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retourne dans sa maison les mains vides, privé du fruit de toutes ses peines, et frustré de toutes ses espérances. Le pilote, de même, lorsqu’il se réjouissait du grand nombre de marchandises dont il avait chargé son vaisseau, lorsqu’après avoir tendu avec joie ses voiles pour le retour, il avait parcouru une vaste étendue de mer, jeté souvent, à l’entrée du port, sur quelque rocher, ou sur un écueil à fleur d’eau, ou, se trouvant en butte à quelque autre accident imprévu, voit périr l’espoir de sa fortune, et sauve avec peine sa personne du milieu des périls. Enfin, le guerrier ; après avoir échappé à mille combats, après avoir triomphé de ses ennemis et repoussé leurs bataillons, voit souvent trancher ses jours à la veille d’obtenir une victoire complète, sans avoir tiré aucun avantage de ses fatigues et de ses dangers. Il n’en est pas de même de nous. Nous sommes soutenus dans nos afflictions par des espérances éternelles, fermes, inébranlables, qui ne finissent pas avec la vie présente, mais qui ont pour terme une vie dont la félicité est sans mélange et sans bornes ; des espérances qui ne sont sujettes ni aux variations de l’air, ni aux incertitudes des événements, ni même aux coups inévitables de la mort.
Mais en ne considérant que les espérances meules ##Rem, on peut voir quel est leur fruit merveilleux dans les divers accidents de la vie, et la récompense abondante dont elles nous paient. Aussi le bienheureux Paul s’écriait-il : non seulement, mais nous nous glorifions encore dans les afflictions. (Rom. 5,3) Ne passons point légèrement, je vous en conjure, sur cette parole fort simple ; et puisque le discours nous a conduits dans le port que nous offre Paul, cet illustre pilote, arrêtons-nous à une parole qui, dans sa brièveté, renferme un grand fonds de doctrine. Que veut-il donc dire, et qu’entend-il par ces mots : non-seulement, mais nous nous glorifions encore dans les afflictions ? Remontons un peu, si vous voulez, pour nous instruire, et nous verrons un grand jour se répandre sur ce passage de saint Paul, nous en verrons sortir une grande force de pensées et de réflexions utiles. Mais qu’aucun de nous ne montre de négligence et de mollesse ; que le désir d’entendre des instructions spirituelles soit comme une rosée qui nous récrée et nous ranime. Nous allons vous entretenir de l’affliction ; du désir des biens éternels, de la patience dans les maux, de la récompense qu’obtiennent ceux qui ne succombent pas dans les peines de la vie. Que veulent donc dire ces paroles : non seulement ? Celui qui les emploie annonce qu’il a déjà parlé de beaucoup d’autres avantages, auxquels il ajoute celui qu’on peut tirer de l’affliction. Aussi le même apôtre disait : non seulement, mais nous nous glorifions encore dans les afflictions. Écoutez-moi, je vous prie, je vais travailler à éclaircir sa pensée, et à développer tout ce qu’elle renferme.
Lorsque les apôtres prêchèrent le saint Évangile, et qu’ils parcoururent le inonde, semant la parole divine, déracinant de tout côté l’erreur, abolissant les lois anciennes de l’impiété, chassant l’iniquité de toutes parts, purgeant la terre, engageant les hommes à renoncer aux idoles, aux temples, aux autels, aux fêtes et aux cérémonies d’une religion fasse, à reconnaître un seul Dieu maître de l’univers, et à attendre les espérances futures ; lorsque ces mêmes apôtres annonçaient le Père, le Fils et l’Esprit-Saint, qu’ils raisonnaient sur la résurrection, qu’ils parlaient du royaume céleste alors on vit s’allumer la plus affreuse, la plus cruelle de toutes les guerres ; toutes les villes, toutes les maisons, tous les peuples, les lieux habités et inhabités, étaient pleins de tumulte, de sédition et de trouble, parce qu’on ébranlait d’anciens usages, qu’on attaquait des préjugés établis depuis longtemps, et qu’on introduisait une doctrine nouvelle, dont personne n’avait encore ouï parler ; les princes sévissaient contre cette doctrine ; les magistrats s’emportaient contre elle, les particuliers se troublaient, les places publiques se soulevaient, les tribunaux s’animaient, les glaives s’aiguisaient, les armes se préparaient, les lois usaient de toute leur rigueur. De là les peines, les supplices, les menaces, et tout ce qu’il y a de plus terrible parmi les hommes. Toute la terre était comme une mer furieuse, prête à enfanter les plus tristes naufrages. Le père, par religion, renonçait à son fils, la belle-mère se séparait de sa belle-fille, les frères étaient divisés, les maîtres s’armaient contre leurs esclaves, la nature, pour ainsi dire, était soulevée contre elle-même, la guerre s’allumait dans toutes les cités, dans toutes les familles, et non-seulement les citoyens étaient déclarés contre les citoyens, mais les parents contre les parents ; car la parole divine pénétrant comme un glaive, et séparant les parties gangrenées des parties saines,