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condamnent à la pauvreté, il ne trouve qu’injures, outrages, railleries sans nombre ; nous le renvoyons les mains vides, nous lui objectons sa bonne santé, nous lui reprochons sa paresse, nous lui demandons des comptes. Dieu vous a-t-il commandé de ne prodiguer que le blâme et les reproches à ceux qui sont dans le besoin ? Dieu veut qu’on ait pitié d’eux, qu’on porte remède à leur pauvreté, et non qu’on leur en demande compte et qu’on les injurie. – Vous voulez, dites-vous, porter remède à leurs vices, les délivrer de la paresse, et pousser au travail ceux qui vivent dans l’oisiveté. – Donnez-leur d’abord, corrigez-les ensuite ; ainsi, loin de vous faire accuser de dureté et d’inhumanité, vous ferez croire à votre bonté ; car, celui qui, pour toute aumône, distribue le reproche, s’attire l’aversion et la haine ; le pauvre ne peut supporter sa vue, et à juste raison ; car il croit que ce n’est point par intérêt, mais par le désir de se dispenser de l’aumône qu’on lui fait des reproches, ce qui est la vérité ; mais celui qui ajoute ses reproches à l’aumône, dispose le pauvre à entendre des conseils que dicte, non la dureté, mais la bonté d’âme. C’est ainsi que faisait Paul. Après avoir dit : Que celui qui ne travaille point ne mange point (2Th. 3,10), il ajoute ce conseil :Pour vous, ne cessez point de faire le bien. (Id. 13) Il y a une apparente contradiction dans ces paroles. Si ceux qui ne travaillent point ne doivent pas manger, pourquoi conseillez-vous aux autres de persévérer dans la bienfaisance ? Il ne saurait y avoir de contradiction. Si j’ai dit, nous répond l’Apôtre, que celui qui ne travaille point ne mange pas, ce n’est point pour détourner de l’aumône ceux qui sont disposés à la faire, mais pour détourner de là paresse ceux qui y consument leur vie. Ces paroles : qu’il ne mange point, excitent les uns au travail par la crainte que leur donne cette menace ; et ces mots : Ne cessez point de faire le bien, invitent les autres à faire l’aumône et sont poux eux une exhortation salutaire. Quelques mains auraient pu se fermer devant la menace faite aux paresseux ; mais l’Apôtre les ouvre à l’aumône en disant : Ne cessez pas de faire le bien. Car, donner à un paresseux est encore faire le bien.
9. Ce dessein de l’Apôtre se manifeste dans la suite de son épître. Après avoir dit : Si quelqu’un ferme l’oreille aux paroles que contient cette lettre, notez-le et ne faites point société avec lui (2Th. 3, 15) ; après avoir ainsi chassé l’incrédule du sein de l’Église, il l’y ramène et le fait rentrer en grâce auprès de ceux qui l’avaient rejeté, en ajoutant : Ne le considérez point néanmoins comme votre ennemi, mais comme votre frère. (2Th. 3,15) De même qu’après avoir dit : Que celui qui ne travaille point, ne mange pas, il engage ceux qui le peuvent à prendre grand soin d’eux ; de même en ce passage, après avoir dit : Ne faites point société avec eux, il n’engage point ses auditeurs à abandonner le soin de ce malheureux, mais – au contraire, il leur ordonne de veiller attentivement sur lui, en ajoutant : Ne le considérez point comme un ennemi, mais comme un frère. Vous avez cessé de faire société avec lui, mais ne cessez point de prendre soin de lui. Vous l’avez exclu de l’Église, ne l’excluez point de votre amour. Car c’est dans mon amour pour lui que je vous ai donné ces ordres. J’ai voulu, en le séparant de vous, le corriger et le guérir, pour le rendre ensuite au corps de l’Église. On voit des pères renvoyer leurs enfants de leur maison, mais ce n’est point pour qu’ils n’y rentrent jamais ; c’est pour qu’ils se corrigent dans cet exil et reviennent meilleurs. Ce que j’ai dit suffit à confondre ceux qui reprochent aux pauvres leur paresse.
Mais il en est beaucoup d’autres qui ont recours pour se défendre, à des excuses pleines de dureté et d’inhumanité. Je vais les réfuter aussi, non pour leur enlever tout moyen de défense, mais pour les décider à abandonner de vains et inutiles prétextes, et à préparer par leurs œuvres là défense vraie, la seule qui leur puisse servir au tribunal du Christ.
Quels sont donc ces prétextes vains et inutiles où se réfugient tant de gens ? J’ai des enfants à élever, disent-ils, une maison à soutenir, une femme à nourrir, mille dépenses nécessaires. Je n’ai pas assez pour soulager tous les pauvres que je rencontre en mon chemin. Que dites-vous ? Vous avez des enfants à nourrir et c’est pour cela que vous ne soulagez point les pauvres ? Mais c’est pour cela même qu’il les faut soulager, pour ces enfants que vous élevez, afin de leur rendre favorable, au prix de quelques deniers, le Dieu qui vous les a donnés, afin de leur laisser, après votre mort, ce Dieu pour protecteur, afin de leur assurer la grâce et la faveur d’en haut, par ces richesses