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franchise, dévoila son union adultère, et en présence et aux oreilles de tous, porta la sentence qui condamnait Hérode. Et avant lui, le grand Élie, qui ne possédait rien de plus que son vêtement de peau de brebis, fut seul aussi à condamner avec un grand courage cet Achab, ce roi inique et impie. C’est qu’il n’est rien pour disposer à la liberté du langage, pour inspirer la confiance dans tous les dangers, pour nous rendre forts et invincibles, comme de ne rien posséder, de n’avoir aucun embarras d’affaires. Ainsi, pour qui veut posséder un grand pouvoir, il n’y a qu’à embrasser la pauvreté, à mépriser la vie présente, à considérer la mort comme rien. Un tel homme pourra être aux Églises d’une plus grande utilité, non seulement que les riches et les gens en place, mais que les souverains eux-mêmes. Car tout ce que peuvent faire les souverains et les riches, ils le font par leurs richesses : tandis que l’homme dont nous parlons a souvent fait sortir une foule de grandes choses du sein même des dangers et de la mort. Or, autant le sang est plus précieux que tout l’or du monde, autant ce dernier résultat l’emporte sur l’autre.
5. Tels étaient ces hôtes de saint Paul, cette Priscille et cet Aquila, qui n’avaient point l’abondance des richesses, mais qui possédaient une âme plus riche que tous les trésors, qui s’attendaient chaque jour à mourir, vivaient au milieu des meurtres et du sang, étaient enfin continuellement martyrs. C’est pour cela que nos intérêts prospéraient à cette époque, parce que les disciples étaient à ce point attachés à leurs maîtres, et les maîtres à leurs disciples. Car saint Paul ne parle pas d’eux seulement, mais de bien d’autres. En écrivant aux Hébreux, aux Thessaloniciens et aux Galates, il rend témoignage des nombreuses épreuves que tous avaient à souffrir, et il montre par les mêmes épîtres qu’ils étaient chassés, exilés de leur patrie, privés de leurs biens, et exposés jusqu’à verser leur sang ; enfin toute la vie était pour eux une lutte, et ils n’auraient pas même reculé à se laisser mutiler pour ceux qui les instruisaient. Aussi saint Paul, écrivant aux Galates, leur disait-il : Car je vous rends ce témoignage que, s’il eût été possible, vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner. (Gal. 4,15) Et il loue encore pour la même chose Epaphras, qui était à Colosses ; voici ses termes : Il a été malade presque au point de mourir, et Dieu a eu pitié de lui, et non seulement de lui, mais aussi de moi, afin que je n’eusse pas chagrin sur chagrin. (Phil. 2,27) Ces paroles montrent qu’il aurait ressenti une juste douleur de la mort de son disciple. Et il révèle encore à tout le monde la vertu d’Epaphras, lorsqu’il dit : Il est arrivé tout près de la mort, n’ayant point tenu compte de sa vie, afin de combler ce qu’il s’en manquait de vos soins envers moi. (Phil. 2,30) Quel sort plus heureux que le leur, et quel sort aussi plus déplorable que le nôtre ! puisqu’on peut dire que tandis qu’ils ont exposé pour leurs maîtres leur sang et leur existence, nous autres nous n’osons souvent pas faire entendre un simple mot en faveur de nos pères communs ; nous entendons les gens de notre maison ainsi que les étrangers les couvrir d’outrages et d’injures malveillantes, et nous ne leur fermons pas la bouche, nous n’empêchons pas, nous ne condamnons pas un tel langage !
Et, plût au ciel que nous ne fussions pas en tête de cette bande médisante. Or on n’entendrait pas sortir de la bouche des infidèles autant d’insultes et de mauvais propos contre les chefs de l’Église, que de la bouche de ces gens qui passent pour être des fidèles incorporés dans nos rangs. Chercherons-nous donc encore d’où est venu tant de lâcheté, tant de mépris pour la piété, quand nous avons envers nos pères spirituels des dispositions aussi hostiles ? Certes, il n’est rien, non, rien de plus capable de désunir et de ruiner l’Église ; que dis-je ? il est difficile qu’il lui vienne du dehors une désunion, une ruine aussi grande, que lorsqu’il n’existe pas des liens fort étroits entre les disciples et leurs maîtres, les enfants et leurs pères, les subordonnés et leurs chefs. Eh ! quoi ? si quelqu’un dit du mal de son frère, on l’exclut même de la lecture des divines Écritures ; car : Pourquoi, dit Dieu, as-tu ma loi à la bouche ? (Ps. 49,16) Puis il donne le motif de ce reproche, en ajoutant : Tu siégeais en accusateur contre ton frère (Id. 20) ; et après cela, toi, qui accuses ton père spirituel, tu te crois digne de pénétrer dans le vestibule sacré ? Cela pourrait-il être fondé ? Si ceux qui maudissent leur père ou leur mère sont punis de mort (Exo. 21, 17), quel châtiment méritera celui qui ose maudire l’homme qui lui tient de bien plus près encore et qui vaut bien mieux que les parents ? Comment ne craint-il