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parle aussitôt après de la charité, pour faire voir que c’est surtout cette vertu qui nous rapproche de Dieu ; toutes les autres lui sont inférieures, et sont propres à l’homme, telles que les combats que nous livrons à la concupiscence, la guerre que nous faisons à l’intempérance, à l’avarice ou à la colère : aimer nous est commun avec Dieu. C’est ce qui faisait dire à Jésus-Christ : Priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous deveniez semblables à votre Père céleste. (Mt. 5,44)
Convaincu que la charité est la principale de toutes les vertus, saint Paul s’est appliqué spécialement à la représenter en lui. Aussi, personne n’a plus aimé ses ennemis que cet apôtre, personne n’a plus fait de bien à ceux qui voulaient lui faire du mal, personne n’a tant souffert pour ceux qui l’avaient persécuté. Il ne regardait pas ce qu’il souffrait, il considérait que ceux qui le faisaient souffrir étaient ses frères : plus ils s’emportaient contre lui, plus il avait compassion de leur fureur. Et comme un père qui verrait son enfant attaqué de frénésie, serait d’autant plus touché de son état, et pleurerait d’autant plus, que, dans la violence de ses transports, ce pauvre enfant le maltraiterait davantage de la langue, des mains et des pieds : ainsi, le grand Apôtre redoublait ses soins pour ceux qui le persécutaient, regardant leur maladie comme d’autant plus grave, que les démons les animaient davantage contre lui. Écoutez avec quelle douceur, avec quelle tendresse il cherche à justifier des hommes qui l’avaient battu de verges cinq fois, qui l’avaient lapidé, qui l’avaient chargé de chaînes, qui étaient altérés de son sang, qui désiraient chaque jour de le mettre en pièces : Je puis leur rendre ce témoignage, dit-il, qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais ce zèle n’est pas selon la science. (Rom. 10,2) Et ensuite voulant réprimer les fidèles qui insultaient aux Juifs, il leur dit : Prenez garde de vous élever, et tenez-vous dans la crainte ; car si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, vous devez craindre qu’il ne vous épargne pas vous-mêmes. (Rom. 2,20-21) Comme il voyait que le Seigneur avait prononcé une sentence de condamnation contre les Juifs, il faisait ce qui était en son pouvoir, il gémissait continuellement sur leur sort, il s’affligeait, il réprimait ceux qui insultaient à leur chute, il s’efforçait, autant qu’il était possible, de leur trouver au moins quelque ombre d’excuse. N’ayant pu les persuader, vu leur opiniâtreté et leur endurcissement, il recourait à de continuelles prières, et disait : Il est vrai, mes frères, que je sens dans mon cœur une grande affection pour le salut d’Israël, et que je le demande à Dieu par mes prières. (Rom. 10,1) Il leur fait concevoir d’heureuses espérances ; et pour qu’ils ne persistent pas jusqu’à la fin, pour qu’ils ne meurent pas dans le désespoir, il leur dit : Les dons et la vocation de Dieu sont immuables ; il ne s’en repent point. (Rom. 2,29) Tout cela annonce un homme qui était fortement occupé de leur salut, qui le désirait ardemment, comme lorsqu’il dit encore : Il sortira de Sion un libérateur, qui bannira l’impiété de Jacob, (Is. 69,20. – Rom. 2,26) Dans l’excès de la douleur dont il était pénétré, en voyant leur réprobation, il cherche de toutes parts un adoucissement à sa peine, et il dit tantôt : Il sortira de Sion un libérateur qui bannira l’impiété de Jacob ; tantôt : Les Juifs n’ont point cru que Dieu voulût vous faire miséricorde, afin qu’un jour ils reçoivent eux-mêmes miséricorde. (Rom. 11,31) C’est ce que faisait aussi le prophète Jérémie, lorsque s’efforçant, contre toute raison, de justifier les Juifs coupables, il disait tantôt. Si nos iniquités s’opposent à notre pardon, pardonnez-nous, Seigneur, à cause de vous (Jer. 14,7) ; tantôt : La voie de l’homme ne dépend point de l’homme, l’homme ne marche point et ne conduit point ses pas par lui-même (Jer. 10,23) ; et ailleurs encore : Souvenez-vous que nous ne sommes que poussière (Ps. 102,14). Car c’est la coutume des saints qui intercèdent pour les pécheurs, quoiqu’ils n’aient rien à dire de solide, d’imaginer au moins une ombre de justification, et, sans s’exprimer d’une manière exacte et conforme à la vérité du dogme, d’employer des raisons qui les consolent dans la tristesse qu’ils éprouvent en voyant périr leurs frères. Ne cherchons donc pas l’exactitude des idées dans de pareils discours, que nous devons regarder comme l’expression d’une âme affligée, qui s’efforce de justifier des coupables.
Mais, était-ce seulement à l’égard des Juifs, et non à l’égard des étrangers, que saint Paul signalait sa tendresse ? il était d’une douceur sans bornes pour les autres hommes comme pour ceux de sa nation. Écoutez ce qu’il dit à Timothée : Il ne faut pas qu’un serviteur de Dieu s’amuse à contester ; mais il doit être