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avait tenu ce langage, ils ne s’y seraient pas soumis et ne l’auraient pas écouté. Car eux qui déjà avaient conçu contre lui de l’éloignement et de l’aversion à propos d’un bruit de cette nature l’auraient encore plus haï s’ils en avaient reçu ces conseils. Qu’arriva-t-il ? Personne ne réprimanda les juifs (lui venaient de chez Jacques mais Pierre reçut les reproches que Paul lui adressait, afin qu’après avoir été réprimandé par son confrère dans l’apostolat, il pût aussi réprimander ses disciples : ainsi Pierre reçoit les reproches, et les disciples se corrigent. Cela se fait aussi dans les contrats séculiers. Par exemple, si les citoyens doivent encore un reste de leurs contributions, et si ceux qui sont chargés de les réclamer ne l’osent pas parce qu’ils rougissent de les trop pressurer, ils cherchent un moyen et une occasion de faire, des instances plus pressantes, et pour cela ils se font, en leur présence même, dépouiller par leurs compagnons d’armes, injurier et accabler de mille maux, afin qu’ils ne semblent pas exiger l’argent par leur propre volonté, mais forcés par une contrainte étrangère : ainsi les injures qu’ils reçoivent leur servent d’excuse.
17. C’est là ce qui arriva entre Paul et Pierre. Les Juifs avaient encore quelques obligations à remplir. Quelles obligations ? De s’éloigner complètement du judaïsme. Pierre désirait ardemment faire accomplir ces dernières obligations et exiger d’eux la foi dans toute sa pureté. Aussi voulant trouver une occasion favorable pour satisfaire cette exigence, il concerta avec Paul une réprimande énergique que celui-ci devait lui faire, afin que ces reprochés simulés lui offrissent une occasion facile de parler librement à ses disciples. Voilà pourquoi Paul dit en commençant : Je lui ai résisté en face, et aussi : J’ai parlé à Pierre devant tout le monde. S’il avait voulu corriger Pierre, il lui aurait parlé en particulier ; mais comme telle n’était pas son intention (en effet, il savait pourquoi Pierre agissait ainsi), comme il voulait raffermir ceux qui avaient longtemps cloché, il lui adresse ses reproches devant tout le monde. Pierre les accepte, se tait et ne discute pas : il savait dans quelle intention Paul l’attaquait et Pierre achevait tout en ne répondant rien. Son silence était la meilleure leçon pour montrer aux Juifs que leurs rites ne devaient plus être observés. Car si le maître s’est tu, disaient-ils, c’est qu’il savait que ces reproches de Paul étaient justes. Mais écoutons encore ces reproches : J’ai dit à Pierre devant tout le monde : Toi qui es juif, tu vis comme les Gentils. Observez sa prudence ; il ne dit pas : Tu fais mai de revenir à la vie juive, mais il relève son premier changement, de manière à faire voir que cette exhortation et ce conseil n’étaient point imaginés par Paul, mais semblaient dépendre d’une opinion que Pierre s’était déjà formée. Car s’il eût dit : Tu as tort d’observer la loi, les disciples de Pierre l’eussent condamné ; mais du moment qu’ils comprennent que Paul ne songeait pas à faire d’exhortation ni de réprimande, mais que Pierre était déjà habitué à vivre comme les Gentils, et que c’était là son opinion, ils devaient s’apaiser bon gré mal gré. Voilà pourquoi Pierre n’émet pas lui-même cette opinion, mais se laisse accuser par un autre, du moins par Paul, et il se tait pour que sa doctrine soit plus facilement acceptée.
18. Ce n’est point seulement par ce qui précède, que l’on peut remarquer la sagesse de Paul, mais aussi par ce qui suit. Il ne dit pas : Toi qui es juif tu vivais comme les Gentils et non comme les Juifs ; mais tu vis, c’est-à-dire : tu es toujours du même avis. Après avoir dit : Tu vis comme les Gentils, quoique tu sois juif, il n’a pas ajouté : Pourquoi forces-tu les Juifs de judaïser ? mais au contraire : Pourquoi forces-tu les Gentils de judaïser? et tout en faisant semblant de ne vouloir que protéger ses disciples et montrer sa sollicitude pour les Gentils, il enseigne adroitement aux Juifs que leur devoir est d’abjurer leurs anciennes coutumes. Que la réprimande fût feinte, c’est ce qui ressort clairement de ses paroles elles-mêmes. En effet d’après ce qu’il nous rapporte lui-même, c’étaient les Juifs qui s’étaient laissé entraîner à la suite de Pierre et il dit ici : Pourquoi forces-tu les Gentils de judaïser? Cependant il aurait fallu dire : Pourquoi forces-tu les Juifs de judaïser ? Car ceux qui avaient été entraînés ainsi n’étaient pas gentils, mais juifs. Cependant, s’il avait parlé ainsi, son discours aurait paru trop violent et inconvenant de la part du docteur des Gentils. Mais en paraissant s’inquiéter de ses propres disciples, il donne à sa réprimande plus d’indépendance et d’autorité. Mais pour que vous compreniez que ce discours n’était pas une réprimande adressée à Pierre, mais que cette apparence de réprimande donnée à