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avec patience ; mais nous, souillés de péchés sans nombre, nous en qui habite une conscience tourmentée, nous qui n’avons aucune affection pour le Seigneur, si nous ne sommes pas exaucés avant d’avoir parlé, nous perdons courage, nous nous indignons, nous renonçons à la prière ; ce qui fait que, nous nous en allons toujours les mains vides. Quel homme a prié Dieu pendant vingt ans, faisant toujours la même prière, comme a fait ce juste ? Disons mieux, quel homme a prié Dieu vingt mois seulement ?
Hier, je vous disais qu’il y a beaucoup de personnes qui prient négligemment, en s’étirant les bras, en se retournant sans cesse, montrant, tonte espèce d’inattention lorsqu’elles prient. Mais aujourd’hui, je découvre un autre vice dans les prières, et bien plus funeste que la négligence. Beaucoup de personnes se prosternent, se jettent par, terre, frappant le sol de leur front, pleurant à chaudes larmes, poussant, du fond de leur poitrine, d’amères gémissements, étendant les mains, montrant un zèle ardent, et se servant de cette ferveur, de cette ardeur passionnée, d’une manière contraire à leur salut. C’est que ce n’est pas parce qu’elles ont péché, que ces personnes prient Dieu ; ce n’est pas le pardon de leurs propres fautes qu’elles lui demandent ; ce zèle, elles le déploient tout entier, uniquement contre leurs ennemis, comme ferait celui qui, après avoir aiguisé le glaive, au lieu de l’employer comme il convient, l’en, foncerait dans sa propre poitrine. De même, ces gens-là ne demandent pas que leurs propres péchés leur soient remis ; c’est à obtenir la punition de leurs ennemis qu’ils font servir leurs prières, ce qui est tourner le glaive contre soi-même. C’est une invention du démon, qui veut que nous nous perdions nous-mêmes par tous les moyens, et par notre négligence, et par notre zèle. Car, tandis que les uns, négligeant la prière, irritent Dieu, parce que leur négligence montre leur mépris, les autres témoignent d’un grand zèle, mais ce zèle, ils l’emploient contre leur propre salut. Un tel, dit le démon, cède à l’indolence, cela me suffit ; il n’obtiendra jamais aucun bien ; cet autre est plein de zèle, toujours éveillé, que va-t-il arriver de lui ? Je ne peux pas éteindre son zèle, ni le précipiter dans le mépris de la prière ; j’emploierai un autre moyen pour le perdre. Quel est donc enfin ce moyen ? Je ferai eu sorte qu’il emploie son zèle à violer la loi ; car, prier pour qu’il arrive du mal à ses ennemis, c’est violer la loi. Il s’en ira donc de l’église, non seulement n’ayant tiré aucun profit de son zèle, mais encore ayant subi un plus grand dommage que celui qui résulte de la négligence ; voilà les artifices du démon. Les uns, il les perd par leur négligence ; les autres, par leur zèle même, lorsqu’ils n’emploient pas ce zèle conformément à la loi de Dieu.
11. Mais il convient de les entendre un peu, ces prières, ces prières puériles, vraies prières d’enfant ; j’ai honte, je l’avoue, de les réciter, mais il est absolument nécessaire de les dire, d’imiter ce langage d’un ignorant mal élevé. Quelles sont donc ces prières ? Vengez-moi de mes ennemis, montrez-leur que j’ai Dieu pour moi, moi aussi. Mauvaise manière de montrer, ô homme, que nous avons Dieu pour nous, que de céder ainsi, nous livrer à la fureur, à la colère, à la bile. Si Dieu est avec nous, montrons-le, par notre modestie, par notre douceur, par la perfection de notre sagesse. C’est ainsi que Dieu nous dit : Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père, qui est dans les cieux. (Mat. 5,16) Ne voyez-vous pas que vous faites injure à Dieu, quand, pour nuire à vos ennemis, vous osez prier Dieu ? Et comment est-ce lui faire injure, me dit-on ? C’est parce que Dieu lui-même a dit : Priez pour vos ennemis. (Id. 44) C’est lui qui nous a donné ce précepte divin. Donc, quand vous priez le Législateur de violer les lois qu’il a faites, quand « vous l’invoquez, afin qu’il – porte des lois contraires à ses propres lois ; quand vous adressez à Celui qui vous a défendu de prier contre vos ennemis, votre prière contre vos ennemis, ce n’est pas une prière que vous faites alors, vous ne l’invoquez pas, vous outragez le Législateur, vous irritez Celui qui allait vous accorder lesbiens que l’on recueille de la prière. Et comment ; je vous en prie, peut-il se faire que votre prière soit écoutée, quand elle irrite celui qui l’écoute ? Car, en prononçant cette prière, c’est votre salut que vous jetez dans un gouffre ; vous tombez dans le précipice, vous qui frappez votre ennemi, sous les yeux mêmes de votre roi. Si vos mains ne le frappent pas, vos paroles le frappent ; ce que vous n’osez pas faire contre ceux qui sont des serviteurs comme vous. Essayez, montrez la même