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avons trouvée ; or c’est ce qui arrivera, s’ils s’aperçoivent que vous êtes devenus plus doux, plus sages et plus vertueux. Songez à quels mystères il vous est donné d’avoir part, vous autres initiés, en quelle compagnie vous faites monter au ciel cet hymne mystique, à quelles voix s’unissent les vôtres pour chanter le Trois fois saint ! Apprenez à ceux du dehors que vous avez été associé au chœur des Séraphins, que vous comptez parmi le peuple d’en haut, que vous avez été inscrit dans la société des anges, que vous vous êtes entretenu avec le Seigneur, que vous avez été le compagnon de Jésus-Christ. Si nous savons nous régler conformément à ces pensées, nous n’aurons, au sortir d’ici, nul besoin de parler à ceux qui sont demeurés à l’écart : par notre profit ils jugeront de leur perte, et ils se hâteront d’accourir, pour avoir part aux mêmes bienfaits. Leur propre sentiment leur fera voir l’éclat de la beauté de votre âme, alors, fussent-ils les plus apathiques des hommes, ils se prendront d’amour pour cette majesté. Car si la vue de la beauté corporelle nous ravit, à plus forte raison la présence d’une belle âme est-elle capable de nous stimuler, et d’éveiller en nous un zèle pareil au sien. Ornons donc en nous l’homme intérieur, et rappelons-nous hors de ce lieu ce qui s’est dit, car c’est dehors surtout qu’il est opportun de nous en souvenir : et de même qu’un athlète fait montre dans l’arène de ce qu’il a appris dans la palestre, ainsi devons-nous témoigner, dans nos actions hors d’ici, des paroles que nous entendons en ce lieu.
5. Souvenez-vous donc de ce que l’on vous dit ici, afin que, lorsque vous serez sortis, et que le démon vous attaquera par la colère, par la vaine gloire, ou par quelque autre passion, vous puissiez facilement, en vous rappelant nos instructions, vous débarrasser des entraves du malin. Ne voyez-vous pas, dans les écoles de gymnastique, les gymnastes qui, après des luttes innombrables, sont désormais exemptés par leur âge d’en soutenir de nouvelles, s’asseoir en dehors du terrain, mais tout contre, presque sur le sable même, et de là, regardant ceux qui sont dans la palestre, et qui luttent, leur crier qu’il faut saisir la main de l’adversaire, le tirer par la jambe, s’emparer de lui par-derrière ? Par ces conseils, et bien d’autres du même genre : fais comme ceci, comme cela, et tu renverseras facilement ton antagoniste, ils rendent les plus grands services à leurs élèves. Et vous aussi, considérez votre gymnaste, le bienheureux Paul, qui après avoir mérité mille et mille couronnes, est assis maintenant hors de l’arène de la vie présente, et nous crie à nous autres lutteurs, par la voix de ses Épîtres, quand il nous aperçoit maîtrisés par la colère, par l’esprit de rancune, subjugués par la passion : Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger. (Rom. 12,20) Et comme le maître des athlètes leur dit : En faisant ceci, en faisant cela, tu triompheras de ton adversaire ; de même saint Paul ajoute : Car en agissant de la sorte, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. (Id. 20) Mais tandis que je viens de lire ce texte, il est survenu dans mon esprit une question qui semble se présenter d’elle-même et fournir à beaucoup de personnes un sujet de reproche contre saint Paul : je veux aujourd’hui exposer ce point devant vous. Quelle est donc cette pensée que recèle l’esprit de ces gens qui ne veulent pas examiner tout avec soin ? Saint Paul, disent-ils, en nous interdisant la colère, et en nous conjurant d’être doux et modérés envers le prochain, ne fait que nous aigrir davantage, et nous pousser au ressentiment. Car si cette parole. Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire, est un beau précepte, plein de sages e, et utile à celui qui l’accomplit ainsi qu’à celui qui en est l’objet ; les paroles qui viennent ensuite nous jettent dans une grande indécision, et paraissent ne pas s’accorder avec la pensée qui a dicté les précédentes. Et quelles sont ces paroles ? C’est lorsqu’il dit : En agissant de la sorte, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. En effet, par un tel langage, il a fait tort à la fois à l’auteur de l’action et à celui qui en est l’objet. À ce dernier, il embrase la tête en y plaçant des charbons ardents. Et le bien qui résulte pour lui d’être nourri et abreuvé, est-il comparable au mal que lui font ces charbons entassés ? Ainsi, continue-t-on à dire, l’Apôtre fait tort à celui qui reçoit le bienfait, en lui faisant subir un châtiment plus grand que son premier malheur. Et quant au bienfaiteur, l’Apôtre le blesse aussi dans ses intérêts d’une autre manière. En effet, quel profit cet homme peut-il retirer de sa bienfaisance à l’égard de ses ennemis, s’il agit ainsi par espoir de vengeance ? Car un homme qui donne à manger et à boire à son ennemi, afin d’amasser sur la tête de cet ennemi des charbons ardents, n’est pas un