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des faits réels, aux yeux des hommes, comme si, devant un tribunal, il discutait publiquement les soupçons dont le vulgaire le poursuit. Et de même que les juges qui vont prononcer le dernier supplice, assis sur leur tribunal, d’où ils dominent la foule, ordonnent d’ouvrir les tentures, de lever les rideaux, rassemblent auprès d’eux la cité tout entière, ils sont ainsi sur un théâtre public, et ils jugent, et sous les yeux de tous, qui les voient et qui les entendent, ils interrogent, celui qui est en cause ; ils font lire les actes, les pièces où sont relatés les crimes commis par l’accusé ; ils font en sorte que l’accusé s’accuse lui-même, et enfin ils portent, leur sentence ; de même Dieu, comme assis au tribunal sublime de la prédication de l’Écriture qu’il préside, ordonne à l’univers de se rassembler autour de lui, sous les yeux de tous, qui écoutent ; il institue l’enquête et l’examen des péchés ; il ne fait lire ni actes, ni pièces ; il n’expose pas des tablettes au milieu de l’assemblée : ce sont les péchés mêmes des coupables qu’il expose à la contemplation des jeux.
4. Au moment de lancer ses foudres vengeresses contre les habitants de Sodome ; au moment d’exterminer villes et peuples sous cette flamme terrible, déluge étrange, inouï, beaucoup plus épouvantable que le premier, effrayante inondation, la première et la seule qu’ait jamais vue le soleil ; avant d’infliger un châtiment de ce genre il révéla les fautes des coupables qu’il allait punir ; il ne les révéla pas, comme je l’ai dit, en faisant lire des tablettes ; il fit comparaître en public les crimes des méchants. (Gen. 19) Voilà pourquoi, il envoya ses anges ; ce n’était pas pour faire sortir Lotir ; il voulait montrer aux yeux la dépravation des gens de Sodome, et c’est ce qui arriva. Quand Loth eut reçu les voyageurs, la maison où s’exerçait l’hospitalité fut assiégée par tous ; ils étaient là, tout autour, en cercle, et le général qui commandait ce siège, c’était l’amour infâme, l’abominable désir d’un commerce contraire à la loi de Dieu ; passion effrénée qui ne connaissait plus les bornes de l’âge et de la nature. Les jeunes gens n’étaient pas seuls à entourer la maison : on vit venir aussi des vieillards ; les cheveux blancs ne calmèrent pas cette rage ; la vieillesse n’éteignit pas cette flamme insensée ; on put voir, dans le port même, le naufrage ; dans un cœur de vieillard, un détestable désir, et cette abominable passion ne s’arrêta pas là. Loth eut beau promettre de leur livrer ses filles, ils ne se retiraient pas, ils s’obstinaient, ils disaient qu’ils ne s’en iraient pas tant qu’on ne livrerait pas ces hommes à leur brutalité, et ils menaçaient des plus grands malheurs, celui qui leur avait promis de leur abandonner ses filles, afin de ne pas manquer, envers ses hôtes, aux égards de l’hospitalité. Voyez-vous comme le Seigneur a montré par tous ces faits réels, la corruption des gens de Sodome, avant de leur faire subir le châtiment ? C’est pour qu’à l’aspect du supplice qui les frappe, la grandeur du désastre ne brise pas votre cœur ; c’est afin que vous ne vous mettiez pas de leur côté, pour accuser Dieu, mais, du côté de Dieu, pour les condamner, parce qu’il a pris soin de montrer d’abord toute leur corruption, parce qu’il nous a enlevé tout sujet de miséricorde, parce qu’il a supprimé en nous toute compassion, toute pitié pour eux. C’est ce qu’il fait en ce moment à l’égard du prophète. Dieu ne veut pas que la famine qui consume les Juifs soit pour vous un sujet de douleur ; il vous montre leur barbarie, leur cruauté, leur dureté envers les voyageurs. En effet, non seulement ils n’accueillirent pas le prophète, mais ils menacèrent de le tuer, ce qui résulte des paroles de Dieu même. En effet, il ne dit pas seulement à son prophète : Retirez-vous ! mais il ajoute : Cachez-vous. (1R. 17,3) Il ne vous suffit pas de fuir, pour sauver votre vie, il faut, de plus, vous cacher avec le plus grand soin, parce que c’est le peuple juif, peuple altéré du sang des prophètes, et qui s’entend à égorger les saints ; il a toujours les mains rouges du sang des prophètes ; voilà pourquoi Dieu, l’envoyant hors de la Judée, lui dit : Allez et cachez-vous ; mais quand il l’envoie vers la veuve : Je lui ai, dit-il, commandé. Voyez-vous comme il lui conseille de prendre beaucoup de précautions dans sa fuite, comme il lui ordonne, quand il entrera dans l’asile qu’il lui indique, de se montrer plein de confiance et de sécurité ?
5. Ce n’est pas tout ; Dieu aune autre pensée encore, quand il envoie ce prophète à la veuve. Plus tard, on devait voir le Christ, après tant d’incomparables bienfaits dont il avait comblé 1a Judée, après tant et tant de morts ressuscités par lui, après tous ces aveugles auxquels il avait rendu la lumière ; après ces lépreux purifiés ; après ces démons chassés ; après cet