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je ton fils dans le pays d’où tu es sorti? Abraham répondit : Ne ramène pas mon fils en ce pays. Le Seigneur Dieu du ciel et de la terre qui m’a tiré de la maison de mon père et de la terre où je suis né, qui m’a parlé et m’a dit avec un serment ces paroles : Je donnerai cette terre à toi et à ta postérité, ce même Dieu enverra son ange devant toi, et t’aplanira le chemin. (Gen. 24, 4-7) Voyez-vous la foi du patriarche ? Au lieu de faire appel à ses amis, à ses parents, ou à toute autre personne, c’est Dieu même qu’il donne pour interprète et pour compagnon de route à son messager. Puis, voulant rassurer ce serviteur, au lieu de dire simplement le Seigneur Dieu du ciel et de la terre, il ajoute : qui m’a tiré de la maison de mon père. Souviens-toi, lui dit-il, comment nous avons fait ce long voyage, comment après avoir abandonné notre propre pays, nous avons trouvé sur la terre étrangère plus de ressources et de félicité, comment l’impossible est devenu possible. Et ce n’est pas seulement en ce sens qu’il dit : Qui m’a tiré de la maison de mon père; il veut encore indiquer que Dieu est son débiteur. Nous sommes ses créanciers, dit-il, il a dit lui-même : Je donnerai cette terre à toi et à ta postérité. De sorte que, tout indignes que nous sommes ; en considération de la promesse qu’il nous a faite de sa bouche, et dans la vue de l’accomplir, il nous assistera, aplanira devant nous tous les obstacles, et mènera à consommation ce qui est l’objet de nos vieux. Cela dit, il congédia son messager.
Parvenu au pays qui lui avait – été désigné, celui-ci n’aborda aucun des habitants de la ville, il n’entra pas en conversation avec les hommes, il n’appela point les femmes ; mais remarquez comment il resta fidèle, lui aussi, à l’intermédiaire qui lui avait été donné, comment il s’adressa à lui seul. Il se lève pour prier, et dit : Seigneur, Dieu de mon maître Abraham, aplanis, aujourd’hui le chemin devant moi. (Gen. 24, 12) Il ne dit pas : Seigneur mon Dieu ; que dit-il donc ? Seigneur, Dieu de mon maître Abraham. Je ne suis qu’un misérable, un objet de rebut ; mais je me couvre de mon maître ; car ce n’est pas pour moi que je viens, je ne suis que son ministre ; aie donc égard à sa vertu, et aide-moi à accomplir jusqu’au bout la tâche prescrite. .
6. Maintenant, pour que vous n’alliez pas croire qu’il parle en créancier qui réclame ce qui lui est dû, écoutez les paroles qui suivent : Et prends en miséricorde mon maître Abraham. (Gen. 24, 12) Quand nous aurions des milliers de mérites, nous voulons devoir à la grâce notre salut, et tenir tout de ta bonté, rien à titre d’acquittement ou de restitution. Et que demandes-tu donc ? Voici, répond-il, que je me tiens debout auprès de la fontaine, et les filles des habitants de la ville sortiront pour venir puiser de l’eau. Donc la jeune fille à qui je dirai : prête-moi ta cruche afin que je boive, et qui me répondra : bois, et je donnerai de plus à boire à tes chameaux jusqu’à ce qu’ils soient abreuvés, c’est celle que tu as préparée pour ton serviteur Isaac, et par là je reconnaîtrai que tu as pris – en miséricorde mon maître Abraham. Remarquez la sagesse du serviteur, au signe qu’il choisit. Il ne dit pas : si j’en vois une portée sur un char attelé de mules, traînant à sa suite un essaim d’eunuques, entourée de nombreux esclaves, belle et resplendissante de tout l’éclat de la jeunesse, c’est celle que tu as préparée pour ton serviteur. Que dit-il donc ? Celle à qui je dirai : Prête-moi la cruche afin que je boive. Que fais-tu, mon ami ? C’est une femme de cette sorte que tu cherches pour ton maître, une femme qui porte de l’eau, et qui daigne te parler ? Oui, répond-il : car il ne m’a pas envoyé chercher la richesse, ni la noblesse de la naissance, mais les qualités de l’âme. On trouve souvent des porteuses d’eau qui possèdent une vertu parfaite, tandis que d’autres, nonchalamment assises dans de riches demeures, sont pleines de vices et très-mauvaises. – Mais à quoi reconnaîtra-t-il la vertu de cette femme ? – Au signe qu’il a indiqué. Mais que vaut ce signe pour distinguer la vertu ? – Il est excellent et infaillible. Car il manifeste clairement la charité, de façon à rendre toute autre preuve superflue. Ses paroles reviennent donc à ceci, bien qu’il ne le dise pas en propres termes : Je cherche une vierge tellement charitable, qu’elle rende tous les services dont elle est capable. Et ce n’est point sans réflexions qu’il cherchait une telle épouse : mais, étant d’une maison où florissait surtout l’hospitalité, il voulait avant toute chose trouver une femme assortie à l’humeur de ses maîtres. C’est comme s’il disait : Nous voulons faire entrer chez nous une femme dont les mains soient ouvertes pour les hôtes ; afin qu’il n’y ait pas de guerre et de querelles lorsque le mari fera largesse de son bien à l’exemple de son père, et accueillera les