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s’agit-il ? Ce que je disais tout à l’heure, c’est que l’arrangement même du vêtement des apôtres est pour nous la source d’un grand profit ; or, pendant que je prononçais cette parole, il m’est venu à l’esprit cette loi du Christ, qu’il leur a donnée en ces termes : Ne possédez ni or, ni argent, ni airain pour mettre dans vos bourses, ni chaussures, ni bâton pour la route. (Mat. 10,9-10) Or, nous voyons que Pierre avait des sandales, puisque, lorsque l’ange le réveilla de son sommeil, et le fit sortir de la prison, il lui dit : Mets à tes pieds tes sandales, couvre-toi de ton vêtement, et suis-moi. (Act. 12,8) Et Paul, écrivant à Timothée, lui dit : Quand tu viendras, apporte-moi le manteau que j’ai laissé en Troade, chez Carpos ; apporte aussi les livres, surtout les parchemins. (2Ti. 4,13) Que dis-tu là ? Le Christ nous a ordonné de n’avoir même pas de chaussures, et tu as un manteau, et un autre a des sandales ? Si c’étaient de ces hommes vulgaires, qui n’obéissaient pas toujours au Maître, la question ne serait pas à faire ; mais ce sont des apôtres qui s’étaient consacrés à Dieu corps et âme, ce sont les chefs, les premiers des disciples, qui, en toutes choses, obéissaient à Jésus-Christ. Paul non seulement faisait ce qui lui était ordonné, mais il franchissait même la limite ; et tandis que Jésus ordonnait aux apôtres de vivre de l’Évangile, lui, Paul, vivait du travail de ses mains, allant ainsi au-delà de ce qui lui était commandé. Il vaut donc réellement la peine d’examiner pourquoi, obéissant au Christ en toutes choses, ils semblent ici transgresser sa loi. Eh bien ! non, ils ne la transgressent point. Car ce discours ne nous sera pas seulement utile pour cette question relative aux saints apôtres, il nous servira encore à fermer la bouche aux païens. En effet, voyez une foule de ces gens qui bouleversent les maisons des veuves, dépouillent les orphelins, s’entourent des biens de tous, et, malfaisants comme de vrais loups, vivent des labeurs d’autrui. Eh bien ! parce qu’ils ont souvent l’occasion de voir des fidèles, à cause de leur faible santé, se couvrir de plusieurs vêtements, aussitôt ils nous opposent la loi du Christ, et nous tiennent le langage que voici : Le Christ ne vous a-t-il pas ordonné de ne pas avoir deux tuniques, et de n’avoir aucune chaussure ? Comment donc transgressez-vous la loi sur ce point ? Puis ils ne tarissent plus de railleries et de plaisanteries, et quand ils ont bien bafoué leur frère, ils se sauvent. Or, pour éviter cela, voyons donc un peu à faire taire leur impudence. Il n’y a qu’une chose à leur répondre. Et laquelle ? La voici. Si vous regardez le Christ comme digne de foi, on comprend que vous fassiez cette objection, que vous nous posiez cette question. Mais si vous ne croyez pas en lui, pourquoi nous opposer ses commandements ? Mais, quand vous voulez nous accuser, le Christ vous semble un législateur qui mérite créance ; quant au contraire on vous demande de l’adorer et de l’admirer, alors vous ne faites plus le moindre cas du souverain Maître de l’univers.
2. Mais, afin qu’ils ne s’imaginent pas que c’est à défaut de justification que nous parlons ainsi, poursuivons plus avant, allons à la solution même de la question. Et quand sera-t-elle résolue ? Quand nous aurons vu à quelles personnes, dans quel moment, et pour quel motif Jésus-Christ a donné cet ordre. Car il ne faut pas se contenter d’examiner les paroles en elles-mêmes, nous devons encore scruter avec soin quels sont les personnages, les temps, les causes, et toutes les circonstances de ce genre. Et en effet, si nous y regardons attentivement, nous trouverons que cet ordre n’avait pas été donné à tout le monde, mais aux seuls apôtres,