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combien sont étranges les œuvres de Dieu. Mais je reviens à ce que je disais : lorsque le Christ reçut un soufflet, il ne fit point de mal à celui qui le lui donna ; et lorsqu’un de ses propres serviteurs allait être maltraité, Notre-Seigneur punit un roi ; vous enseignant ainsi à venger les injures faites à Dieu, et à négliger celles qu’on vous fait. Mais, prêtez-moi votre attention, car lorsqu’il s’agit de combattre, on a besoin de prêter une oreille extrêmement attentive ; écoutez donc bien, afin de savoir exactement dans quelle mesure je lie et je délie les péchés de nos adversaires, et comment je les combats et les accable. Lorsque dans un théâtre on voit lutter deux hommes, on se penche, on tient ses regards fixes et tout son corps tendu, pour voir une lutte pleine d’opprobre, une lutte qu’on aurait honte d’imiter à plus forte raison devons-nous être, nous autres, très-appliqués à écouter les saintes Écritures. Car si vous donnez des éloges à l’athlète, que ne vous faites-vous athlète ? et si c’est une honte pour lui d’être athlète, pourquoi irritez-vous ce public qui lui donne des éloges ? Mais ce ne sont point ici des luttes semblables, ce sont des luttes communes à tous, et également utiles à ceux qui parlent et à ceux qui écoutent. Car si je combats l’hérétique, c’est pour vous rendre athlètes vous-mêmes, et pour que vous puissiez, non-seulement par les paroles de vos psaumes, mais encore par votre discussion, réduire leur langue au silence. Que dit donc le Prophète : J’ai crié vers le Seigneur ; j’ai fait entendre à Dieu ma prière. (Psa. 141, 2) Faites attention : cette parole peut-être ne vous semble pas contenir un motif de lutte. Voyez comment je vais préparer le triomphe et développer l’objet du combat. J’ai crié vers le Seigneur ; j’ai fait entendre à Dieu ma prière. Appelez ici l’hérétique, présent ou non. S’il est présent, qu’il soit instruit par notre voix ; s’il est absent, vous l’instruirez d’après ce que vous aurez entendu dire. Seulement, je le répète, s’il est ici, je ne veux point le persécuter, mais lui donner un asile contre la persécution qui lui vient non pas de nous, mais de sa propre conscience, suivant cette parole de l’Écriture : L’impie fuit sans que personne le poursuive. (Prov. 28, 1) L’Église, notre mère, n’accueille pas seulement ses propres enfants : elle ouvre encore son sein aux étrangers. L’arche de Noé était un asile pour toutes les créatures, mais l’Église est plus parfaite. L’arche, en effet, recevait les animaux sans raison, et elle les gardait tels : l’Église reçoit les créatures déraisonnables, mais elle les transforme. Par exemple, s’il entre ici un renard partisan de l’hérésie, j’en ferai une brebis ; qu’il entre un loup, j’en ferai un agneau, autant qu’il sera en moi : s’il s’y refuse, cela ne dépendra nullement de moi, mais de sa propre déraison ; en effet, parmi les douze disciples de Jésus-Christ lui-même, il y en eut un qui fut traître, non pas par la faute de Jésus, mais par son propre sens perverti ; Élisée aussi avait un disciple avare ; et ce n’était pas par suite de la faiblesse du maître, mais par la lâcheté du disciple. Je répands des semences ; c’est vous qui les recevez ; si vous êtes une bonne terre, vous produirez une moisson ; si vous êtes un terrain pierreux et stérile, cela ne dépend pas de moi ; que vous écoutiez, ou que vous n’écoutiez pas, je ne cesserai de faire retentir à vos oreilles le chant spirituel, et de panser vos blessures, pour ne pas m’entendre dire au jour suprême : Mauvais serviteur, tu aurais dû confier mon argent aux banquiers. (Mat. 25, 26-27) J’ai crié vers le Seigneur ; j’ai fait entendre à Dieu ma prière.
3. Que dis-tu, hérétique ? De qui parle le Prophète, et qui appelle-t-il Seigneur et Dieu ? car il ne s’agit que d’une seule et même personne. C’est ainsi que dénaturant le sens des Écritures pour leur propre malheur, et cherchant toujours des arguments aux dépens de leur propre salut, ils ne s’aperçoivent pas qu’ils se précipitent dans un gouffre de perdition ; pour ce qui est du Fils de Dieu, ce ne sont pas nos bénédictions qui augmentent sa gloire, ni les blasphèmes qui la compromettent ; car l’être incorporel n’a pas besoin de nos louanges ; mais de même qu’en disant que le soleil est brillant, on n’ajoute rien à sa lumière, et qu’en disant qu’il est ténébreux, on n’enlève rien à l’essence de cet astre, mais que l’on montre par un tel jugement, que l’on est aveugle soi-même ; ainsi, celui qui dit que le Fils de Dieu n’est point Fils, mais créature, donne une preuve de sa propre folie, tandis que celui qui reconnaît au Fils de Dieu son essence véritable, fait voir qu’il a lui-même le jugement sain. Le premier de ces hommes ne cause aucun dommage au Fils de Dieu ; le second ne lui est point par là dé quelque utilité ; mais l’un