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loin l’épouvante, on dit qu’il a ébranlé les fondements mêmes des maisons, que les pierres mêmes ont redouté sa présence. Ce n’est pas que les pierres aient vraiment redouté sa présence, mais c’est pour donner une idée exagérée de la fierté de son âme, et de la férocité de son cœur. C’est pour cette raison que David, ce prophète admirable, racontant les biens qu’ont éprouvés les Juifs, et la satisfaction qu’ils ont ressentie dans leur délivrance de l’Égypte disait : Lorsqu’Israël sortit de l’Égypte, et la maison de Jacob du milieu d’un peuple barbare, Dieu consacra le peuple juif ci son service, et établit son empire dans Israël. La mer le vil et s’enfuit, et le Jourdain retourna en arrière ; les montagnes bondirent comme des béliers, et les collines comme les agneaux des brebis, à la présence du Seigneur. (Psa. 113,1-4) Cependant on ne lit nulle part que ces merveilles soient arrivées. La mer, il est vrai et le Jourdain sont retournés en arrière ; mais les montagnes et les collines n’ont jamais bondi. Mais, je le répète, c’est parce qu’il voulait représenter les transports de la joie que ressentirent les Hébreux au sortir de l’oppression sous laquelle ils gémissaient en Égypte, que David fait sauter et bondir les êtres même inanimés, comme s’ils partageaient le bonheur et la satisfaction de ce peuple. Ainsi, lorsque l’Écriture veut annoncer quelque événement triste occasionné par nos fautes, elle s’exprime en ces termes : La vigne et les arbres seront dans le deuil (Isa. 24,7) ; et ailleurs : Les rues de Sion sont dans le deuil. (Lam. 1,4) Elle fait même verser des larmes aux êtres insensibles : Pleurez, murs de Sion, dit-elle ; elle dit que les contrées mêmes de la Judée sont dans la douleur, qu’elles sont enivrées de tristesse. Ce n’est pas que les éléments soient sensibles ; mais, sans doute, les prophètes voulaient nous représenter la grandeur des biens dont Dieu nous comble, et la rigueur des punitions qu’il inflige à nos crimes. C’est pour cela que le bienheureux Paul lui-même introduit les créatures qui gémissent, qui sont dans le travail de l’enfantement, afin d’exprimer les grandes faveurs que Dieu nous réserve au sortir de ce monde.
3. Mais, dira-t-on, ces faveurs ne sont qu’en espérance, et l’homme faible et malheureux, nouvellement arraché à l’idolâtrie, incapable de raisonner sur les choses futures, et peu propre à être touché de ces discours, devait chercher quelque consolation dans la vie présente. Aussi l’Apôtre, ce grand maître, instruit de cette disposition de l’homme, ne le console pas seulement par l’espoir des biens futurs, il l’anime par la vue des avantages présents. Et d’abord il lui expose les bienfaits qui avaient été accordés à la terre ; bienfaits qu’elle ne voyait pas en espérance, mais dont elle jouissait dans la réalité ; bienfaits, en un mot, garant le plus solide et le plus frappant des biens futurs et attendus ; il parle fort au long de la foi ; il cite l’exemple du patriarche Abraham qui espéra de devenir père malgré la nature qui ne lui permettait plus de l’être, et qui le devint parce qu’il crut fermement qu’il le serait. De là, il exhorte l’homme à ne pas se laisser abattre par la faiblesse des raisonnements humains, mais à s’animer, à se soutenir par la grandeur de sa foi, et à prendre des sentiments élevés. Après cela, il lui parle des biens qu’il a déjà reçus de Dieu. Et quels sont ces biens ? Dieu a donné, pour des serviteurs ingrats, son Fils unique et chéri. Nous étions chargés du poids de nos iniquités sans nombre, accablés sous la multitude de nos fautes ; il ne nous en a pas seulement affranchis, il nous a rendus justes ; et sans exiger de nous rien de difficile, rien de pénible, en ne nous demandant que la foi, il nous a rendus justes et saints, enfants de Dieu, héritiers de son royaume, cohéritiers de son Fils unique ; il nous a promis la résurrection et l’incorruptibilité de nos corps, le bonheur dont jouissent les anges, qui est au-dessus de toutes les pensées et de toutes les paroles, le séjour dans le royaume des cieux, la jouissance de lui-même ; il a répandu sur nous, dès ce monde, les grâces de son Esprit, il, nous a délivrés de la tyrannie du démon, nous a arrachés à son empire ; il a détruit le péché, anéanti la malédiction, et, brisant les portes de l’enfer, il nous a ouvert le ciel ; il a envoyé, pour opérer notre salut, non un ange, non un archange, mais son Fils unique lui-même, comme il le dit par la bouche d’un de ses prophètes : Ce n’est pas un ambassadeur, ce n’est pas un ange, c’est le Seigneur lui-même qui nous a sauvés. (Isa. 63,9) Ne sont-ce pas des avantages préférables à mille couronnes, d’avoir été sanctifiés et justifiés, de l’avoir été par la foi, de l’avoir été par le Fils unique de Dieu venu du ciel pour nous, de l’avoir été par le Père qui a donné pour nous son Fils chéri, d’avoir reçu l’Esprit-