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pour faire valoir sa patience. Mais ce n’est là qu’une considération accessoire. Pourquoi cette femme était-elle stérile ? Il faut le dire : c’est afin que la foi ne vous manquât pas en voyant une vierge mère ; c’est afin que, si un juif vous dit : comment a enfanté Marie ? vous puissiez lui répondre. Comment ont enfanté Sarra, Rébecca et Rachel ? En effet, quand un miracle inouï doit se manifester, il est précédé de signes précurseurs. Quand l’empereur doit passer, les soldats courent en avant pour que la foule soit prête à le recevoir ; de même, quand un prodige éclatant va paraître, il est annoncé par des faits figuratifs qui avertissent le mondé de l’attendre : et nous préparent à son arrivée, en prévenant l’excès de notre étonnement.
Cela se voit aussi pour la mort du Christ. Jonas l’a précédé et a préparé notre esprit. Ainsi, la baleine l’a vomi après trois jours, né trouvant pas en lui l’aliment naturel qui lui convenait. Comparez, et voyez que l’aliment naturel qui convient à la mort est le péché ; c’est là qu’elle a pris naissance, là qu’elle a pris racine, là qu’elle prend sa nourriture. Nous-mêmes, quand nous avons par imprudence avalé une pierre, notre estomac cherche d’abord à la digérer, mais bientôt il reconnaît que cette nourriture ne lui convient pas ; il a beau faire, sa force digestive s’épuise sans résultat ; alors ne pouvant plus supporter ce fardeau, il le vomit avec douleur. C’est ce qu’on a vu pour la mort elle-même. Elle a avalé la pierre angulaire et n’a pu la digérer ; toute sa force s’y est épuisée : elle a rejeté en même temps cette nature humaine qu’elle avait également absorbée : Aussi sera-t-elle obligée à la fin de la rendre tout entière. Si donc il y a eu jadis des femmes stériles, c’était pour nous avertir d’avoir foi dans l’enfantement virginal : ou plutôt ce n’était – pas seulement pour nous inspirer cette foi, c’était encore et surtout, si nous y réfléchissons profondément, pour nous faire voir que cette stérilité est la figure de la mort.
4. Mais écoutez bien ; car ce que nous avons à vous dire est du peu subtil. Nous allons expliquer comment la stérilité de Sarra nous conduit par la main au dogme de la résurrection. Comment nous y conduit-elle ainsi ? De même que Sarra, qui était morte au point de vue de la génération, a été régénérée par un bienfait de Dieu pour faire croître et vivre le corps d’Isaac ; de même aussi le Christ étant mort a ressuscité par sa propre puissance. Et pour prouver que cette explication n’a rien de forcé, écoutez Paul, voici ce qu’il dit à propos d’Abraham. Il ne considéra pas que la vertu de concevoir était éteinte chez Sarra, mais il se confirma dans la foi en rendant gloire à Dieu, sachant bien que tout ce qu’il promettait il pouvait aussi le faire. (Rom. 4,19-21) C’est-à-dire qu’un fils pouvait lui naître par la fécondation d’un corps stérile. De plus, afin de nous conduire d’une croyance à l’autre, Paul ajoute : Cela n’a pas été seulement écrit pour Abraham, en faveur de qui ce miracle a été accompli, mais aussi pour nous. (Rom. 4,23-24) Pourquoi ? Cela s’accomplira aussi pour les hommes qui croient à celui par lequel Jésus Notre-Seigneur est ressuscité des morts. Voici ce qu’il veut dire. Dieu a fait naître Isaac d’un corps aussi froid qu’un cadavre ; de même il a fait renaître son Fils, qui était devenu cadavre lui-même.
Mais voulez-vous trouver encore un autre symbole dans cette stérilité ? L’Église était destinée à produire une multitude innombrable de fidèles : or, pour que vous conceviez comment elle a pu enfanter après avoir été si longtemps inféconde, infructueuse, stérile, une stérilité naturelle w précédé sa stérilité volontaire et Sarra a été la figure de l’Église : l’une a enfanté dans sa vieillesse, l’autre a enfanté dans les derniers temps. Pour le démontrer, écoutez Paul. Nous sommes les fils de la femme libre. (Gal. 4,31) Comme Sarra, qui était libre, était la figure de l’Église, voilà pourquoi il dit : Nous sommes les fils de la femme libre. Et il ajoute : Nous sommes les fils de la promesse à l’exemple d’Isaac. (Gal. 4,28) Qu’entend-il par cette promesse ? De même que ce n’est pas la nature qui a fait naître Isaac, de même ce n’est point la nature, mais la grâce de Dieu qui nous a engendrés. Et il dit encore :La Jérusalem céleste est libre, c’est elle qui est notre mère (Gal. 4,26) ; cela signifie l’Église. Vous êtes parvenus, dit-il, à la montagne de Sion, à la cité du Dieu vivant, à la Jérusalem céleste et à l’Église des premiers-nés. (Heb. 12,22) Du reste si la Jérusalem céleste est l’Église, Sarra représente cette Jérusalem céleste, puisqu’il dit : Elles sont deux, l’une qui engendre dans la servitude, c’est Agar : l’autre, la Jérusalem d’en haut est libre ; c’est elle qui est notre mère. (Gal. 4,24-26) Il est clair que Sarra, par sa stérilité, puis par son enfantement,