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pouvait être la raison du triomphe ? N’est-il pas évident que c’est la puissance ineffable de Dieu ? Cette parfaite évidence se prouve par la considération même de ce qu’étaient les adversaires. En effet, quand, du côté opposé, vous trouvez réunis tous les contraires de ce que nous venons de dire, quand vous voyez conspirer contre la nouvelle doctrine, la richesse, la noblesse, un grand empire, toutes les ressources de l’éloquence, la plus complète liberté d’action, une superstition puissante et raffinée, toujours prête à étouffer toute nouveauté qui tendrait à se faire jour, en un mot quand vous voyez la plus formidable puissance humaine qui se puisse imaginer, vaincue par la faiblesse même, où trouver, dites-moi, la cause d’un tel prodige ? Bannissez donc des pensées fausses, décidez-vous chaque jour pour la vérité ; adorez la puissance du crucifié. Si quelqu’un vous disait qu’un roi, avec une bonne armée, des troupes bien rangées en bataille, n’a pu vaincre des barbares, mais qu’un homme pauvre, nu, tout seul, n’ayant pas même un javelot, pas même un vêtement, n’a eu qu’à se présenter pour mettre en déroute tous ces bataillons que le roi, avec des armes et tout un appareil de guerre, n’avait pu vaincre, vous crieriez au prodige. Eh bien, ce qui est arrivé à saint Paul n’est pas moins prodigieux. Si vous voyiez d’une part, un roi, un conquérant, après avoir creusé des fossés autour d’une ville, amené des machines devant les murailles, réuni tout ce qui assure le succès en pareil cas, échouer néanmoins dans l’attaque de la place ; si vous voyiez d’autre part un homme, qui s’avancerait le corps nu, qui ne ferait usage que de ses mains, prendre non une, ni deux, ni vingt, mais des milliers de villes, les prendre, dis-je, au pas de course, avec tous leurs habitants, vous n’expliqueriez pas ces conquêtes par une force humaine. Évidemment c’est ce qu’il faut penser au sujet de saint Paul. Car si Dieu à permis que des brigands aussi fussent mis en croix, qu’avant les temps du Christ, on vit paraître des imposteurs, c’était pour que la comparaison montrât même aux moins clairvoyants l’excellence de la vérité, c’était pour faire éclater le divin privilège qui le distingue, l’immense intervalle entre eux et lui. Rien n’a pu obscurcir sa gloire, ni la communauté des traitements, ni la parité des circonstances. Si l’on prétend que c’est la croix que les démons redoutent, et non la puissance du crucifié, voici qui ferme la bouche à ceux qui parlent de cette manière : les deux voleurs en même temps crucifiés. Si le caprice des événements a tout fait, pourquoi Theudas et Judas, qui, dans les mêmes circonstances, ont tenté la même entreprise, après avoir opposé un grand nombre de signes à la vérité, ont-ils été anéantis ? Je vous le répète, Dieu a permis ces choses pour démontrer surabondamment ce qui est de lui. Il a permis les faux prophètes en même temps que les prophètes, les faux apôtres en même temps que les apôtres, pour vous apprendre que rien ne peut obscurcir ce qui est de lui.
Vous faut-il un autre genre de preuves pour vous démontrer ce qu’il y a d’admirable dans cette prédication qui renverse la raison de l’homme ; vous montrerai-je que les ennemis qui l’ont combattue, l’ont glorifiée, agrandie ? Notre Paul avait des ennemis qui dans le dessein de lui nuire, prêchaient l’Évangile dans Rome. Ils voulaient irriter Néron, l’ennemi de Paul, et ils se faisaient, eux aussi, prédicateurs, afin que la parole en se propageant, les disciples en devenant plus nombreux, excitassent la fureur du tyran ; ils voulaient irriter la bête féroce. C’est précisément ce que Paul écrivait aux Philippiens : Je veux bien que vous sachiez, mes frères, que ce qui m’est arrivé a plutôt servi au progrès de l’Évangile, de sorte que plusieurs de nos frères, se rassurant par mes liens, ont conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer la parole de Dieu sans crainte. Il est vrai que quelques-uns prêchent par un esprit d’envie et de contention, et que les autres le font par une bonne volonté ; les uns prêchent par un esprit de jalousie, avec une contention qui n’est pas pure, croyant me causer de l’affliction dans mes liens ; les autres prêchent par charité, sachant que j’ai été établi pour la défense de l’Évangile. Mais qu’importe, pourvu que de toute manière, soit par occasion, soit par un vrai zèle, Jésus-Christ soit annoncé. (Phil. 1,12.14-18) Voyez-vous combien il y en avait qui prêchaient par un esprit de contention ? Malgré tout, même par ses ennemis, la vérité triomphait.
Il y avait encore d’autres obstacles, non seulement les lois anciennes n’étaient pas des auxiliaires, c’étaient des adversaires qui faisaient la guerre à la doctrine ; ajoutez à cela la perversité, l’ignorance des calomniateurs : ils ont pour roi, disait-on, ce Christ. Ce qu’ils