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du Christ. Je le sais, ce précepte paraît nouveau et extraordinaire à un bon nombre. Je ne me tairai point pour cela, mais, après vous avoir lu d’abord la loi, je m’efforcerai ensuite de lever la contradiction qu’on croit y trouver. Quelle est donc la loi que Paul nous impose ? La femme, dit-il, est liée à la loi ; donc, tant que son mari est en vie, elle ne doit pas s’en séparer, ni prendre un autre époux, ni convoler en secondes noces. Et voyez avec quelle exactitude, avec quelle justesse de termes il s’exprime ! Il ne dit pas : Elle doit habiter avec son mari tant qu’il est en vie ; mais bien, la femme est liée à la loi aussi longtemps que vit son mari, de telle sorte que, à supposer même que son mari lui ait donné un acte de répudiation, qu’elle ait alors quitté la maison et soit allée habiter chez un autre, elle est liée à la loi, elle est coupable d’adultère.
Si donc le mari veut renvoyer sa femme, ou la femme quitter son mari, il faut que celle-ci se rappelle ce précepte, qu’elle se représente Paul la suivant et lui criant aux oreilles : La femme est liée à la loi. Ainsi que les serviteurs fugitifs traînent encore leur chaîne derrière eux après s’être évadés de la maison de leur maître, ainsi les femmes, même après qu’elles ont quitté leur mari, restent enchaînées par la loi qui les condamne, qui les accuse d’adultère, elles et leurs complices. Ton époux vit encore, dit-elle, et ton acte est un adultère. Car la femme est liée à la loi aussi longtemps que vit son, mari. Et, quiconque épouse une femme répudiée commet un adultère. (Mat. 5, 32) Mais, quand donc, dira-t-on, lui sera-t-il permis de convoler en secondes noces ? – Quand ? lorsqu’elle sera délivrée de sa chaîne, lorsque son époux sera mort. Cependant voulant exprimer cela, il n’a pas dit si son mari meurt, elle est libre d’épouser qui elle voudra, mais si son mari s’endort, comme s’il voulait consoler la femme en son veuvage, et lui persuader de s’en tenir à son premier époux, de n’en pas prendre un second. Ton mari n’est pas mort, il dort seulement. Qu’est-ce qui n’attend pas un homme endormi ? Voilà pourquoi il dit : S’il s’endort, elle est libre de se marier à qui elle voudra. Il n’a pas dit qu’elle se marie, pour ne point paraître la forcer, la contraindre. Il ne l’empêche pas de contracter, si elle le veut, un second mariage, il ne l’y engage pas si elle ne le veut point ; il se borne à lui lire la loi : Elle est libre de se marier à qui elle voudra. Mais, en disant qu’elle est devenue libre par la mort de son mari, il montre qu’avant cela, et de son vivant, elle était esclave ; or, tant qu’elle est esclave et soumise à la loi, quand même elle ' aurait reçu mille actes de répudiation, elle tombe sous le coup de la loi qui concerne l’adultère. Les serviteurs peuvent quitter leurs maîtres pour d’autres du vivant des premiers, mais les femmes ne peuvent changer de maris tant que leur premier époux est en vie, car c’est un adultère. Ne viens donc pas me lire les lois qui sont à l’usage du monde, les lois qui prescrivent de donner un acte de répudiation, et de divorcer ensuite. Car ce n’est point d’après ces lois-là que Dieu doit te juger au grand jour, mais d’après celles que lui-même a promulguées. Que dis-je ? les lois mêmes du siècle n’établissent point cela d’une manière absolue, ni comme article principal ; elles-mêmes punissent ce péché, ce qui témoigne assez qu’elles le réprouvent. Elles dépouillent de tous ses biens et chassent, sans lui laisser de ressources, l’épouse qui a mérité d’être congédiée, et punissent de la perte de sa fortune celui qui a été l’occasion du divorce ; et certes, si elles statuent ainsi sur ce fait, c’est qu’elles ne l’approuvent point.
2. Et Moïse ? il a statué de même pour un pareil motif ; mais écoutez ce que dit le Christ : Si votre justice n’est pas plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. (Mat. 5, 20) Écoutez encore cette autre parole. Quiconque renvoie sa femme, hors le cas d’adultère, la rend adultère ; et quiconque épouse une femme renvoyée commet un adultère. (Id. 32) Si le Fils unique de Dieu est venu sur la terre, s’il a pris la forme d’un esclave, s’il : a versé son précieux sang, s’il a détruit la mort, s’il a éteint le péché, s’il a répandu plus libéralement le bienfait de l’Esprit, c’est pour vous initier à une sagesse plus profonde. Et d’ailleurs, si Moïse a porté cette loi, ce n’est. Point comme une loi fondamentale ; c’est parce qu’il était forcé de condescendre à la faiblesse des siens. Les voyant prêts au meurtre, accoutumés à souiller leurs foyers du sang des, leurs, à n’épargner ni parents ni étrangers, et craignant qu’ils n’égorgeassent leurs femmes, s’ils étaient forcés de les garder contre, leur gré, il leur a permis de les renvoyer, afin d’empêcher un mal plus grand, les meurtres