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se pliait à leur usage. Et pourquoi cela, direz-vous ? Dieu devait les cantonner dans un endroit de la terre, et leur ordonner de l’y adorer constamment, de n’élever ailleurs ni temple ni autel, mais de lui apporter là leurs offrandes, leurs victimes, d’y célébrer leurs fêtes, d’y lire la loi, d’y accomplir enfin tous les autres rites de la sanctification. Afin donc que ce culte circonscrit ne les induisit pas à croire que sa Providence elle-même était resserrée entre les mêmes limites, et qu’il n’était que le Dieu d’un pays, pour prévenir cette erreur, il manifesta sa puissance sur la terre étrangère, en Égypte, au désert, où il n’avait ni fidèles ni adorateurs ; et la création se prêtait aux effets contraires par lesquels il agissait, forçant ainsi les incrédules eux-mêmes à reconnaître la nature pour l’ouvrage du Seigneur. En effet, la mer noyait les uns, sauvait les autres ; l’air, ou bien précipitait la grêle et ruinait les barbares, ou bien laissait tomber la manne et nourrissait les Juifs. La terre à son tour produisait tantôt des insectes pour le châtiment des ennemis, tantôt des cailles pour le salut du peuple de Dieu. Pour les uns il faisait nuit en plein jour, les autres voyaient une lumière s’allumer dans la nuit. Les Égyptiens, riverains du Nil, succombaient à la soif et à la sécheresse ; les Juifs, campés dans un désert sec et aride, avaient de l’eau en abondance. Ceux-là ne pouvaient résister à des grenouilles, ceux-ci bravaient l’attaque des géants.
6. Mais pourquoi le bienheureux Paul évoque-t-il devant vous ces souvenirs ? Par la raison que j’ai dite en commençant, pour vous convaincre que ni le baptême, ni la rémission des péchés, ni la doctrine, ni la participation aux mystères, ni la sainte table, ni le droit de goûter du corps, ni celui de participer au sang, ni aucune autre de ces choses ne pourra nous être d’aucune utilité si nous n’avons une vie droite, honorable et exempte de tout péché. Et voici la preuve que telle fut son intention : après avoir expliqué la figure du baptême, cachée dans le passage de la mer et dans la nuée, il passe à celle des mystères représentés dans l’Ancien Testament par la manne et le rocher ; puis, après avoir dit que tous ont mangé le même aliment spirituel, et ont bu le même breuvage spirituel, il poursuit en ces termes : Mais Dieu ne se complut point dans la plupart d’entre eux. Après tant d’éclatants prodiges, remarque-t-il, Dieu n’eut point d’amour pour eux. Ensuite : Ils furent terrassés dans le désert. Où veux-tu en venir, ô Paul ? Ce sont là des figures pour que nous ne désirions pas les choses mauvaises, ainsi que ces hommes les ont désirées, et que nous ne devenions pas idolâtres, à l’exemple de quelques-uns d’entre eux, ainsi qu’il est écrit : Le peuple s’assit pour manger et pour boire ; et ils se levèrent pour se divertir.
Voyez la sagesse de Paul. Il a indiqué le péché, il a indiqué le motif du péché ; il a indiqué le châtiment infligé en punition du péché ; par là il nous avertit de ne pas imiter ces coupables. Le motif du péché fut la gourmandise : Le peuple s’assit pour manger et pour boire. Son péché fut son divertissement même. Voici maintenant le châtiment : Ils furent terrassés dans le désert. Mais il poursuit : Ne commettons point la fornication, comme ont fait quelques-uns d’entre eux. Ici il omet la cause, et ne parle que du châtiment. Ce châtiment, quel fut-il donc ? Il en tomba vingt.-trois mille dans un seul jour. Mais pourquoi n’avoir rien dit des circonstances qui les excitèrent à la fornication ? il a laissé à ceux qui voudraient s’en enquérir le soin de recourir à l’histoire, et de retrouver le principe du mal, comme font les médecins qui révèlent l’origine des maladies, et y appliquent leurs remèdes. Aussi a-t-il soin de dire : Or toutes ces choses leur arrivaient en figure, et elles ont, été écrites pour nous servir d’avertissement. Ainsi l’Auteur de ces événements, Celui qui châtia ces coupables, est Celui qui nous avertit aujourd’hui, non seulement par des paroles, mais enture par des faits ; ce qui est la meilleure manière d’avertir. Voyez-vous comment Paul donne pour maître, à ceux qui vivent sous la loi de grâce, Celui qui faisait ces choses au temps de l’ancienne loi, en montrant que les actes accomplis alors, et les paroles actuellement dictées à lui-même doivent être rapportées à la même origine ! Car, si le vrai Dieu n’avait été pour rien dans ces actes, Paul n’aurait certes pas dit que c’étaient là des figures, ni que le récit en avait été fait pour nous servir d’avertissement ; et il n’aurait pas eu recours à l’histoire de ces temps pour nous effrayer, comme si nous devions tomber entre les mains du Dieu des Hébreux. Mais afin de nous montrer que nous devons subir son jugement, et que l’un et l’autre peuple, celui d’alors et celui d’aujourd’hui, sont sujets à ces lois,