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âmes la céleste rosée de l’aumône, reste en nous comme la flamme que conserve l’huile. Mais sans ces pratiques elle nous quitte et se retire de nous. C’est ce qui arriva aux cinq vierges. Après beaucoup de fatigues et de sueurs, privées du secours qu’assure à l’homme la charité, elles ne purent conserver la grâce de l’Esprit-Saint ; elles furent chassées de la chambre nuptiale, et entendirent ces effrayantes paroles : Retirez-vous, je ne vous connais point (Mt. 25,12), paroles plus terribles que la géhenne même. C’est encore pour cela que Jésus les nomme folles, et à juste titre. Elles avaient vaincu les plus tyranniques passions et elles cédèrent aux moins impérieuses. Voyez ! elles avaient triomphé de la nature, comprimé la furie des sens et calmé les désirs charnels ; sur la terre elles avaient mené une vie angélique ; êtres corporels, elles avaient rivalisé avec les créatures célestes ; et, parvenues à ce point, elles ne surent point vaincre l’amour de l’argent ; folles, insensées ! C’est pourquoi elles furent jugées indignes de pardon. Leur faute, en effet, rie venait que de leur manque de zèle. Elles avaient pu éteindre la flamme ardente des désirs corporels, dépasser les limites des devoirs auxquels elles étaient soumises (car il n’y a pas de loi qui commande la virginité, la volonté des fidèles est la seule règle) ; et ensuite elles se laissèrent vaincre par l’amour des richesses, et pour un peu d’argent (est-il rien de plus misérable ?) elles jetèrent la couronne de leur front ! Je ne parle point ainsi pour décourager les vierges, ni pour détruire la virginité, mais pour qu’elles ne courent point inutilement, pour qu’elles ne se voient pas après bien des fatigues ; privées de la couronne, couvertes de confusion et exclues de la lice. C’est une belle chose que la virginité, c’est un mérite surnaturel ; mais ce mérite si beau, si grand, si surnaturel, ne saurait, sans la charité, donner l’accès du vestibule même de la chambre nuptiale. Et considérez la force de la charité et la vertu de l’aumône ! La virginité sans la pratique de l’aumône ne peut donner l’accès du vestibule de la chambre nuptiale ; et l’aumône sans la même virginité conduit ceux qui la pratiquent au sein du royaume glorieux qui leur était préparé avant la création du monde. Parce que ces vierges n’avaient pas donné une large aumône, elles entendirent ces mots : Retirez-vous, je ne vous connais pas ! Et ceux qui ont donné à boire et à manger à Jésus, qui avait soif et qui avait faim, quoiqu’ils n’eussent point à se faire gloire de la virginité, ont entendu ces paroles : Venez, les élus de mon Père, clans le royaume qui vous est préparé depuis le commencement du monde. (Id. 34) Et c’est à juste raison, car quiconque jeûne et garde la virginité se sert lui-même, mais celui qui exerce la charité est comme un port pour les naufragés ; car il soulage la pauvreté de son prochain et subvient aux besoins d’autrui. Et, parmi nos bonnes actions, les plus estimées de Dieu sont celles dont les autres retirent le fruit.
7. Ce qui vous convaincra que Dieu a ce précepte plus à cœur que tous les autres, c’est que, lorsque Jésus parle du jeûne et de la virginité, il nous promet pour récompense le royaume du ciel ; mais quand il parle de l’aumône et de la charité, quand il nous commande d’être miséricordieux, il nous propose un prix bien plus considérable que le royaume des cieux : Vous serez, dit-il, semblables à votre Père qui est dans les cieux. Car ce qui est le plus capable de rendre l’homme semblable à Dieu, autant que l’homme peut être semblable à Dieu, c’est l’observance des lois qui ont rapport au bien commun. C’est cela même que vous enseigne le Christ quand il dit : Il fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. (Mt. 5,45) Et vous, travaillez selon vos forces à l’utilité commune et imitez Dieu qui fait de ses biens un égal partage à tous les hommes. Le mérite de la virginité est grand, et je veux qu’on lui prodigue les louanges. Car le mérite de la virginité ne consiste point seulement à s’abstenir du mariage, mais à faire paraître de la bonté, de la charité, de la miséricorde. Que sert la virginité avec la dureté du cœur ? Que vaut la tempérance unie à l’inhumanité ? Tu n’as point cédé aux passions charnelles, mais tu as cédé à la passion de l’argent. Tu as vaincu l’ennemi le plus redoutable pour te laisser dompter et terrasser par le plus faible, et ta défaite est d’autant plus honteuse. Aussi n’es-tu point digne de pardon, toi qui as vaincu le plus redoutable ennemi, qui as lutté contre la nature même et qui as succombé à l’amour de l’argent, que souvent des esclaves et des barbares ont surmonté sans peine.
8. Ce que sachant, mes frères, et ceux qui contractent le mariage et ceux qui pratiquent