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trouble se tourne en calme et en consolations. Vous vivez dans le calme ? priez donc Dieu, afin que ce calme dure. Vous avez vu la tempête s’élever contre vous ? priez, suppliez Dieu d’apaiser les flots et de vous rendre le calme après l’orage. Vous avez été entendu ? remerciez Dieu qui vous a exaucé. Vous ne l’avez point été ? Insistez pour qu’il vous exauce. Si jamais Dieu diffère ses grâces, ce n’est point qu’il vous haïsse ou volis repousse ; il veut par ce retard vous retenir plus longtemps auprès de lui ; comme font les pères qui aiment leurs `enfants. Quand l’affection de leurs fils n’est pas assez vive, pour les retenir toujours auprès d’eux, ils tardent à dessein à se rendre à leurs prières. Vous n’avez pas besoin de chercher des intermédiaires auprès de Dieu ni de gagner à grand-peine, à force de flatteries, le bon vouloir des autres hommes ; seriez-vous seul, sans protecteur, seul avec vous-même, invoquez Dieu, et vous obtiendrez assurément. Il cède moins volontiers aux prières qu’on lui adresse pour nous qu’à celles que nous lui faisons nous-mêmes dans nos besoins, fussions-nous mille fois pécheurs.. Aurions-nous fait mille offenses à un homme, s’il nous voit venir à lui le matin, à midi, le soir, pour tenter d’adoucir sa colère, notre continuelle présente, notre assiduité calme sans peine son ressentiment. Cela ne doit-il pas être plus aisé encore auprès de Dieu ?
12. Mais, dites-vous, vous êtes indigne des dons de Dieu. Rendez-vous en digne par l’assiduité de vos prières : Oui, le plus indigne petit mériter des grâces par l’assiduité de ses prières. Dieu cède plutôt à nos prières qu’à celles qu’on lui fait pour nous, il tarde souvent à nous exaucer, non pour nous décourager ou nous renvoyer les mains vides, mais pour nous procurer plus de biens que nous n’en demandons. Je veux vous démontrer ces trois vérités en me servant de la parabole que je vous ai lue aujourd’hui. Le Christ vit venir à lui la Chananéenne qui le priait pour sa fille possédée du démon, et qui s’écriait : Ayez pitié de moi, Seigneur : ma fille est tourmentée par le démon. (Mt. 15,22) Voilà une femme de nation étrangère, en dehors de la loi des Juifs. Devait-elle être aux yeux de Jésus-Christ plus qu’un chien ! était-elle digne d’être exaucée ? Il n’est pas bon, dit Jésus lui-même, de prendre le pain de ses enfants et de le donner aux chiens. (Id. 26) Cependant l’assiduité de ses prières lui fut un mérite. non seulement Jésus traita comme on traite ses enfants celle que la loi abaissait au rang des animaux, mais il la renvoya comblée d’éloges : Femme, lui dit-il, ta foi est grande ; qu’il te soit fait comme tu veux. (Id. 28) Le Christ a dit : Ta foi est grande. Ne cherchez point d’autre preuve de la noblesse d’âme de celle femme ; vous avez vu comme elle devint digne des grâces du Seigneur,-elle qui en était d’abord indigne. Voulez-vous aussi vous convaincre que Dieu se rend plutôt à nos prières qu’à celles qu’on lui fait pour nous ? La Chananéenne criait, tt les disciples s’approchant de Jésus, lui dirent : Accordez-lui ce qu’elle demande, car elle crie après nous. (Id. 23). Et il leur répondit : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. (Id. 24) Mais elle s’approcha elle-même et insista disant : Mais, Seigneur, les chiens mangent au moins les miettes de la table de leur maître. (Id. 27) Alors Jésus lui accorda sa demande et lui dit : Qu’il soit fait comme tu veux. (Id. 28) Voyez-vous que Jésus repousse la prière des disciples, mais qu’il cède aux prières et aux cris de la mère ? Il répond aux uns : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël; et à la Chananéenne : Ta foi est grande, qu’il soit fait comme tu veux. A sa première demande, Jésus n’accorde point, mais la voyant revenir à lui trois fois, il exauce sa prière, nous enseignant, que s’il différait cette grâce qu’il lui accorde à la fin, ce n’était point pour la repousser, mais pour nous donner en exemple sa patience. Car s’il eût différé pour la repousser, il ne l’eût pas exaucée même à la tin. Mais comme il n’attendait que pour faire paraître la sagesse de cette femme, il gardait d’abord le silence. S’il lui avait dès l’abord accordé la grâce qu’elle demandait, nous n’aurions point connu sa vertu. Accordez, disent les disciples, car elle crie après nous. Que répond le Christ ? Vous entendez sa voix, mais je lis dans sa pensée ; je ne veux pas que le trésor qu’elle contient demeure caché, j’attends en silence pour le découvrir à tous les regards, pour le faire briller aux yeux du monde. Ainsi, serions-nous pécheurs, indignes des grâces de Dieu, ne désespérons point, et assurons-nous que par la persévérance nous pouvons nous en rendre dignes. Serions-nous seuls, sans protecteurs, ne perdons point confiance, sachant que c’est une puissante protection que de s’adresser soi-même à Dieu, le cœur