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tant leurs parents semblent faire assaut à qui proférera sur leur compte les plus inconvenants sarcasmes ; c’est comme une bataille rangée : et cette lutte entre les invités a pour résultat de remplir l’époux et l’épouse de honte et de confusion.
Faut-il maintenant, dites-moi, chercher une autre preuve que ce sont les démons qui, agitant leurs âmes, leur font tenir cette conduite et ce langage ? Et qui donc pourrait contester, désormais, que ce soit l’impulsion du démon qui les incite à parler et à agir de la sorte ? Personne assurément, car ce sont bien là les rémunérations du diable : injures, ivresse, déraison. Si maintenant quelqu’un tire un présage de l’invitation adressée de préférence aux pauvres, et juge que ce serait entrer en ménage sous de fâcheux auspices, je veux lui apprendre à mon tour que ce n’est pas l’accueil fait aux pauvres et aux veuves, mais celui qu’on fait à des infâmes et à des prostituées qui présage des afflictions de tout genre et des milliers de maux. Plus d’une fois, en effet, ce jour même vit un jeune époux arraché à sa nouvelle famille par les mains d’une courtisane qui, du même coup, éteignit en lui tout amour pour son épouse, ruina l’harmonie du ménage, rompit ses liens avant qu’ils fussent formés, et y jeta les semences de l’adultère. Voilà ce que devraient craindre les parents, ne craignissent-ils rien autre chose ! et ce serait assez pour qu’on dût interdire l’accès des noces aux mimes et aux danseurs. Car le mariage n’a pas été institué dans l’intérêt de la débauche et de la fornication, mais dans celui de la chasteté. Voici du moins ce que dit Paul : À cause des fornications, que chaque homme ait sa femme et chaque femme son mari. En effet, il y a deux raisons pour lesquelles le mariage a été institué : c’est à savoir, afin que nous soyons chastes, et afin que nous devenions pères : mais de ces deux motifs, le plus important est celui de la chasteté. C’est du jour où s’est introduite la concupiscence que s’est introduit le mariage, qui coupe court à l’incontinence, et amène l’homme à se contenter d’une femme. Car pour la procréation, ce n’est point tant l’effet du mariage que de cette parole de Dieu qui dit : Croissez et multipliez, et remplissez la terre. (Gen. 1, 28) Témoins tant d’hommes qui ont usé du mariage et ne sont point devenus pères. En sorte que la raison dominante est celle de la chasteté, surtout aujourd’hui que notre espèce a couvert la terre habitable. Dans le principe, chacun devait désirer d’avoir des enfants, afin de laisser un souvenir et une trace de son existence. En effet, lorsqu’il n’y avait point encore d’espérances de résurrection, et que c’était le règne de la mort, et que les mourants pensaient être anéantis à l’issue de leur carrière terrestre, Dieu donna aux hommes cette consolation de la paternité, en sorte que ceux qui partaient se survécussent dans de vivantes images, que notre race se conservât, et que ceux qui allaient mourir aussi bien que leurs familles eussent dans leurs rejetons un sujet incomparable de soulagement.
Et pour vous faire bien comprendre que c’était ce motif surtout qui faisait désirer des enfants, je vous citerai la plainte de la femme de Job à son mari, dans leur adversité : Voilà, dit-elle, que tout souvenir de toi a disparu de la terre, tes fils comme tes filles. (Job. 18, 17) Et de même Saül dit à David : Jure-moi dans le Seigneur que tu n’extermineras pas ma race et mon nom après moi. (1Sa. 24, 22) Mais puisque désormais la résurrection nous attend à la porte, que la mort ne compte plus pour rien, que nous nous acheminons de cette vie vers une vie meilleure, tout soin de ce genre est superflu. En effet, si tu souhaites des enfants, il en est de bien meilleurs, de bien plus souhaitables, dont il ne tient qu’à toi d’être le père, maintenant qu’il existe des gestations spirituelles, des enfantements d’un ordre supérieur, et des bâtons de vieillesse d’une espèce plus précieuse. En conséquence, le mariage n’a qu’une fin, empêcher la fornication : et c’est pour ce mal qu’a été inventé ce remède. Mais si tu devais, même après le mariage, te laisser aller à la fornication,'c’est en vain que tu aurais eu recours au mariage, c’est inutilement, c’est sans profit. Que dis-je ? ce n’est pas seulement pour rien, c’est plutôt pour ton malheur. En effet, la faute n’est point la même à commettre la fornication quand on n’a point de femme, et à y retomber après le mariage : dès lors ce n’est plus fornication, c’est adultère. Ce que je dis peut paraître étrange c’est vrai pourtant.
4. Je le sais : beaucoup de gens s’imaginent qu’on ne se rend adultère que par la séduction d’une femme en puissance de mari. Et moi je prétends que quiconque, étant marié, a des rapports coupables et illicites avec une femme,