Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce que faisait saint Pierre. Il laissait la nouvelle foi se bien implanter dans l’esprit de ses auditeurs, attendant qu’elle y eût poussé de profondes racines pour enlever aux Juifs tous leurs préjugés. Mais il n’en était pas de même pour Paul, qui n’était astreint à aucune de ces entraves, en prêchant chez les Gentils qui ne connaissaient aucunement la loi mosaïque et qui n’entendaient rien aux prescriptions des Juifs.
Nous devons donc croire que les deux apôtres ont agi comme ils ont fait, non pas qu’ils fussent opposés l’un à l’autre, mais par condescendance à la faiblesse de leurs disciples ; cela se comprend, quand nous voyons Paul permettre ces pratiques aussi bien que Pierre, et non seulement les permettre, mais y coopérer ; quand nous voyons, d’un autre côté, Pierre sanctionner cette même liberté que Paul propageait chez les Gentils. Mais, dira-t-on, où peut-on voir tout cela ? A Jérusalem même. C’est là que le docteur des Gentils a rasé sa tête, a sacrifié et s’est soumis à la purification. En effet la circonstance l’exigeait, ainsi que la présence d’une foule de juifs. Tu vois, mon frère, lui disait-on, combien de milliers de juifs se sont réunis ; tous sont zélés pour leur loi, et ils ont entendu dire que tu enseignais a se séparer de cette loi.
13. Ainsi Paul était forcé de faire cette concession aux rites judaïques ; il ne la faisait point par opinion, mais par politique. De même, Pierre, le maître des Juifs, admettait toujours la circoncision et les autres pratiques judaïques, pour se prêter à la faiblesse de ses disciples ; mais quand il trouvait l’occasion de se soustraire à cette nécessité, quand ce n’était plus le moment de se livrer à cette indulgence, mais celui de proclamer les dogmes et les lois, écoutez ce qu’il disait. Lorsque Paul, Barnabas et quelques disciples furent venus d’Antioche à Jérusalem pour consulter les apôtres, il y eut une grande discussion ; Pierre se leva et dit : Mes frères, vous savez que depuis longtemps Dieu m’a choisi parmi nous pour que ma bouche fasse entendre et croire aux Gentils la parole de l’Évangile. (Act. 15,7) Il ajoute quelques mots, et dit encore : Pourquoi tentez-vous Dieu en imposant aux Gentils un joug que nos pères et nous n’avons pas eu la force de porter ? C’est seulement par la foi en Jésus-Christ que nous croyons être sauvés, ainsi qu’eux-mêmes. Vous voyez donc que, si les circonstances exigeaient des concessions, Paul lui-même se prêtait aux habitudes judaïques ; et, d’un autre côté, quand il ne fallait plus agir avec condescendance, mais établir des dogmes et des lois, Pierre savait s’affranchir de cette condescendance et proclamer les dogmes dans leur franchise et leur pureté. Observez que Paul était présent à cette conférence, qu’il a tout entendu, qu’il communiquait de tous côtés la lettre qu’il avait reçue et qu’il est impossible de prétendre qu’il ignorât l’opinion de Pierre. Pourquoi donc fait-il maintenant de pareils reproches à Pierre, prétendant qu’il redoute ceux qui sont circoncis ?
14. Pour que vous compreniez mieux tout ce qui s’est dit, je vais remonter un peu au-delà ; mais soyez attentifs, je vous en supplie ; car nous sommes arrivés au fond même de la question. Jacques le frère du Seigneur, était d’abord évêque de l’Église de Jérusalem, c’est-à-dire à la tête de tous les juifs croyants. Mais il y avait à Antioche d’autres juifs qui croyaient aussi au Christ, mais qui, étant loin de Jérusalem et voyant que les fidèles, parmi les Gentils, vivaient sans se préoccuper d’observer les pratiques judaïques, insensiblement et peu à peu s’étaient laissés entraîner eux-mêmes à négliger ces habitudes judaïques et à suivre la doctrine de la foi, pure et sans mélange. Là-dessus, Pierre arrivant, et voyant que rien ne lui imposait ses condescendances habituelles, vivait dès lors à la manière des Gentils. Or, ce que Paul appelle vivre à la manière des Gentils, consiste à supprimer les pratiques judaïques, à ne pas observer les injonctions de cette loi ; par exemple, la circoncision, le sabbat et autres prescriptions. Pendant que Pierre vivait ainsi, arrivèrent quelques juifs envoyés par Jacques c’est-à-dire venant de Jérusalem, lesquels étant toujours restés dans cette ville, et n’ayant jamais connu d’autres mœurs, conservaient les préjugés judaïques et gardaient beaucoup de ces pratiques. Pierre voyant donc ces disciples qui venaient de quitter Jacques et Jérusalem, et qui n’étaient pas encore affermis, craignit que s’ils éprouvaient un scandale ils ne rejetassent la foi ; il changea donc encore de conduite, et cessant de vivre à la manière des Gentils, il revint à sa première condescendance et observa les prescriptions relatives à la nourriture. Les juifs qui vivaient à Antioche le voyant agir ainsi et ne comprenant pas le motif qu’il avait, furent entraînés eux-mêmes et