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sans pitié, qu’on enlevait tous leurs biens, qu’ils étaient pillés partout, chassés de tous les lieux, c’est avec raison que saint Paul excite tous les peuples à les secourir. C’est ici encore en leur faveur qu’il exhorte les Corinthiens par ces paroles : Quant aux aumônes qu’on recueille pour les saints, suivez le même ordre que nous avons établi pour les Eglises de Galatie.
3. J’ai prouvé suffisamment quels sont les saints que désigne saint Paul, et pourquoi il s’occupe d’eux avec une attention particulière ; il faut montrer maintenant pour quelle raison il parle des Galates ; car, pourquoi ne dit-il pas : Quant aux aumônes qu’on recueille pour les saints, suivez cet ordre : que le premier jour de la semaine chacun de vous mette à part chez soi quelque chose, amassant peu à peu, au lieu de dire : Quant aux aumônes qu’on recueille pour les saints, suivez le même ordre que nous avons établi pour les Eglises de Galatie ? Pourquoi s’exprime-t-il de la sorte ? pourquoi ne parle-t-il pas d’une ou de deux villes, mais de tout un peuple ? c’est pour que les Corinthiens montrent plus d’ardeur, et que les éloges donnés à d’autres soient pour eux un motif d’émulation.
Ensuite, il leur explique l’ordre qu’il voudrait établir : Que le premier jour de la semaine, dit-il, chacun de vous mette à part chez soi quelque chose, amassant peu à peu ce qu’il pourra, avec l’aide du Seigneur, afin qu’on n’attende pas à mon arrivée à recueillir les aumônes. Le premier jour de la semaine, c’est-à-dire le dimanche, le jour consacré au Seigneur. Et pourquoi a-t-il marqué ce jour pour les contributions de chacun ? pourquoi n’a-t-il pas dit : le deuxième jour de la semaine, le troisième, ou le dernier ? Ce n’est pas au hasard et sans raison : il voulait tirer du temps même un motif pour les faire contribuer, avec plus d’ardeur, au soulagement des pauvres. La circonstance du temps fait beaucoup en toute chose. Et que fait, direz-vous, la circonstance du jour pour engager à faire l’aumône ? Dans le jour que marque l’Apôtre, on cesse tout travail ; le repos rend l’âme plus gaie et plus contente. Mais, ce qu’il y a de plus important, c’est qu’en ce jour nous avons joui d’une infinité de précieux avantages. C’est en ce jour que la mort a été vaincue, la malédiction détruite, le péché aboli, les portes de l’enfer brisées, le démon enchaîné, une longue guerre terminée ; c’est en ce jour que l’homme a été réconcilié avec Dieu, que notre race a recouvré son ancienne noblesse, ou plutôt est montée à un rang beaucoup plus sublime ; c’est en ce jour que le soleil a vu un prodige merveilleux l’homme devenu immortel. C’est pour nous rappeler tous ces grands avantages, que saint Paul choisit le jour du Seigneur ; il prend ce jour pour appuyer ses paroles, et il semble dire à chacun : Pensez, ô homme, de quels biens vous avez été comblé en ce jour, de quels maux vous avez été délivré ; ce que vous étiez d’abord, ce que vous êtes devenu ensuite ! Si d’anciens esclaves honorent le jour où ils ont été mis en liberté ; si nous honorons le jour de notre naissance ; si les uns célèbrent des festins, si d’autres, plus généreux encore, font des présents ; à plus forte raison devons-nous honorer le jour que l’on peut appeler le jour de la naissance de la nature humaine. Nous étions perdus, et nous avons été retrouvés ; nous étions morts, et nous sommes ressuscités ; nous étions ennemis, et nous avons été réconciliés. Nous devons donc honorer ce jour d’une manière spirituelle, non en célébrant des festins, non en nous livrant aux excès de la bouche et à des danses peu honnêtes, mais en tirant de la détresse nos frères indigents. Je ne vous fais pas ces réflexions afin que vous y applaudissiez, mais afin que vous agissiez d’après ce que je vous dis. Croyez que ce n’est pas seulement aux Corinthiens que s’adresse l’Apôtre, mais à chacun de nous et à ceux qui viendront après nous. Suivons l’ordre établi par saint Paul, et mettons à part, dans le jour du Seigneur, l’argent destiné pour le Seigneur. Faisons-nous en une loi et un usage invariable, et nous n’aurons pas besoin d’être animés ni exhortés. Une longue et ancienne habitude fait plus dans ces sortes de bonnes œuvres que tous les discours et toutes les exhortations. Si nous nous faisons une règle de mettre quelque chose à part le dimanche pour le soulagement des pauvres, ce sera pour nous une loi que nous n’oserons enfreindre, quelque nécessité qui survienne.
Après avoir dit : Le premier jour de la semaine, l’Apôtre ajoute : chacun de vous. Je ne parle pas seulement, dit-il, aux riches, mais encore aux pauvres ; non seulement aux personnes libres, mais encore aux esclaves ; non seulement aux hommes, mais encore aux femmes. Que personne ne se dispense de cette bonne rouvre, que personne ne se prive du fruit qu’on peut en recueillir, mais que chacun