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force d’en faire le sacrifice pour écouter la divine parole ? Quelle pourrait être votre excuse, dites-moi ? Quel motif plausible et légitime aurez-vous pour vous justifier ? Non, celui qui est aussi négligent et aussi lâche ne peut jamais avoir d’excuse, quand même il mettrait mille et mille fois en avant les nécessités des affaires de la vie. Ne savez-vous pas que si vous venez adorer Dieu, et prendre part à nos exercices, les affaires qui sont entre vos mains n’en prospéreront que mieux ? Vous avez, dites-vous, des préoccupations dans la vie ? C’est pour cela précisément qu’il faut venir ici, afin d’attirer sur vous, par l’assistance à l’église, la bienveillance de Dieu, et de vous en retourner ainsi dans la sécurité, afin d’avoir Dieu pour auxiliaire, et de devenir invincible aux esprits malins, secouru que vous serez par la main d’en haut. Si vous venez bénéficier de prières de vos pères spirituels, si vous prenez part à la prière commune, si vous écoutez la parole divine, si vous attirez sur vous le secours de Dieu, quand vous sortirez d’ici revêtu de toutes ces armes, Satan lui-même ne pourra plus vous regarder en face, à plus forte raison ces hommes pervers ne le pourront, qui ont à cœur de répandre sur autrui leurs dénigrements et leurs calomnies. Si au contraire en sortant de votre maison, vous allez à la place publique, on vous trouvera dépourvu de ces mêmes armes, et vous serez facilement la proie de toutes les mauvaises langues. Si, dans nos affaires soit publiques, soit particulières, tant de choses nous arrivent contre notre volonté, c’est précisément parce que nous ne nous sommes pas occupés des affaires spirituelles avant de songer à celles du siècle, et que nous avons interverti l’ordre. C’est pour cela que la suite et l’ordre régulier de nos affaires est bouleversé aussi, et qu’une grande perturbation a tout envahi chez nous. Quelle pensez-vous que soit ma peine et ma douleur, quand je songe que lorsqu’il y a une fête, une solennité, sans qu’il y ait personne qui vous y appelle, toute la ville y court en foule ; et qu’une fois la fête, une fois la solennité passée, quand même nous passerions la journée entière à nous épuiser pour vous appeler, personne n’y fait attention ? Souvent je repasse tout cela dans mon esprit, alors je gémis amèrement, et je me dis : A quoi bon les exhortations et les conseils, si vous faites toutes choses simplement par habitude, et que nos enseignements n’ajoutent rien à votre ferveur ? Si en effet vous n’avez d’une part aucun besoin de nos exhortations aux époques des fêtes, et que d’autre part, lorsqu’elles sont passées, vous ne tiriez aucun fruit de nos enseignements, ne montrez-vous point par là, autant qu’il est en vous, que nos paroles sont inutiles ?
4. Peut-être plusieurs de ceux qui m’entendent gémissent qu’il en soit ainsi. Mais ce n’est pas le fait des négligents : car dans ce cas, ils se déferaient de cette insouciance, comme nous qui chaque jour sommes inquiets de vos intérêts. Quel fruit retirez-vous des affaires de la vie qui soit égal au tort qu’elles vous font ? Il n’est pas possible que vous sortiez d’une autre réunion, d’une autre compagnie, ayant recueilli autant d’avantages que de votre présence ici ; non, quand ce serait le tribunal, ou le sénat, ou même la cour du souverain. Ce n’est en effet ni le gouvernement des nations et des villes, ni le commandement des armées, que nous confions à ceux qui entrent ici : c’est un autre pouvoir plus auguste que la royauté même ; ou plutôt, ce n’est pas nous, c’est la grâce de l’Esprit-Saint qui vous le confie.
Et quel est donc ce pouvoir plus auguste que la royauté, et que reçoivent ceux qui entrent ici ? Ils apprennent à dompter les passions insensées, à régner sur les mauvais désirs, à commander à la colère, à réprimer l’envie, à asservir la vaine gloire. Non, celui qui est assis sur le trône royal, la tête ornée dd diadème, n’est pas un souverain aussi auguste que l’homme qui a su affermir sa droite raison sur lé trône d’où elle commande aux serviles passions, et ceindre son front du brillant diadème de son empire sur elles. A quoi servent, dites-moi, ces vêtements de pourpre, ces tissus d’or et ces couronnes de pierreries, si votre âme est esclave des passions ? que gagnez-vous à être libre au-dehors, si la partie de vous-même qui doit régner est dans une servitude honteuse et pitoyable ? En effet, quand la fièvre a pénétré profondément, et dévore tout l’intérieur du corps, on ne gagne rien à ce que la surface extérieure n’éprouve rien de semblable ; de même si notre âme est déchirée au dedans par les passions, le pouvoir au-dehors lui est sans utilité, et un siège royal ne nous avance à rien, quand notre esprit, renversé du trône de sa royauté par la tyrannie violente des passions s’abaisse et tremble devant leur révolte. Pour qu’il n’en soit pas ainsi, les prophètes et les