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Pas de curiosité indiscrète ! consentez à reconnaître que la providence du Dieu incompréhensible sait choisir ses moments. C’est ce que Paul manifeste par ces paroles : Lorsqu’il a plu à Dieu, qui m’a choisi dès le ventre de ma mère, et qui m’a appelé par sa grâce, de me révéler son Fils. (Gal. 1,15, 16) Donc, ne recherchez rien davantage, puisque Paul s’exprime ainsi. C’était le temps, c’était le moment convenable, lorsque tant de scandales s’élevaient au milieu des peuples. Au reste apprenons de lui que jamais ni personne avant lui, ni lui-même, par son esprit propre, n’a trouvé le Christ, mais que c’est le Christ qui s’est manifesté. De là dans l’Évangile : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis (Joan. 15, 16) ; car pourquoi ne croyait-il pas en voyant les morts ressuscités au nom de Jésus-Christ ? En voyant les boiteux marcher, les démons prendre la fuite, les paralytiques recouvrer leurs forces, il ne recueillait aucun fruit de ces spectacles ; il n’ignorait pas ces miracles, lui, si curieux de ce qui concernait les apôtres. Lorsque Étienne était lapidé, Paul était là, il voyait le visage du martyr pareil au visage d’un ange, et il ne lui servait à rien de le voir. Comment se fait-il qu’il ne profitait pas de ce spectacle ? C’est qu’il n’était pas encore appelé.
En entendant ces paroles n’allez pas croire que la vocation soit une contrainte ; Dieu n’exerce aucune contrainte ; il nous laisse la liberté de nos volontés, même après la vocation. Il s’est révélé aux Juifs et il l’a fait dans le temps convenable, mais ils n’ont pas voulu le recevoir à cause de la gloire qu’ils attendaient des hommes. Mais un infidèle me dira : qui prouve qu’il a appelé Paul du haut du ciel et que Paul a été persuadé ? pourquoi ne m’a-t-il pas appelé moi aussi ? Nous lui répondrons : croyez-vous, oui ou non, que Paul a été appelé ? Si vous le croyez, cela suffit : voilà un signe miraculeux que Dieu a fait paraître pour vous. Si vous ne croyez pas que Dieu l’a appelé du haut du ciel, à quoi bon demander : pourquoi ne m’a-t-il pas appelé, moi aussi ? Si vous croyez que Dieu l’a appelé, encore une fois c’en est assez, vous avez un miracle. Ayez donc la foi : Eh ! vous aussi, Dieu vous appelle du haut du ciel, si vous avez une âme disposée à l’obéissance ; si, au contraire, votre âme se révolte et se pervertit, la voix même descendue du ciel ne suffira pas pour vous sauver. Combien de fois les Juifs n’ont-ils pas entendu une voix d’en haut, sans devenir fidèles ? Combien n’ont-ils pas vu de signes dans le Nouveau Testament, dans l’Ancien, sans devenir meilleurs ? Dans l’Ancien Testament, après des prodiges sans nombre, ils ont adoré le veau qu’ils avaient fait ; cependant, la courtisane de Jéricho, sans avoir vu aucun miracle, a montré une foi admirable à l’égard des espions de Josué. Et dans cette terre de la promesse, quand des signes apparaissaient, ces Juifs restaient plus insensibles que les pierres : au contraire, les habitants de Ninive, rien qu’à la vue de Jonas, crurent, se convertirent (Jon. 3), éloignèrent d’eux la colère divine. Dans le Nouveau Testament, en présence même du Christ, le larron, qui le voyait crucifié, l’adora. Les Juifs, qui l’avaient vu ressuscitant les morts, le garrottèrent et l’attachèrent à la croix.
Et que s’est-il passé de notre temps ? Le feu jaillissant des fondements du temple de Jérusalem, n’a-t-il pas consumé les constructeurs, et ruiné ainsi une sacrilège entreprise ? Cependant ils ne se sont pas convertis ; ils n’ont pas renoncé à leur aveuglement. Combien d’autres prodiges après celui-là sans aucun profit pour les spectateurs ? Exemple : la foudre tombant sur le toit du temple d’Apollon, l’oracle de ce démon forçant le souverain d’alors à changer le sépulcre du martyr trop rapproché de lui il ne pouvait pas, disait-il, parler quand il voyait cette châsse à ses côtés ; la châsse, en effet, était dans le voisinage. Ensuite, l’oncle de cet empereur, pour avoir outragé les vases sacrés, mourut mangé des vers ; et le préposé du trésor impérial, pour un autre outrage à l’Église, vit son corps crever tout à coup par le milieu et périt misérablement. Les fontaines de nos pays, jusque-là plus abondantes que les fleuves, ont tout à coup refoulé leurs flots en arrière, et pris la fuite, prodige sans exemple avant les sacrifices et les libations du monarque qui en a souillé la contrée. Mais à quoi bon rappeler la famine sévissant partout dans les cités, avec un empereur impie, la mort de cet empereur dans le pays des Perses, son égarement avant sa mort, son armée laissée au milieu des barbares comme dans les mailles d’un filet, le retour de cette armée, merveilleux, incroyable ? Quand ce monarque sacrilège fut tombé d’une manière si misérable, un autre, celui-là un homme pieux, reçut l’empire