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pas que la terre ne s’entr’ouvre et ne l’engloutisse tout entier, ou que la foudre descendant du ciel ne consume sa langue accusatrice ? Ne savez-vous pas ce qui arriva à la sueur de Moïse quand elle eut parlé contre le chef des Hébreux, comme elle devint impure, fut attaquée de la lèpre, et subit le dernier mépris ; que même, à la prière de son frère, qui se prosterna devant Dieu, elle n’obtint point de pardon ? c’était elle pourtant qui avait exposé autrefois le saint personnage, qui avait pourvu à ce qu’il fût nourri, qui s’était arrangée en sorte que sa mère devînt sa nourrice, et que le jeune enfant ne fût point, au commencement de sa vie, élevé entre des mains étrangères ; plus tard enfin, elle avait été le chef de la troupe des femmes, comme Moïse de celle des hommes, elle avait supporté avec lui tous les dangers, elle était la sueur de Moïse eh bien ! tout cela ne lui servit de rien pour échapper a la colère de Dieu, lorsqu’elle eut tenu un langage coupable ; et Moïse, qui avait fléchi Dieu en faveur d’un si grand peuple coupable de cette impiété indicible que vous connaissez, a beau se prosterner et demander grâce pour sa sueur, il ne peut réussir à rendre Dieu favorable, il en reçoit même de vifs reproches. C’est pour que nous sachions combien il est coupable de mal parler de nos supérieurs et de juger la conduite d’autrui. En effet, au dernier jour, Dieu nous jugera certainement, non pas seulement d’après nos fautes, mais aussi d’après les jugements que nous aurons portés sur autrui ; et souvent ce qui n’est en soi qu’une faute légère, devient grave et impardonnable par suite du jugement porté sur autrui par celui qui a fait la faute. Peut-être ce que je dis là n’est-il pas assez clair : je vais tâcher de le rendre tel. Quelqu’un a fait une, faute : puis, il condamne sévèrement une autre personne qui commet la même faute. Eh bien ! il s’attire pour le dernier jour, non pas une peine proportionnée à sa faute, mais une peine double, triple, infiniment plus grande : car ce n’est pas d’après sa faute, mais d’après sa sévérité contre ceux qui auront péché comme lui, que Dieu lui infligera le châtiment. Ceci deviendra plus manifeste quand je vous aurai mis sous les yeux, ainsi que je vous l’ai promis, des exemples empruntés à l’histoire du passé. Le pharisien n’était point lui-même un pécheur : il vivait dans la justice, et pouvait se prévaloir de nombreux mérites. Néanmoins, pour avoir réprouvé le publicain, c’est-à-dire un voleur, un avare, un transgresseur de toutes les lois, il fut condamné sévèrement, et destiné à un supplice plus terrible que celui qu’avait mérité ce coupable. Mais si un homme innocent, pour avoir réprouvé par une simple parole un criminel reconnu pour tel par tout le monde, s’est attiré un pareil châtiment, nous, qui péchons plusieurs fois par jour, si nous nous permettons de censurer la conduite des autres, alors qu’elle n’est ni publique ni manifeste, voyez quel châtiment nous encourons, et combien il nous est peu permis de compter sur l’indulgence. Car il est écrit : Selon le jugement que vous aurez porté, vous serez jugés vous-mêmes. (Mat. 7,2)
6. Ainsi je vous avertis, je vous prie, je vous conjure de renoncer à cette détestable habitude. Ce n’est pas aux prêtres que nuiront nos diffamations, soit calomnieuses, soi-même conformes à la vérité. Car le pharisien n’a fait aucun tort au publicain, que dis-je ? il lui a été utile, bien qu’en l’accusant il ne dît que la vérité. C’est nous-mêmes que nous précipiterons dans les plus grandes calamités, de même que le Pharisien a détourné le glaive contre lui-même et s’en est allé frappé d’un coup mortel. Afin d’éviter le même sort, réprimons l’intempérance de notre langue. Si celui qui avait médit du publicain, n’échappa point au châtiment, nous qui médisons de nos pères, quel recours aurons-nous ? Si Marie, pour avoir une seule fois mal parlé de son frère, fut punie si rigoureusement, quel salut pouvons-nous encore espérer si nous continuons à nous répandre chaque jour en invectives contre nos magistrats ! Et qu’on ne vienne pas me dire que ce magistrat était Moïse ! car je pourrais répondre à mon tour que cette médisante était Marie. Vous allez comprendre d’ailleurs que les prêtres, fussent-ils en faute, ce n’est pas à vous de juger leur vie. Écoutez plutôt ce que le Christ ordonne touchant les magistrats des juifs. C’est sur le siège de Moïse que sont assis les Scribes et les Pharisiens : faites donc tout ce qu’ils vous disent de faire ; mais ne faites pas tout ce qu’ils font. (Mat. 23,2-3) Cependant peut-on rien imaginer de pire que ces hommes, que leurs disciples ne pouvaient imiter sans se perdre ? Quoi qu’il en soit, Jésus n’a pas voulu les dégrader de leur dignité, ni les rendre méprisables à leurs subordonnés. La raison en est facile à comprendre. En effet, si les subordonnés s’arrogeaient un tel pouvoir,