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l’épouse qu’il a perdue, embrasse ses enfants, et, par l’affection, par la compassion qu’il éprouve, il souffre de les voir orphelins. Mais l’autre veut que toujours et partout on préfère ses enfants à elle, et, à ses yeux, les autres ne sont pas des frères, mais de vils esclaves ; voilà qui est de nature à bouleverser la maison, à rendre pour l’époux la vie insupportable. Aussi, nous vous exhortons à garder, s’il est possible, la continence, à vous contenter du premier mariage. Nous conseillons, aux maris, de ne pas prendre une nouvelle femme ; aux femmes, de ne pas prendre un nouveau mari, de ne pas jeter leur maison dans un tel bouleversement.
Mais maintenant, pourquoi Paul, parlant de la viduité, ne s’est-il pas contenté de cette première condition : Pourvu qu’elle n’ait eu qu’un mari ? C’est afin de vous faire comprendre que ce qui constitue la veuve, ce n’est pas seulement de ne jamais épouser un second mari, mais d’abonder en bonnes œuvres, en aumônes, en douceur, en soins pour les étrangers. Car, si la virginité n’a servi de rien aux vierges (et cependant la virginité est bien supérieure à la viduité), si les vierges dont la lampe s’est éteinte sont tombées dans le mépris pour n’avoir pas pu montrer les fruits de la charité et de l’aumône (Mt. 25), c’est ce qui est encore bien plus vrai des veuves. Quand Paul entend cette parabole, effrayé pour les veuves, il étudie leur cause avec le plus grand soin ; il ne veut pas que la modération qui les porterait à s’en tenir à un seul mariage leur fasse négliger les autres vertus. Voilà pourquoi il dit : Qu’on puisse, rendre témoignage de ses bonnes œuvres. (1Tim. 5,10) En effet, de même que la virginité, quoiqu’étant un bien, ne produit toute seule arien n fruit, et rie peut ouvrir là chambre de l’époux ; de même la viduité est un bien, mais, sans les autres vertus, elle est vaine et superflue. Aussi le conseil de Paul ne se réduit pas à ce qu’elles s’abstiennent d’un second mari, mais il réclame, de la veuve, d’autres vertus, en grand nombre, et des vertus considérables. Il faut que des soldats d’élite soient des soldats bien constitués ; de même, Paul choisissant les soldats du Christ, veut des âmes bien constituées, vaillantes, ardentes pour toutes les bonnes pauvres, et il prononce ces paroles : Si elle a bien élevé ses enfants ; si elle a exercé l’hospitalité ; si elle a lavé les pieds des saints ; si elle a secouru les affligés ; si elle s’est appliquée à toutes sortes de bonnes œuvres. Chacune de ces paroles ne semble qu’un petit mot, sans valeur, et pourtant contient eu soi ce qui constitue la vie.
7. S’il vous paraît bon, étudions d’abord ce que Paul a mis au premier rang : Si elle a bien élevé ses enfants. Il indique par là l’éducation, non pas cette éducation, simple, vulgaire, qui consiste, lorsque les enfants meurent de faim, à s’en apercevoir. Il suffit de la nature pour veiller toujours aux soins de ce genre ; d’où il arrive qu’il ne faut ni commandement, ni loi, pour obtenir que les veuves élèvent leurs enfants. Mais Paul entend ici le soin de les élever, dans la justice et dans la piété. Celles qui n’élèvent pas ainsi leurs enfants, sont des infanticides plutôt – que des mères. Ce que je dis, je ne l’adresse pas aux femmes seulement ; je l’adresse en même temps aux hommes. Il ne manque pas de pères qui, pour donner à leur fils un bon cheval, des demeures magnifiques, un domaine d’un grand prix, font tout, remuent tout ; quant à obtenir que leur fils ait l’âme bonne, et se tourne vers la piété, ils n’y pensent pas. Et c’est là ce qui produit le chaos sur la terre entière. Noirs n’avons pas soin de nos enfants ; de leurs possessions, de leur fortune, nous prenons grand souci ; noirs négligeons leur âme, et voilà le comble de la démence. En effet, multipliez tant que vous voudrez les riches humaines, si le possesseur n’a ni vertu ni zèle de l’honnêteté, tout s’en via, tout s’évanouit avec lui ; et ces richesses causent, à celui qui les possède, un préjudice affreux. Au contraire, une âme généreuse et sage, quand elle n’aurait aucun bien en réserve, est assurée de jouir de tous les trésors. Nous devons donc nous proposer de rendre nos enfants, non pas riches d’argent et d’or, ni des choses de ce genre, mais riches, le plus possible ; par la piété, par la tempérance, par l’acquisition de toutes les vertus, nous proposer de les préserver de mille habitudes qui deviennent des besoins ; de leur faire prendre en mépris les choses du siècle, les passions succédant toujours aux passions, pour surprendre l’âme. Où entrent-ils ? d’où sortent-ils ? voilà ce qui doit exciter notre curiosité, éveiller tous nos soins. Quelles sont leurs connaissances ? quels sont leurs amis ? et comprenons bien que, si nous négligeons cette surveillance, nous n’obtiendrons, de Dieu, aucun pardon. S’il est vrai que notre