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Toutes les deux parvinrent à la même sagesse, montrèrent la même douceur charitable, et, par la conformité de leurs bonnes œuvres, nous ont manifesté l’affinité des deux Testaments. Vous connaissez, au milieu des ports, ces tours, élevées à une grande hauteur, qu’on appelle des phares, portant une lumière qui brille toute la nuit sans s’éteindre ; les marins errant en pleine mer, guidés par cette flamme éclatante, arrivent jusqu’au port, où ils trouvent la sécurité. Ces deux veuves par leur sérénité, furent deux ports qu’éclairait, dans les ténèbres les plus épaisses de la nuit, la lumière de leur âme généreuse. Car la vie de l’homme ressemble à la nuit, comme dit le bienheureux Paul : La nuit est déjà fort avancée et le jour s’approche. (Rom. 13,12) Il en est qui, dans la nuit profonde, s’égarent sur la mer de l’avarice ; ils sont près d’être engloutis ; ces veuves les invitent à venir goûter leur sérénité tranquille, elles portent la flamme de la charité, qui brille toujours ; elles conservent, elles ne laissent pas s’éteindre la lumière de l’aumône.
2. La veuve du Nouveau Testament nous occupera dans une autre occasion ; aujourd’hui, c’est de la veuve de l’Ancien Testament que nous voulons vous parler. Tant qu’on célébrera cette veuve, on tressera aussi pour l’autre la couronne de louanges ; comme leurs bonnes œuvres se ressemblent, elles se partagent aussi nos éloges. Donc, autrefois surgit une grande famine ; ce n’est pas que la terre fatiguée refusât ses productions, mais les péchés des hommes écartaient le présent de Dieu. Donc, autrefois surgit une grande famine, plus triste, plus difficile à supporter que toutes les famines. Cette famine-là, c’était le grand Élie qui l’avait amenée, comme on fait venir son serviteur, comme on fait venir un bourreau, pour châtier les serviteurs qui outrageaient le Maître commun. N’hésitons pas à dire que ce furent les péchés des Juifs qui appelèrent cette famine. Ce fut la bouche du prophète qui la produisit : Vive, dit-il, le Seigneur Dieu ! il ne tombera de pluie que par ma bouche. (1R. 17,1) Donc, le fléau ne se pouvait supporter, car cette voix terrible du prophète, non seulement frappa la terre de stérilité, mais fit rebrousser les fleuves et dessécha tous les torrents. Et, de même qu’une fièvre ardente, brûlante, qui tombe sur le corps, n’en dessèche pas seulement la surface, mais le pénètre profondément et brûle les os ; de même la sécheresse alors ne brûlait pas seulement la surface de la terre, mais descendait dans ses profondeurs, et tarissait, dans ses entrailles, tous les éléments liquides.
Donc, quelles paroles Dieu adressa-t-il au prophète ? Allez à Sarepta, chez les Sidoniens ; là, je commanderai à une vente de vous nourrir. (Id. 9) Qu’est-ce que cela veut dire ? N’a-t-il donc reçu dans sa patrie, nulle part, des preuves de bonté ? Vous l’envoyez dans une contrée étrangère, auprès d’une veuve ? Si elle était dans l’opulence, si elle était très-riche, si c’était l’épouse d’un roi, si elle avait des magasins remplis de l’abondance des fruits de la terre, là même alors, la crainte de la famine ne rendrait-elle pas sa volonté plus stérile que la terre elle-même ? Pour que le prophète ne pût pas adresser à Dieu de telles paroles, ou seulement les penser, le Seigneur le nourrit d’abord par l’entremise des corbeaux. (Id. 6) C’était presque lui dire : Si j’ai pu faire que des êtres sans raison exerçassent envers vous l’hospitalité, sans doute il me sera bien plus facile encore d’y porter des créatures qui ont reçu la raison en partage.
3. Voilà pourquoi la veuve ne vient qu’après les corbeaux. Et il fallait voir ce prophète à la merci d’une faible femme ; cette âme qui s’élevait jusqu’au ciel, cette âme divine, ce généreux, ce sublime Élie, comme un vagabond, comme un mendiant, arrivant aux portes de la veuve ; et cette bouche, qui avait fermé le ciel, faisait entendre les paroles de ceux qui mendient : donnez-moi du pain, donnez-moi de l’eau. C’est pour vous apprendre qu’il n’y a rien d’affectueux, de bon, de charitable comme la maison d’une veuve, comme un abri rempli par la pauvreté, d’où est bannie la richesse, et tous les vices que la richesse enfante. Ce séjour était pur ; vicie de tout tumulte, plein de la perfection de la sagesse, plus tranquille que le port le plus paisible. Voilà les demeures faites pour les âmes des saints.
Donc, le prophète se dirigeait vers cette veuve, dont l’exemple allait confondre les Juifs, à qui les étrangers étaient odieux ; il se dirigeait vers cette veuve, enseignant à tous combien les Juifs méritaient leur punition. Car lorsque Dieu doit punir, il ne se contente pas d’envoyer le châtiment, il ne lui suffit pas de son suffrage particulier ; il s’excuse aussi, par