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apporter la ruine avec le deuil à son mari.
5. Considérons bien tout cela, et, au lieu de chercher la fortune, cherchons la vertu, l’honnêteté, la modestie. Une femme modeste, vertueuse et sage, fût-elle sans fortune, saura tirer parti de la pauvreté mieux qu’une autre de la richesse : au contraire, une femme gâtée, intempérante, acariâtre, trouvât-elle au logis des milliers de trésors, les aura bientôt dissipés avec la vitesse du vent, et précipitera son mari dans d’innombrables maux, outre la ruine. Ce n’est donc pas l’opulence que nous devons rechercher, mais une femme qui sache bien employer l’argent du ménage.
Apprends d’abord quelle est la raison du mariage, quel dessein l’a fait introduire dans notre existence, et n : en demande pas davantage. Quel est donc l’objet du mariage, et dons quelle vue Dieu l’a-t-il institué ? Écoute ce que dit Paul : De peur des fornications, que chacun ait une femme à soi. (1 Cor. 7, 2) Il n’a pas dit : remédier à sa pauvreté ni pour se mettre dans l’aisance. Pourquoi donc ? Afin que nous évitions les fornications, afin que nous réprimions notre concupiscence, afin que nous vivions dans fa chasteté, afin que nous nous rendions agréables à Dieu en nous contentant de notre propre femme. Voilà le présent que nous fait le mariage, et voilà le fruit, en voilà le bénéfice. Ne lâche donc pas le plus pour courir après le moins ; car l’argent est peu de chose au prix de la chasteté. Le seul motif qui doive nous déterminer au mariage, c’est la résolution de fuir le péché, d’échapper à toute fornication ; tout le mariage doit donc tendre à ce but, de nous aider à la chasteté. Or il en sera ainsi, si nous épousons des femmes capables de nous inspirer beaucoup de piété, beaucoup de retenue, beaucoup de sagesse. En effet, la beauté du corps, quand elle n’a point la vertu pour compagne, peut bien retenir un mari vingt ou trente jours, mais au-delà elle perd son empire, laisse voir les vices qu’elle cachait d’abord, et dès lors tout le charme est rompu. Au contraire, celles en qui reluit la beauté de l’âme, n’ont rien à craindre de la fuite du temps, qui leur fournit chaque jour de nouvelles occasions de découvrir leurs belles qualités ; l’impur de leurs époux n’en devient que plus ardent, et l’attachement mutuel ne fait que se resserrer. Dans cet état de choses et devant l’Obstacle ale cette ardente et légitime affection, toute espèce d’amour impudique est rejetée bien loin ; l’idée même de l’incontinence n’entrera jamais chez ce mari attaché à sa femme par l’amour ; jusqu’à la fin il lui reste fidèle, et ainsi, par sa chasteté, appelle sur toute sa maison la bienveillance et la protection divines. Voilà les unions que formaient nos bustes des anciens temps, plus attentifs à la vertu qu’à la fortune. Pour le prouver par un exemple, je vous rappellerai un de ces mariages : Abraham déjà vieux et avancé en âge dit au plus âgé de ses serviteurs qui gérait tous ses biens : Pose ta main sous ma cuisse afin que je te fasse jurer au nom du Seigneur Dieu du ciel et de la terre, de ne pas donner pour femme, à mon fils Isaac une des filles des Chananéens, parmi lesquels j’habite, mais tu te rendras dans la terre où je suis né, au milieu de ma tribu, et tu choisiras là une épouse pour mon fils. (Gen. 24, 1-4) Voyez-vous quelle sollicitude chez cet homme vertueux, chez ce juste, au sujet du mariage ; il n’a pas recours, comme cela se pratique aujourd’hui, à des entremetteuses, à des négociatrices, à de vieilles conteuses de fables ; c’est à son propre serviteur qu’il confie cette affaire. Et ceci même est une grande marque de la prudence de ce patriarche, qu’il ait su former assez bien un serviteur pour le rendre capable d’un pareil ministère. Ensuite la femme qu’il lui faut n’est ni une femme riche, ni une belle femme, mais une femme vertueuse ; et c’est pour cela qu’il prescrit un aussi long voyage à son messager. Considérez aussi l’intelligence du serviteur : il ne dit point : quelle commission me donnes-tu là ! Quand nous sommes entourés d’un si grand nombre de nations, chez lesquelles se trouvent en grand nombre des filles d’hommes riches, distingués, illustres, tu m’envoies dans un pays aussi lointain, parmi des hommes inconnus ? A qui m’adresser ? qui me connaîtra ? Et s’ils me tendent des embûches ? s’ils me trompent ? Car il n’y a rien de si facile à prendre au piège qu’un étranger. Il ne fit aucune de ces objections, mais négligeant toutes ces difficultés, il s’arrêta seulement au soupçon qui se présente tout d’abord à l’esprit : en ne résistant pas à son maître, il avait montré son obéissance ; en demandant seulement ce dont il fallait principalement s’informer, il manifesta son intelligence et sa prévoyance. À quoi fais-je allusion ? et quelle est donc cette question qu’il adressa à son maître ? Si la femme, dit-il, ne veut point partir avec moi, ramènerai-