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que tu l’entendes traiter le châtiment et la géhenne de pures fables, de simples menaces proférées par Dieu pour nous intimider, tiens-lui ce langage : Mon ami, tu ne crois pas à l’avenir, parce qu’il n’est pas visible, parce que nous ne l’avons pas sous la main, parce que nos regards ne l’atteignent pas. Mais quand il s’agit de faits passés et accomplis, le doute est-il encore possible ? Songe un peu à Sodome et à Gomorrhe. Si cette contrée fut condamnée à un châtiment si terrible, c’est simplement parce que les habitants de ces villes avaient donné l’exemple de habitants illégitimes, d’amours défendus, et avaient bouleversé les lois de la nature. Comment donc admettre que Dieu, toujours le même alors et aujourd’hui, ait alors châtié ces coupables sans miséricorde, et que toi, qui as péché après eux, toi bien plus condamnable et digne d’un bien plus grand châtiment, puisque tu as eu part au bienfait de la grâce, et que tu n’as pas été corrigé par cet épouvantable exemple, que toi, dis-je, tu échappes à la punition qui t’est due ?
3. Voilà pourquoi Paul évite dé parler d’abord de la géhenne, parce que les choses futures sont loin de trouver toujours créance, et ne se sert que de faits passés et bien établis pour corriger ceux à qui il s’adresse. C’est que, si l’avenir est plus terrible, le passé est plus croyable aux yeux des hommes mal instruits, et, par conséquent,-plus propre à leur inspirer de la crainte. Aussi il emprunte ses arguments à des faits contre lesquels le plus téméraire n’oserait s’inscrire en faux, et en même temps il porte un coup mortel à Marcion, à Manès et à tous ceux qui partagent leur infirmité. Je m’explique : Si le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas le Dieu du Nouveau, si l’Auteur de la vieille loi n’est pas le même qui devait promulguer la nouvelle, ô Paul, tes paroles sont inutiles, tu n’inspires aucune crainte à tes auditeurs. Car celui qui t’écoute peut t’objecter que si ces dieux sont deux dieux différents, celui que nous servons ne nous jugera pas d’après, les décrets de l’autre et ne se conformera pas aux mêmes lois. En quoi les châtiments qu’il a plu au Dieu de l’ancienne loi d’infliger au coupable peuvent-ils me faire peur à ta voix et me remplir d’épouvante ? C’est un autre Maître qui doit me juger. On voit que, si le Dieu de la nouvelle loi diffère du Dieu de l’ancienne, Paul est allé tout à fait contre son but ; car, loin d’effrayer l’auditeur, il l’a délivré de toute crainte et de toute angoisse. Mais le premier venu, le moins intelligent des hommes ne tomberait pas dans une fauté aussi grossière, à plus forte raison Paul, dont la sagesse était si grande. Il faut donc reconnaître que c’est un seul et même Dieu qui a frappé les Juifs dans le désert, et qui punira un jour ceux d’entre nous qui auront péché. En effet, je le répète, si ce n’était pas un seul et même Dieu, Paul ne se fonderait pas sur les actes du Dieu de l’ancienne loi pour nous effrayer sur l’avenir qui nous attend ; mais, parce que c’est un même Dieu, il n’y a pas moyen de réfuter Paul quand il menace les coupables du châtiment et leur montre qu’ils doivent craindre et trembler : car, Celui qui a puni nos pères de leurs péchés ne fera pas grâce à leurs fils, coupables des mêmes infractions.
Mais il faut revenir au commencement même du récit et peser scrupuleusement chaque mot : Je ne veux pas que vous ignoriez, frères. Il appelle les disciples : frères, non en raison de leur dignité, mais en raison de sa charité. Il savait, en effet, il savait à merveille que rien n’égale cette vertu, et que la plus haute dignité réside dans la plus grande charité. Premier exemple offert à notre émulation. Quelque supériorité que nous puissions avoir sur ceux à qui nous parlons, donnons-leur des noms qui marquent notre sollicitude pour eux, qu’ils soient libres ou esclaves, riches ou pauvres. En effet, ce ne sont pas seulement les riches d’entre les Corinthiens, ni les hommes libres, ni les hommes éminents, ni les hommes distingués, mais encore les simples particuliers, les valets, tous les fidèles enfin, que Paul honore indistinctement de ce nom. C’est qu’il n’y a en Jésus-Christ ni esclave, ni homme libre, ni barbare, ni scythe, ni savant, ni ignorant ; là, toute l’inégalité des conditions mondaines disparaît. Et qu’y a-t-il d’étonnant à ce que Paul ait ainsi dénommé ses compagnons d’esclavage quand son Maître lui-même a rendu le même honneur à notre nature en disant : J’annoncerai ton nom à mes frères, je te louerai au milieu de l’Église ? (Ps. 21,23) Et non seulement il nous a appelés frères, mais encore il a voulu devenir notre frère ; il a revêtu, pour naître, une chair comme la nôtre, et participé à notre nature. Et cela même faisait dire à Paul, en son admiration. Nulle part Dieu ne prend les anges,