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soutenant à peine, aveugles souvent et estropiés de tous leurs membres, quel cœur de pierre ou d’airain serait insensible à leur vieillesse, à leur faiblesse, à leurs infirmités, à leur pauvreté, à leur méchant vêtement, en un mot, à ce spectacle de pitié, et ne se sentirait fléchir ? Voilà pourquoi ils se tiennent à nos portes, où leur aspect, plus puissant que toutes les paroles, entraîne et provoque à la pitié ceux qui en franchissent le seuil. De même qu’il est établi par la loi qu’il doit y avoir des fontaines devant les oratoires, afin de purifier ses mains avant de les lever vers Dieu, les pauvres furent placés comme les fontaines, devant les portes des églises, afin que nous puissions purifier nos âmes par la charité, de même que nous purifions nos mains par l’eau, avant d’adresser à Dieu nos prières.
12. Car l’eau a moins de puissance pour laver les taches du corps que l’aumône pour effacer les souillures de l’âme : Vous n’osez point aller prier sans avoir lavé vos mains ; ce serait cependant une faute assez légère ; de même n’allez jamais prier sans avoir fait l’aumône. Quoique nos mains soient pures, nous ne les levons jamais vers Dieu sans les avoir lavées, car telle est la coutume établie ; faisons de même pour l’aumône. N’aurions-nous conscience d’aucune faute grave, purifions cependant notre âme par l’aumône. La, place publique vous a fait tomber dans plusieurs fautes ; un ennemi vous a irrité ; un juge vous a forcé de faire quelque action peu honnête ; vous avez dit des paroles déplacées ; pour ménager un ami vous avez fait quelque injustice, votre âme enfin a reçu ces souillures qu’un homme doit recevoir quand il vit sur la place publique, siégeant aux jugements, administrant les affaires de la cité ; c’est pour toutes ces fautes que vous allez prier Dieu et implorer son pardon. Versez donc l’aumône aux mains des pauvres, purifiez-vous de vos souillures, afin d’invoquer avec confiance celui qui peut vous remettre vos péchés. Si volis vous habituez à ne franchir jamais ce seuil sacré sans avoir fait l’aumône, bon gré mal gré vous accomplirez toujours cette bonne œuvre. Telle est la force de l’habitude ! de même que jamais vous n’allez prier sans avoir lavé vos mains, parce que vous en avez une fois pris l’habitude ; de même, si vous vous imposez la loi de l’aumône, bon gré mal gré vous la pratiquerez tous les jours, par la force de l’habitude.
La prière est un feu, surtout quand elle sort de l’âme de celui qui veille et qui jeûne. Mais ce feu a besoin d’huile pour s’élever jusqu’aux hauteurs du ciel ; l’huile qui l’entretiendra n’est autre chose que l’aumône : versez donc l’huile en abondance, afin que, dans l’allégresse de cette bonne œuvre, vous adressiez à Dieu vos prières avec plus de confiance et d’ardeur. De même que ceux qui n’ont conscience d’aucune bonne action ne peuvent pas même prier avec confiance, de même ceux qui, après avoir fait le bien, s’en, vont prier, heureux du souvenir de leurs bonnes œuvres, offrent à. Dieu leur prière avec plus d’ardeur. Afin donc que nos prières soient plus efficaces, pour que notre âme ne soit excitée par le souvenir du bien que nous aurons fait, donnons l’aumône avant la prière. Souvenez-vous exactement de toutes mes paroles, et surtout retenez toujours l’image que je vous ai présentée en disant crue les pauvres, à la porte de nos églises, font pour notre âme le même office que les fontaines pour notre corps. Si nous gardons toujours ce souvenir, si nous purifions nos âmes, nous pourrons adresser à Dieu des prières pures ; nous aurons ainsi la paix devant Dieu, et nous obtiendrons le royaume des cieux, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la puissance et la gloire, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.