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l’assaut le plus formidable, parce qu’il veut nous enlever notre justification, parce qu’il veut nous renvoyer chez nous les mains vides. Voyez ce qui se passe auprès des princes ! si les satellites, si ceux qui font escorte au prince détestent les personnes qui viennent trouver le prince, ils les écartent à coups de verges, leur défendent d’approcher, de lui faire entendre leurs plaintes, d’éprouver les effets de sa clémence. C’est la conduite que tient le démon à l’aspect des hommes qui s’approchent de leur juge ; il les en écarte, non à coups de verges, mais en leur inspirant une lâche indolence. Car il sait, il sait parfaitement que, si notre prévoyance, notre vigilance nous approchent du souverain Juge, que si nous confessons nos péchés, que si, dans la ferveur qui nous anime, nous versons des larmes sur nos fautes, nous obtiendrons une grande miséricorde. Dieu est si bon ! voilà pourquoi le démon prend les devants, et pourquoi il nous empêche de nous rencontrer avec Dieu, de l’entretenir ; il ne veut pas que nous obtenions rien de ce que nous demandons.
C’est avec violence que les satellites des magistrats écartent les personnes qui veulent s’approcher d’eux ; le démon, au contraire, n’est pas violent, mais trompeur, et c’est à la négligence qu’il nous pousse. Aussi, sommes-nous impardonnables de nous priver nous-mêmes de notre vrai bien. L’ardente prière, c’est la lumière de l’esprit, c’est la lumière de l’âme, lumière qui ne s’éteint pas, lumière éternelle. Aussi le démon jette-t-il dans nos esprits d’innombrables pensées qui nous souillent, des pensées que nous n’avons jamais eues ; il choisit le temps de la prière pour les rassembler, pour les verser dans notre âme. Et de même que fréquemment des vents contraires éteignent la lumière d’une lanterne, ainsi, quand le démon voit la flamme de la prière allumée en nous, il ne prend pas de repos qu’il ne l’ait éteinte. Faisons comme ceux qui allument ces lanternes. Que font-ils donc ? quand ils voient le vent souffler avec violence, ils mettent le doigt sur le trou de la lanterne pour intercepter l’air. En effet tant que le démon s’élancera sur nous du dehors, nous pourrons résister ; mais, si nous lui ouvrons les portes de notre pensée, si nous introduisons l’ennemi dans la place, impossible alors d’opposer la moindre résistance. Notre mémoire complètement éteinte par le démon est comme la lanterne qui n’éclaire plus, qui fume ; notre bouche n’exhale plus que des paroles vaines ; mais de même qu’on met le doigt sur le trou de la lanterne, de j même, protégeons notre pensée par la raison, interceptons le passage au malin esprit, pour qu’il n’éteigne pas là lumière de notre prière. Vous êtes-vous bien mis dans la tête ce double exemple, d’une part, des soldats (lui escortent les magistrats ; d’autre part, de la lanterne ? Si nous vous proposons ces exemples, ici, à là place où nous sommes, c’est afin que, quand vous serez partis d’ici, rentrés chez vous, les objets que vous aurez sous la main, vous rappellent nos paroles. C’est une grande arme que la prière, c’est une grande sécurité.
6. Hier, vous avez entendu comment les trois jeunes hommes chargés de chaînes, ont réprimé la violence du feu, ont foulé aux pieds la flamme, ont vaincu la fournaise, ont triomphé des éléments. Écoutez maintenant comment ce généreux et grand Isaac a vaincu, par la prière, la nature même de notre corps. Ces trois jeunes hommes ont réduit à néant l’énergie du feu ; Isaac aujourd’hui a rompu les lieus qui mutilaient la nature. Apprenez comment il s’y est pris. Isaac, dit le texte, priait pour son épouse, parce qu’elle était stérile. (Gen. 25,21) C’est la lecture d’aujourd’hui ; l’entretien d’hier était sur la prière, et, aujourd’hui, voici que se rencontre la démonstration de la vertu de la prière. Voyez-vous, comme, par la grâce de l’Esprit qui dispose toutes choses, il arrive que la lecture d’aujourd’hui se rapporte à la lecture d’hier ? Isaac priait, dit le texte, pour son épouse Rébecca, parce qu’elle était stérile. Avant tout, ce qu’il faut chercher, c’est pourquoi elle était stérile. Sa vie était admirable, sa chasteté exemplaire, et son mari lui ressemblait. Nous ne pouvons pas censurer la' vie des personnes justes, nous ne pouvons pas dire que la stérilité soit un effet du péché. Rébecca ne fut pas seule stérile, la mère d’Isaac aussi avait été stérile, Sarra, qui le mit au monde, et non seulement sa mère, non seulement son épouse, mais sa belle-fille aussi, Rachel, épouse de Jacob. Que signifie cette foule de femmes stériles ? tous ces personnages étaient justes, tous étaient doués de vertus, tous approuvés par le témoignage de Dieu. C’est d’eux en effet qu’il dit : Je suis le Dieu d’Abraham et le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. (Exo. 3,6) Paul ; en parlant d’eux, s’exprime ainsi : Aussi Dieu ne rougit point d’élire appelé leur Dieu.