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et aussitôt tous les malheurs cessèrent, et les soldats pris dans ces filets, qui n’espéraient plus le retour, les voilà, avec la permission de Dieu, délivrés de leurs ennemis, opérant leur retour en toute sécurité. Ces prodiges ne suffisent-ils pas pour attirer à la piété ? N’en avons-nous pas constamment sous les yeux de plus merveilleux encore ? Est-ce que la croix que l’on prêche ne voit pas tous les peuples accourir ? N’est-ce pas une mort ignominieuse qu’on annonce et tous volent à la nouvelle ? Est-ce que des milliers de malheureux n’ont pas été mis en croix ? Est-ce qu’avec le Christ deux brigands n’ont pas été suppliciés ? N’est-il pas vrai qu’il y a eu un grand nombre de sages ? un grand nombre d’hommes puissants ? cependant quel nom fut jamais si glorieux que : celui de Jésus ? et que parlé-je de sages et de puissants ? est-ce qu’il n’y a pas eu des empereurs illustres ? Qui donc, parmi eux, a conquis la terre en si peu de temps ? Ne me parlez pas de la variété, de l’infinie diversité des hérésies : tous publient le même Christ, s’ils n’en parlent pas tous sainement ; tous l’adorent, ce Christ de la Palestine, qui a été mis en croix sous Ponce-Pilate. Ce prodige ne vous paraît-il pas une démonstration plus claire même que la voix descendue du ciel ? Pourquoi donc ne s’est-il trouvé aucun empereur aussi puissant que l’a été le Christ, et cela, malgré des obstacles sans nombre ? car les empereurs lui ont fait la guerre, les tyrans lui ont livré des batailles, tous les peuples se sont soulevés contre lui, et cependant nous n’avons pas été vaincus, au contraire notre gloire est devenue plus éclatante.
D’où vient donc, répondez-moi, une si merveilleuse puissance ? C’était un mage, dira-t-on. C’est donc le seul mage qui se soit agrandi ainsi ? Vous ne pouvez pas ignorer que les Perses, les Indiens ont eu des mages en foule, qu’ils en ont aujourd’hui encore ; personne n’en parle. Cet imposteur de Tyane, ce magicien, dit-on, lui aussi a brillé. Où donc, à quel moment ? Dans un coin de la terre, pendant quelques instants bien courts, et il s’est éteint bien vite, et il est mort sans laisser d’église, de peuple, rien qui y ressemble. Et que parlé-je de mages et de sorciers disparus ? D’où vient que tous les dieux ont perdu leur culte, et celui de Dodone, et celui de Claros, que tous ces édifices, ces ateliers d’esclavage sont dans le silence, obstrués, sans voix ? D’où vient que non seulement ce crucifié, mais que les ossements de ceux qu’on a égorgés pour lui, remplissent les démons d’épouvante ? D’où vient qu’au seul nom de la croix, ils reculent en bondissant ? Il fallait rire ; il n’y a rien de bien brillant, de bien respectable dans une croix ; au contraire, c’est une honte, une ignominie. C’est une mort infligée comme châtiment ; c’est une mort, la pire de toutes, maudite chez les Juifs, infâme chez les Grecs. D’où vient la terreur que la croix inspire aux démons, si ce n’est de la puissance du Crucifié ? Redouter la croix pour elle-même, c’est un sentiment tout à fait incompatible avec la nature d’êtres divins ; mais, de plus, avant le Christ et après lui, des suppliciés en grand nombre ont été crucifiés ; avec le Christ, deux furent mis en croix. Eh bien, supposez qu’on invoque le nom du larron mis en croix, ou de tel ou de tel crucifié, croyez-vous que le démon prendra la fuite ? Nullement, il en rira. Mais si vous ajoutez, de Jésus de Nazareth, les esprits méchants se sauvent comme on s’échappe du feu. Que pourra-t-on objecter ? D’où vient à Jésus son pouvoir ? C’était un séducteur, dites-vous. Mais ses préceptes ne nous le montrent pas ainsi ; et d’ailleurs, des séducteurs ont paru souvent au milieu des hommes. Direz-vous que c’était un mage ? Mais ce n’est pas là ce que ses dogmes témoignent, et il y a eu souvent des mages en grand nombre. Que c’était un sage ? Mais le monde n’a jamais manqué de sages. Qui donc, parmi eux, a possédé un pareil pouvoir ? Personne, jamais, n’en a même approché. D’où il est évident que ce n’est ni comme mage, ni comme séducteur, mais au contraire comme correcteur de ceux qui l’étaient ; comme vraiment Dieu, et fort d’une puissance invincible, que c’est par là qu’il a triomphé de tout, qu’il a inspiré au fabricant de tentes, à Paul, la vertu, toute la vertu que témoignent les actions de sa vie. Un homme de la place publique, dont l’industrie s’appliquait aux cuirs, a eu le pouvoir de ramener les Romains, les Perses, les Indiens, les Scythes, les Éthiopiens, les Sauromates, les Parthes, les Mèdes, les Saracènes, en un mot, le pouvoir de ramener tout le genre humain à la vérité, en moins de trente ans. D’où vient, répondez-moi, que cet artisan du marché, cet ouvrier d’atelier, qui tenait d’ordinaire un tranchet, est devenu un si grand philosophe, et qu’il a enseigné aux autres la philosophie, aux peuples, aux villes, aux contrées ;