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miel ; mais il faut honorer les paroles glorieuses. (Prov. 25, 27) En effet, le miel peut causer une maladie à l’homme sain, tandis qu’à l’aide de ces paroles, l’homme infirme peut se guérir ; de plus, le miel se corrompt dans la digestion, tandis que les paroles divines, lorsqu’on les digère, deviennent encore plus agréables et plus salutaires, et pour ceux qui les ont goûtées, et en même temps pour beaucoup d’autres. Enfin, celui qui s’assied à une table matérielle où règne le luxe, la quitte souvent avec des nausées qui le rendent incommode à tout ce qui l’entoure : au contraire, celui qui exhale l’odeur de l’instruction spirituelle, délecte ceux qui l’approchent par des parfums enivrants. Aussi David, qui goûtait sans cesse à ce festin béni, a-t-il pu dire : Mon cœur a exhalé le parfum de la bonne parole. (Psa. 44, 2) En effet, il est aussi une mauvaise parole, dont on peut exhaler l’odeur. Et comme dans les festins du corps, la nature des aliments détermine la qualité de l’odeur qui revient à la bouche des convives ; ainsi, quand il s’agit de paroles, la qualité de celles dont on s’est nourri se reconnaît généralement à l’arrière-goût qu’elles laissent après elles. Par exemple, vous allez vous asseoir sur les degrés d’un théâtre, vous entendez des chansons lubriques : vos conversations sentiront encore les propos que vous aurez entendus. Mais vous venez à l’église, vos oreilles participent aux discours spirituels ; votre bouche en rendra le parfum. De là cette parole du prophète : Mon cœur a exhalé le parfum de la bonne parole, par où il veut nous faire entendre l’aliment dont il avait coutume de se nourrir. Et Paul, sur la foi du prophète, nous exhortait en ces termes : Qu’aucun discours mauvais ne sorte de votre bouche ; que s’il en sort quelqu’un, qu’il soit bon. (Eph. 4, 29) Et qu’est-ce qu’un discours mauvais ? dira-t-on ; si vous apprenez ce que c’est qu’un bon discours, vous connaîtrez en même temps ce que c’est qu’un discours mauvais, car ces deux choses sont ici opposées l’une à l’autre. Ce que c’est qu’un bon discours ! il n’est pas besoin que je vous l’apprenne, car Paul lui-même nous en a expliqué la nature. En effet, après ces mots : qu’il soit bon, il ajoute, propre à édifier l’Église, montrant par là qu’un bon discours est celui qui édifie le prochain. Par conséquent, si le bon discours est celui qui édifie, le discours mauvais et condamnable est celui qui détruit.
Ainsi donc, mon cher auditeur, si tu as quelque chose à dire qui soit propre à rendre meilleur celui qui t’écoute, ne reste pas bouche close en cette occasion de salut : mais si tu n’as rien de pareil, et seulement des propos répréhensibles et dissolus, tais-toi, ne parle point contre l’intérêt du prochain. Car, c’est là un discours mauvais, puisque non-seulement il n’édifie pas l’auditeur, mais encore fait tout le contraire. En effet, si cet auditeur pratique la vertu, de tels propos lui inspirent souvent de l’orgueil ; et s’il est nonchalant pour le bien, il redouble son indifférence. Si tu dois prononcer quelque parole licencieuse et grossièrement risible, tais-toi. Car ce discours est mauvais qui rend plus déréglés et celui qui le profère et celui qui l’écoute et qui ravive en chacun les ardeurs coupables. Comme le bois est la matière et l’aliment de la flamme, ainsi les mauvaises pensées sont attisées par les paroles. Il ne faut donc pas dire indistinctement tout ce que nous avons dans l’esprit ; mais travaillons sérieusement à bannir de notre esprit même, et les désirs coupables, et toute pensée honteuse. Que si par hasard, et à notre insu, nous laissons pénétrer en nous quelque sale imagination, gardons-nous de la produire indiscrètement, et plutôt étouffons-la sous le silence. Voyez, en effet, les animaux farouches et les reptiles pris au piège ; s’ils trouvent quelque issue pour s’échapper, ils deviennent plus féroces après leur évasion ; si au contraire ils restent enfermés sans répit dans leur prison, bientôt, pour une cause ou une autre, ils sont détruits et exterminés. Ainsi des pensées coupables : notre bouche, nos discours leur offrent-ils quelque issue, leur flamme intérieure en reçoit de nouvelles forces. Mais si l’on ferme sur elles la porte du silence, elles s’affaiblissent, et, réduites par notre retenue à une sorte d’inanition, elles meurent emprisonnées dans notre âme. Par conséquent, alors même que tu éprouverais quelque honteuse convoitise, si tu sais t’abstenir de paroles honteuses, tu éteins dans ton cœur la convoitise elle-même. Ta pensée n’est point pure, du moins que ta bouche le soit ; garde-toi de jeter ces ordures à ta porte, de peur de nuire à d’autres et à toi-même. En effet, les paroles honteuses souillent non-seulement ceux qui les prononcent, mais encore ceux qui les entendent. Je t’invite donc et t’exhorte à fermer, non-seulement ta bouche, mais encore