’est moi qui ai mon salaire tout prêt. L’herbe s’est desséchée, la fleur est tombée ; mais la parole de Dieu demeure éternellement. (Isa. 40,8)
3. Avez-vous vu le néant des choses humaines ? avez-vous vu la fragilité de la puissance ? avez-vous bien vu que cet or, qu’on appelait toujours un fugitif, n’est pas un fugitif seulement mais un meurtrier ? Car il ne lui suffit pas d’abandonner ses maîtres, il faut qu’il les égorge. C’est quand vous l’entourez de plus de soins qu’il est surtout prompt à vous trahir. À quoi bon tant de soins pour cet or qu’on ne peut jamais retenir ? Eh bien, veux-tu lui prodiguer tes soins, veux-tu le retenir ? ne l’enfouis pas dans la terre, mais livre-le entre les mains des pauvres. Les richesses sont des bêtes sauvages ; si on veut les retenir, elles prennent la fuite ; dispersez-les, elles restent. Il a dispersé ses trésors, dit le Psalmiste, il a donné aux pauvres. (Psa. 111,9) ; sa justice demeure dans l’éternité. Disperse-les, pour qu’ils demeurent ; ne les enfouis pas, pour qu’ils ne t’échappent pas : Où sont-elles ses richesses ? j’aimerais à l’apprendre de ceux – qui se sont retirés de lui. Et ce que j’en dis, ce n’est pas pour lui faire outrage, non ; ni pour irriter ses blessures, mais je veux, par les naufrages des autres, vous ménager le port. Quand on voyait les soldats et les glaives, quand la ville était en feu, quand le diadème avait perdu son prestige, quand la pourpre était insultée, quand la fureur remplissait tout, qu’étaient devenus la richesse, les vases d’argent, les lits d’argent, les serviteurs ? Déroute universelle ! les eunuques ? tous en fuite ; les amis ? plus de masques ; ses palais ? fermés à la clef ; ses trésors ? il fuyait, le maître de ces trésors. – Mais enfin, où étaient-ils, ces trésors ? enfouis. Où donc se cachaient-ils ? Je vous suis à charge, n’est-ce pas, et je vous importune, n’est-ce pas, en vous répétant sans relâche que les richesses trahissent le possesseur qui en use mal ? Le temps est venu, qui a montré la vérité de mes paroles. Pourquoi retenir ces richesses, qui ne te sont d’aucun secours au moment des épreuves ? Si elles ont quelque puissance, eh bien ! dans un besoin pressant, qu’elles t’assistent ; mais si alors elles prennent la fuite, à quoi te servent-elles ? Les choses parlent d’elles-mêmes. Quelle est l’utilité des richesses ? Les glaives aiguisés, la mort menaçante, une armée furieuse, l’attente d’un sort si cruel, et, en même temps, plus d’or pour toi nulle part. Où a-t-il pris sa course, le fugitif ? C’est lui qui t’a préparé toute cette catastrophe, et, dans cette crise, il prend la fuite. Cependant de nombreuses voix m’accusent toujours d’attaquer les riches ; c’est que les riches attaquent toujours les pauvres. Oui j’attaque les riches, c’est-à-dire non pas les riches, mais ceux qui ne savent pas se servir de leurs richesses. Car je ne cesse de dire que ce n’est pas le riche que j’attaque, mais le ravisseur. Bien différents sont le riche et le ravisseur ; bien différents l’homme opulent et l’avare. Faites la distinction entre les choses, ne confondez pas ce qui doit être séparé. Êtes-vous riche ? à la bonne heure. Êtes-vous un ravisseur ? je vous accuse. Possédez-vous des biens qui sont votre propriété ? jouissez-en. Vous emparez-vous du bien d’autrui ? je ne me tairai pas. Voulez-vous me lapider : je suis prêt à verser mon sang, je ne veux que repousser le péché. Peu m’importe la haine, peu m’importe la guerre ; ce qui m’importe uniquement, ce sont les progrès de ceux qui m’écoutent. Les riches sont mes enfants, et les pauvres aussi sont mes enfants ; les uns et les autres, le même sein, les a portés, les mêmes douleurs les ont enfantés. Si donc tu attaques, le pauvre, je t’accuse, parce que ton attaqué est moins préjudiciable au pauvre qu’à toi-même, car le pauvre ne subit jamais un grand, dommage ; c’est à ses biens que l’on en veut ; mais toi, c’est ton âme que tu meurtris. Me frappe du glaive, qui voudra ; me lapide, qui voudra ; me déteste, qui voudra : les assauts contre moi m’assurent autant de couronnes ; vous comptez mes récompenses ; en comptant mes blessures.
4. Je ne crains donc pas la haine qui veut nuire ; ma seule crainte, c’est le péché. Que personne ne puisse me convaincre de péché,