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étrangers : ce qui arriverait si la femme était regardante, et ne voulait pas laisser faire, comme c’est le cas dans bien des maisons ; dès maintenant je veux m’assurer si elle est hospitalière, car c’est de là que viennent toutes nos prospérités.
C’est par là que mon maître a obtenu du ciel celui qu’il va marier, par là qu’il est devenu père. Il a sacrifié un veau, et il a reçu un enfant ; il a pétri la farine, et Dieu lui a promis de lui donner des descendants aussi nombreux que les étoiles. Puis donc que c’est d’une telle source que découlent toutes nos prospérités, je recherche cette qualité avant toutes tes autres. Pour nous, ne nous arrêtons pas à ceci qu’il ne demandait que de l’eau : considérons plutôt que c’est la marque d’un cœur bien hospitalier, de ne pas se borner à donner ce qu’on demande, mais d’offrir plus que ce qui est demandé. Et il arriva ceci, dit l’Écriture, qu’avant qu’il eût fini de parler, Rébecca sortait de la ville, et ainsi se trouva accomplie cette parole d u Prophète : Tu n’auras pas fini de parler que je dirai : me voici. (Isa. 8, 9)
Voilà les prières des hommes vertueux : avant qu’elles soient finies, Dieu a, déjà consenti à les exaucer. Et toi aussi, par conséquent, lorsque tu voudras te marier, n’aie point recours aux hommes, ni à ces femmes qui font métier du malheur d’autrui, et ne se proposent qu’un but, à savoir, de gagner un salaire. Aie recours à Dieu. Il ne dédaigne point de présider lui-même à ton mariage. C’est lui-même qui en a fait la promesse en ces termes : Cherchez le royaume des cieux, et tout le reste vous sera donné par surcroît. (Mat. 6, 33) Et garde-toi de dire : Mais comment puis-je voir le Seigneur ? Est-ce qu’il peut m’adresser la parole, et s’entretenir avec moi visiblement, de telle façon que je puisse aller à lui et l’interroger ? Pensées d’une âme sans foi. Un instant suffit à Dieu, et la parole ne lui est pas nécessaire pour exécuter tout ce qu’il veut : et c’est justement ce qui eut lieu pour le serviteur d’Abraham. Il n’ouït aucune voix, ne vit aucune apparition. Debout auprès de la fontaine, il pria, et sur-le-champ fut exaucé. Il arriva ceci, qu’avant qu’il eût fini de parler, il vit sortir de la ville Rébecca, fille de Bathuel, fils de Melcha ; portant une cruche sur l’épaule : cette vierge était très-belle ; elle était vierge, aucun homme ne l’avait connue. Mais à quoi bon me parler de sa beauté ? C’est afin que tu comprennes à quel point elle était chaste, et quelle beauté elle avait dans l’âme. C’est une chose admirable que la chasteté, mais bien plus admirable encore, quand elle est jointe à la beauté. C’est pourquoi l’Écriture, avant de raconter l’histoire de Joseph et de sa chasteté, parle d’abord de ses avantages corporels : elle nous apprend qu’il était beau et dans tout l’éclat d’une jeunesse florissante, et c’est alors seulement qu’elle nous entretient de sa chasteté, et fait voir que cette beauté ne l’avait point précipité dans l’incontinence. En effet, la beauté ne provoque pas plus nécessairement la débauche, que la laideur ne fait ln chasteté. Beaucoup de femmes parées de tous les charmes du corps ont brillé, grâce à la chasteté, d’un éclat encore plus vif tandis que d’autres qui étaient difformes et repoussantes ont eu dans l’âme encore plus de difformité, et se sont souillées d’innombrables prostitutions. Ce n’est pas dans le corps, c’est dans l’âme et dans la volonté que résident les principes de ce vice comme de cette vertu.
7. Ce n’est pas sans intention qu’il lui applique deux fois le nom de vierge. Rappelez-vous qu’après avoir dit : Cette vierge était très-belle, il ajoute : Elle était vierge, aucun homme ne l’avait connue. C’est parce qu’il ne manque pas de vierges qui, tout en conservant leur corps intact, ouvrent l’accès de leur âme à tous les désordres, coquetteries, manèges pour attirer de toutes parts une foule d’amants autour d’elles, regards propres à enflammer les espérances des jeunes gens, gouffres et embûches de toutes sortes ; c’est pour cela, dis-je, que Moïse, voulant indiquer que Rébecca n’était pas semblable à ces filles, mais qu’elle était vierge à la fois de corps et d’âme, prend soin d’ajouter : Elle était vierge, aucun homme ne l’avait connue. Cependant ce n’est pas faute d’occasions qu’aucun homme ne l’avait connue : je dis cela d’abord à cause de sa beauté ; et en second lieu, à cause de l’office qu’elle remplissait. Si elle était restée perpétuellement dans sa chambre, comme les jeunes filles d’aujourd’hui, si elle ne s’était jamais montrée sur la place, si elle n’était jamais sortie de la maison paternelle, l’éloge eût été moins grand à dire qu’aucun homme ne l’avait connue. Mais si vous vous la représentez allant sur la place, obligée de se rendre chaque jour à la fontaine, une fois, deux fois et plus, et que vous songiez ensuite qu’aucun homme ne la connut, c’est alors que vous comprendrez parfaitement la valeur de