Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas simplement, ici, qu’on accueille les étrangers, mais qu’on leur fasse accueil, de tout cœur, avec une âme que brûle le feu de la charité. Après avoir dit : Si elle a exercé l’hospitalité, il ajoute : Si elle a lavé les pieds des saints. Il ne faut pas qu’assise superbement, elle abandonne, à des servantes, le soin de l’étranger ; elle doit le servir elle-même, ravir elle-même ce fruit de vertu ; elle ne doit céder à personne ce trésor si beau. Et comment cela se ferait-il, me dit-on, si elle est de bonne famille, issue de nobles et illustres ancêtres ; elle ira laver elle-même les pieds de l’étranger ? Comment, ne serait-ce pas une honte ? Une honte ! si elle ne les lave pas, entendez bien ; fût-elle mille et mille fois de plus noble famille, issue de plus nobles, de plus illustres ancêtres, elle est du même sang que celui dont elle lave les pieds ; esclave, comme celui qu’elle soigne, et qui est son égal.
13. Méditez, considérez quel est Celui qui a lavé les pieds de ses disciples, et ne me parlez plus de noblesse, et ne me parlez plus de noble naissance. Le Maître, le Seigneur qui commande à la terre entière, le Roi des anges, il a lavé leurs pieds ! Il s’est mis un linge autour des reins, et il n’a pas lavé seulement les pieds de ses disciples, mais aussi les pieds de celui qui le trahissait ! Comprenez-vous, entre celui qui lavait et ceux qui étaient lavés, quelle distance il y avait ? Le Seigneur pourtant n’a rien voulu voir de toute cette distance, et le maître a lavé son esclave, afin que la femme esclave ne rougisse pas d’en faire autant à celui qui est esclave comme elle ; et, si le Seigneur a lavé les pieds du traître, c’est pour que vous ne disiez pas de l’étranger qu’il est trop vil, trop méprisable pour que vous lui donniez vos soins. Je veux qu’il soit vil et méprisable : il ne l’est pas autant que Judas ; il ne vous a pas fait ce que Judas a fait à son Maître : après tant de bienfaits, il a été le trahir. Le Seigneur prévoyait tout cela, et il lui a lavé les pieds, pour montrer à nos yeux, dans la pratique, les lois qu’il nous impose, pour nous apprendre que, quel que soit notre rang et notre dignité, et quand les derniers de tous les hommes devraient venir chez nous demander l’hospitalité, ce n’est pas une raison pour nous de nous soustraire aux soins qu’ils réclament ; ne rougissons pas de leur bassesse. Que fais-tu, ô femme ! à la vue d’un homme qui te porte secours dans les affaires de la vie, qui t’assiste devant les juges ou dans quelque autre circonstance ? Tu lui fais un accueil plein d’affection et tu lui baises les mains, et tu dépenses de l’argent, et tu partages les soins des servantes. A la vue du Christ qui t’arrive, tu recules et tu renonces à le servir ! Si tu ne reçois pas l’étranger comme le Christ, ne le reçois pas ; mais, si tu le reçois comme le Christ, ne rougis pas de laver les pieds du Christ. Et ne vois-tu pas combien de victimes de l’injustice se sont réfugiées aux pieds de ses images ? Matière insensible, pourtant, bronze inanimé ! Mais, comme ce sont de royales images, on prend confiance ; on s’assure que, de ces pieds que l’on touche, on recueillera quelque utilité. Et toi, quand tu vois non des pieds insensibles, non une matière sans âme, mais une image qui porte le Roi en elle ; quand cette image vient vers toi, tu ne cours pas à sa rencontre ! Réponds-moi. Tu ne t’attaches pas à ses pieds, tu ne l’entoures pas de tous tes soins ? Quelle pourrait être l’excuse de cette indifférence ? Comment n’en pas rougir ? Considère quel commerce exalte, ton orgueil, transporte ta vanité, toi qui rougis de prendre soin d’un étranger. Ce, commerce, c’est le commerce avec le démon ; car le vain orgueil, voilà sa maladie. Si, au contraire, tu cours au-devant de l’étranger, considère quel est Celui dont tu suis l’exemple : tu imites ton Seigneur, tu fais l’action du Christ. Quelle honte, quel opprobre y a-t-il à faire comme le Seigneur ? Réponds-moi. La honte ! je sais bien ce qui la produit : c’est d’avoir honte de ces soins, c’est de regarder comme un opprobre ce qu’a fait le Christ. Les pieds des saints ont un grand pouvoir quand ils entrent dans une maison : ils sanctifient le sol, ils introduisent dans la maison un trésor de biens innombrables ; ils corrigent l’aveuglement de la nature ; ils dissipent la famine ; ils amènent l’abondance. C’est ce que firent les pieds d’Élie entrant dans la maison de la veuve, où ils introduisirent une incroyable, une admirable abondance. La maison de la veuve devint un champ fertile ; son vase devint un grenier. On vit alors une semence nouvelle, une moisson inouïe : la veuve semait dans la bouche du juste, et elle moissonnait dans son vase, avec une merveilleuse abondance, ce qu’elle avait semé ; elle semait la farine, et elle moissonnait la farine. Elle n’a eu besoin ni de bœufs, ni d’attelage, ni de charrue, ni de sillons préparés, ni de pluie, de