Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

rendras de moi. (Act. 22,17,18) Ainsi il explique la cause de son départ. Ils te haïront, dit le Seigneur, et te repousseront ; aussi ne recevront-ils pas tes enseignements. Et cependant, il suffisait, pour rendre sa prédication digne de foi et persuasive, que sa conversion fût évidemment surnaturelle comme elle l’était. En effet, quand un homme s’était montré, ainsi qu’il l’avait fait, bouillant de colère, respirant – le meurtre, ne croyant pas aux miracles du Christ ni à ceux des apôtres qui ressuscitaient les morts, aucun pouvoir humain n’aurait pu le convertir au milieu de sa fureur, ni le déterminer à déployer ensuite autant et même plus de zèle pour la prédication de la foi du Christ, qu’il n’avait d’abord montré d’emportement à la persécuter. Il n’y avait véritablement qu’une force divine qui pût opérer cette conversion et cette transformation.
11. C’était ce même motif que Paul mettait en avant quand il demandait à Jésus de lui confier l’apostolat des Juifs : Seigneur, ils savent que j’emprisonnais et que je persécutais ceux qui croyaient en votre nom, et quand on versait le sang d’Étienne, votre martyr, j’étais complice de sa mort. (Act. 22,19-20) Et cette fureur cruelle prouve que ce changement subit n’est point une œuvre humaine, mais divine, et a été inspirée par le ciel. Que dit le Christ ? Va, car je t’enverrai au loin chez les Gentils. (Act. 22,21) Tout cela ne suffit-il point, dit l’Apôtre, pour convaincre les plus endurcis que cette prédication n’est pas une œuvre humaine, mais qu’elle dépasse les forces de l’humanité, et que Dieu est vraiment l’auteur de ce changement et de cette conversion ? Tout cela devrait suffire, ô bienheureux Paul, à ne considérer que les faits en eux-mêmes, mais les Juifs sont les plus aveugles des hommes ; ils n’examinent point les faits, ni ce qui semble le plus raisonnable et le plus nécessaire à croire, ils ne songent qu’à satisfaire leur haine. Toi, tu considères l’enchaînement des événements, mais Dieu connaît le secret des cœurs. C’est pourquoi il te dit : Va, car je t’enverrai au loin chez les Gentils, pour que la haine soit affaiblie par la distance.
Aussi, tandis que, lorsqu’il écrit à tous les autres peuples, il met toujours son nom en tête de ses épîtres, quand il écrit aux Hébreux, il ne fait rien de semblable : tout simplement, sans dire qui il est, ni à qui il écrit, ainsi qu’il en a l’habitude, il commence ainsi : Dieu a parlé autrefois à vos pères bien souvent et de bien des manières. (Héb. 1,1) Et c’est là un trait de sagesse de la part de Paul. De peur que la haine qu’on a contre lui ne rejaillisse sur sa lettre, il se cache comme sous un masque en supprimant son nom et leur présente en secret le remède de ses exhortations. Car, non seulement les Juifs incrédules, mais même les croyants de cette nation avaient contre lui de l’aversion et de la haine. Aussi, quand il va à Jérusalem, écoutez ce qui lui est dit par Jacques et par tous les autres : Tu vois, mon frère, combien de milliers de juifs se sont réunis ; tous sont zélés pour leur loi, et ils ont entendu dire que tu enseignes à se séparer de cette loi. (Act. 21,20, 21). Voilà pourquoi ils avaient contre lui de l’aversion et de la haine.
12. Voilà donc pourquoi ce ne sont pas les Juifs, mais les Gentils qui lui ont été confiés. Lorsque plus tard les Juifs lui furent aussi confiés comme à Pierre, mais d’une autre façon, il les conduisait à la foi par une autre route. Quand je parle d’une autre route, ne pensez pas qu’il y eût de différence pour la prédication, car elle était la même pour les Juifs et pour les Gentils. Elle consistait, essentiellement, à dire que le Christ était Dieu, qu’il avait été crucifié, enseveli et qu’il était ressuscité ; qu’il était assis à la droite du Père, et qu’il devait juger les vivants et les morts : ces dogmes et d’autres semblables étaient également prêchés par Paul et par Pierre. Où donc était la différence ? Dans les prescriptions légales sur les aliments, dans la circoncision, dans les autres rites des Juifs. Car Pierre n’osait pas dire clairement et ouvertement à ses disciples qu’il fallait les abolir entièrement. II craignait, en effet, que s’il cherchait prématurément à supprimer ces habitudes, il ne détruisît en même temps chez eux la foi du Christ ; l’esprit des Juifs, depuis longtemps imbu des préjugés de leur loi, n’était point préparé à entendre de tels conseils. Aussi saint Pierre les laissait suivre les traditions judaïques. Quand un bon jardinier greffe une jeune pousse à une vieille tige, il n’ose point arracher l’ancienne plante de peur de déraciner aussi la nouvelle, mais il attend que le jeune arbre soit bien implanté, et ait poussé ses racines dans le sein de la terre ; alors il enlève sans crainte l’ancienne souche, ne redoutant plus rien pour la nouvelle : c’est