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où chacun donne pour sa part. Secondement, il fait valoir la dignité de ceux qui reçoivent ; car il ne dit pas : les pauvres, mais les saints. En troisième lieu, il anime par un exemple : Suivez l’ordre, dit-il\it, que nous avons établi pour les Églises de Galatie. Ajoutons qu’il marque un temps favorable : Que le premier jour de la semaine, dit-il, chacun de vous mette à part. Cinquièmement, il ne fait pas donner toute l’aumône à la fois, mais partiellement et peu à peu ; car ce n’est pas la même chose de donner tout en un seul jour, ou de distribuer la dépense dans plusieurs intervalles de temps, ce qui empêche qu’on ne s’en aperçoive. Sixièmement, il ne détermine pas la quantité de la somme, mais il s’en rapporte à la volonté de ceux qui donnent, et il déclare qu’ils auront l’aide du Seigneur ; car telle est la force du terme dont il fait usage. Il ajoute encore un septième moyen : Afin, dit-il, qu’on n’attende pas à mon arrivée à recueillir les aumônes. Il excite les fidèles de Corinthe en même temps qu’il les console, en leur faisant espérer qu’ils ne tarderont pas à le revoir, et en leur fixant le terme où ils le reverront.
Enfin, il emploie un dernier moyen ; et quel est ce moyen ? Lorsque je serai arrivé, dit-il, j’enverrai avec des lettres de ma part, ceux que vous aurez choisis pour porter vos charités à Jérusalem. Que si la chose mérite que j’y aille moi-même, ils m’accompagneront. Voyez combien cette âme sainte et généreuse est modeste et éloignée de tout faste, combien elle est tendre et attentive ! Saint Paul se dispense de nommer lui-même, et à son gré, les dispensateurs des aumônes, il en abandonne le choix aux Corinthiens ; et loin de regarder comme une injure qu’ils fussent choisis par eux et non par lui, il jugeait au, contraire peu convenable que faisant eux-mêmes les aumônes, un autre en nommât les dispensateurs. Il leur en laisse donc le choix, annonçant par là sa modestie, en même temps qu’il éloignait toute ombre de mauvais soupçon. Quoiqu’il fût plus pur que le soleil, et au-dessus de tout soupçon défavorable, il ne croyait pas pouvoir prendre trop de précautions pour ménager les faibles, et ne donner aucune prise à la calomnie. C’est pour cela qu’il s’exprime, comme nous avons dit plus haut : Lorsque je serai arrivé, j’enverrai ceux que vous aurez choisis pour porter vos charités à Jérusalem. Quoi donc ! vous ne faites pas le voyage de Jérusalem, vous ne prenez pas l’argent, vous abandonnez cette fonction à d’autres ! Pour que cette idée ne pût pas ralentir leur ardeur, voyez comme il la prévient encore. Il ne dit pas simplement : J’enverrai ceux que vous aurez choisis ; mais que dit-il ? avec des lettres de ma part. Si je ne les accompagne pas en personne, je serai du moins avec eux par mes lettres, et je les seconderai dans leur ministère.
5. Serions-nous dignes de l’ombre de Paul, serions-nous dignes de dénouer sa chaussure, si lorsque cet apôtre, qui jouissait d’une gloire si étendue, a dédaigné de recevoir de la part des fidèles des marques de considération, nous sommes fâchés et indignés que les administrateurs de l’argent des pauvres ne soient pas de notre choix, ne soient pas agréés par nous, nous regardons comme une injure que ceux qui donnent de leurs deniers pour de bonnes œuvres ne nous consultent pas dans la manière de les administrer ?
Et voyez comme saint Paul est toujours d’accord avec lui-même, comme il ne se dément point. Le terme qu’il emploie pour exprimer les aumônes des Corinthiens est celui de grâce, annonçant par là que si ressusciter les morts, chasser les démons, guérir les lépreux, est une œuvre de la grâce, soulager la pauvreté et tendre la main à l’indigence l’est beaucoup plus encore. Mais quoique ce soit une grâce, il faut le concours de notre zèle et de notre ardeur, nous devons y correspondre et nous en rendre dignes par notre volonté propre. Au reste, l’Apôtre console les Corinthiens ; en chargeant de lettres de sa part les dispensateurs de leurs aumônes, et en faisant quelque chose de plus, en promettant de les accompagner dans leur voyage : Que si la chose, dit-il, mérite que j’y aille moi-même, ils m’accompagneront. Considérez encore ici sa prudence. Il ne refuse ni ne promet absolument de les accompagner ; mais il abandonne encore ce voyage au choix de ceux qui font les aumônes, il les en laisse les arbitres, en leur faisant entendre que si ces aumônes sont assez considérables pour le déterminer, il se mettra volontiers en route. C’est là le sens caché sous ces mots : Que si la chose mérite que j’y aille moi-même. S’il avait refusé absolument, ou s’il n’avait promis que d’une manière équivoque et douteuse, il eût diminué le courage et ralenti l’ardeur des Corinthiens. C’est pour cela qu’il ne leur refuse ni ne leur promet absolument, mais qu’il les laisse arbitres