Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 3, 1864.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ressembler à Paul. Car ce n’est pas la grâce seulement qui a fait de lui ce qu’il est devenu ; il a dû sa vertu à son ardeur aussi, et si la grâce l’a servi, c’est qu’il avait son ardeur personnelle. Car il posséda pleinement, d’une part, les dons de Dieu ; d’autre part, la volonté personnelle. Voulez-vous reconnaître les dons de Dieu ? les vêtements de Paul inspiraient la terreur aux démons. Mais ce n’est pas là ce que j’admire, non plus que l’ombre de Pierre, qui dissipait les maladies ; ce que j’admire, c’est-ce qu’il fit d’admirable, avant la grâce, dès son entrée, ses débuts dans la carrière, quand il n’avait pas encore toute sa force, quand il n’avait pas encore reçu sa mission ; c’est l’ardeur de son zèle pour le Christ, qui alla jusqu’à soulever contre lui tout le peuple juif ; au milieu de si grands dangers, dans une ville dont toutes les issues étaient fermées, descendu à l’aide d’une corbeille le long du mur, fugitif, il ne s’engourdit pas, ne se laissa pas surprendre par la terreur, par la crainte ; son zèle ne fit que s’accroître ; il se retirait des dangers par sagesse, il ne se retirait jamais de la prédication ; mais toujours, saisissant la croix, il suivait le Seigneur ; il voyait l’exemple d’Étienne encore étendu à ses pieds ; il voyait les Juifs surtout, acharnés contre lui, et comme avides de le dévorer. Ainsi on ne pouvait lui reprocher, ni de se jeter imprudemment dans les périls, ni d’écouter la lâcheté qui ne songe qu’à les fuir. Il tenait fortement à la vie présente, parce que sa vie était utile ; et en même temps il méprisait tout à fait la vie, à cause de la sagesse qu’il puisait dans le mépris du monde, et aussi parce qu’il ressentait un violent désir d’aller à Jésus-Christ. Ce que je dis toujours en parlant de Paul, je ne cesserai jamais de le répéter ; nul autant que lui, dans des situations contraires, n’a mieux su accommoder son âme à ces situations : nul n’a jamais attaché plus de prix à la vie présente, même parmi ceux qui tiennent le plus à vivre ; nul ne l’a plus méprisée, parmi ceux qui se précipitent le plus volontairement dans la mort. C’est ainsi qu’il était affranchi de toute passion ; il ne tenait à rien des choses présentes ; partout la volonté de Dieu pénétrait sa volonté ; tantôt, il dit que la vie présente est plus nécessaire que la société, la conversation du Christ ; tantôt, il la trouve si importune et si pesante, qu’il gémit, qu’il soupire douloureusement après la décomposition. Car il désirait uniquement ce qui lui était utile et profitable auprès de Dieu, quelque contradiction qui parût dans ses désirs. Esprit souple et varié, non point dissimulé, loin de nous cette pensée, mais prenant tous les aspects qui pouvaient servir à la prédication et au salut des hommes ; et en cela, il imitait encore le Seigneur, son Maître. Car Dieu aussi se montrait sous la figure d’un homme, quand il fallait qu’il en fût ainsi ; il se montra autrefois dans le feu, quand les circonstances l’exigèrent, tantôt on l’a vu sous la forme d’un soldat armé ; tantôt sous les traits d’un vieillard ; tantôt dans les vents, tantôt en voyageur, tantôt dans la vérité de la nature humaine, et alors il n’a pas refusé de mourir. Ce que j’ai dit, quand il fallait qu’il en fût ainsi, ne veut pas dire que cela était rigoureusement nécessaire ; gardons-nous bien de le croire ; c’était un pur effet de la bonté de Dieu pour nous. Il s’est montré assis, tantôt sur un trône, tantôt sur les chérubins. Il a fait tout cela pour accomplir ses divers conseils. J’ai multiplié les visions, et les prophètes m’ont représenté à vous. (Os. 12, 10) Ainsi Paul, imitant le Seigneur son Maître, n’a pas été en faute, pour avoir tantôt suivi, tantôt négligé la loi des Juifs ; parfois il s’attachait à la vie présente ; parfois il la dédaignait ; dans certaines circonstances, il demandait de l’argent, dans d’autres il refusait l’argent qu’on voulait lui donner ; il sacrifia comme les Juifs et il se rasa la tête, et, par un mouvement contraire, il frappa d’anathème ceux qui observaient ces pratiques ; un jour, il soumettait un disciple à la circoncision ; un autre jour, il la rejetait. Contradiction dans les actions, mais non dans la pensée, non dans l’esprit qui dirigeait cette conduite, et où régnait une parfaite harmonie.
Car il n’avait qu’un but, pour ceux qui l’entendaient, qui le voyaient : les sauver tous. Voilà pourquoi, tantôt il exalte la loi, tantôt il la détruit. La souplesse, la variété n’était pas seulement dans ses actions, mais dans ses paroles, sans qu’il y eût changement dans sa pensée ; il était toujours le même, demeurant fidèle à lui-même, mais il adaptait chacune de ses paroles aux besoins du moment. Gardez-vous donc de le reprendre, à ce sujet, quand, au contraire, c’est par là qu’il mérite surtout la gloire et les couronnes. Un médecin tantôt brûle, tantôt alimente son malade, tantôt il emploie le fer, tantôt les médicaments ; un jour, il défend nourriture et breuvage ; un autre