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notre foi est indépendante des garanties et des signes, voilà pourquoi Dieu a fait ce qu’il a fait : les hommes d’autrefois demandaient avant tout un signe, une garantie pour croire Dieu sur les choses invisibles ; mais moi, indépendamment de tout cela, je montre une foi entière : voilà donc pourquoi il n’y a plus de signes aujourd’hui.
5. J’aurais voulu vous parler du sujet de cette fête, vous expliquer ce qu’est la Pentecôte, et pourquoi le Saint-Esprit a été donné en ce jour, et pourquoi il est descendu en langues de feu, et pourquoi au bout de dix jours ; mais je vois que cet enseignement serait trop long ; je n’ajouterai donc que quelques mots et je terminerai ce discours. Quand les jours de la Pentecôte furent accomplis, les disciples virent paraître comme des langues de feu qui se partagèrent (Act. 2,13) ; non pas des langues de feu, mais, comme de feu, ceci afin que vous ne soupçonniez rien de sensible au sujet de l’Esprit. Car, de même que, sur le Jourdain, ce ne fut pas une colombe qui descendit, mais l’Esprit sous une forme de colombe, de même ici encore ce ne fut pas un feu, mais une forme de feu ; et de même, dans le verset qui précède, il dit : On entendit comme un souffle violent, non pas un souffle violent, mais comme un souffle violent. Pourquoi donc Ézéchiel n’a-t-il pas reçu le don de prophétie sous forme de feu, mais par le moyen d’un livre, tandis que les apôtres reçoivent par le feu les grâces de l’Esprit ? En ce qui touche Ézéchiel, l’Écriture dit qu’on lui porta à la bouche un livre où étaient écrites des plaintes, avec des cantiques et des malédictions, et ce livre était écrit dedans et dehors, et il le mangea, et il devint doux à sa bouche comme le miel. (Ez. 2,9 ; III, 3) Quant aux apôtres, il n’en est pas ainsi : mais, ils virent paraître comme des langues de feu. Pourquoi donc, d’un côté, un livre et des caractères écrits ; de l’autre, une langue et du feu ? C’est que le prophète allait accuser les péchés, faire entendre des gémissements sur les malheurs des Juifs ; les apôtres, au contraire, allaient dissiper les péchés de la terre : voilà pourquoi le prophète reçut un livre destiné à lui rappeler les malheurs à venir ; les apôtres reçurent le feu qui devait brûler les péchés de la terre, et les détruire entièrement. Car, de même que le feu, tombant sur des épines, les détruit toutes facilement, de même la grâce de l’Esprit dissipait les péchés des hommes. Mais les Juifs, insensés, à la vue de ces prodiges qui auraient dû les frapper d’admiration et de crainte et les porter à adorer l’auteur de telles grâces, montrent encore l’aveuglement qui leur est propre, ils accusent d’ivresse les apôtres remplis de l’Esprit-Saint. Ces gens-là, disent-ils, sont ivres et pleins de vin doux. (Act. 2,13) Remarquez l’aveuglement des hommes, et observez la sagesse des anges : les anges, en voyant nos prémices monter dans le ciel, se réjouissaient et disaient : Levez vos portes, ô princes ; et vous, portes éternelles, levez-vous, et il entrera le roi de gloire (Ps. 23,7) ; mais les hommes, en voyant descendre jusqu’à nous la grâce de l’Esprit, disent que ceux qui ont reçu la grâce, sont des gens ivres, sans que la considération de la saison où l’on était, empêche un tel jugement ; car ce n’est pas au printemps que l’on trouve du vin doux, et l’on était alors au printemps. Mais laissons de côté ces anciens hommes ; appliquons-nous à considérer la rétribution que nous accorde la bonté de Dieu. Le Christ a reçu les prémices de notre nature, et il nous a donné en retour la grâce de l’Esprit ; et de même qu’il arrive, après une longue guerre, quand les combats ont cessé, quand on fait la paix, que ceux qui se haïssaient mutuellement, se donnent réciproquement des garanties et des otages, ainsi est-il arrivé entre Dieu et la nature humaine ; elle lui a envoyé, à titre de garanties et d’otages, les prémices que le Christ a emportées au ciel ; Dieu, en retour, nous a envoyé à titre de garanties et d’otages l’Esprit-Saint. Or maintenant que ce soient là des garanties et des otages, en voici la preuve : il faut que ceux qui servent de garanties et d’otages soient de race royale : voilà pourquoi il a envoyé du ciel vers nous le Saint-Esprit comme étant, au plus haut degré, d’une essence royale ; celui qui était auprès de nous et qui s’est élevé au ciel, était bien aussi de race royale, car il était du sang de David. Voilà pourquoi je suis désormais sans crainte, nos prémices siègent là-haut ; voilà pourquoi, quand on m’objecterait le ver qui ne meurt pas, le feu qui ne s’éteint pas, les autres châtiments et supplices, je suis désormais sans épouvante ; ou plutôt, je suis toujours plein d’épouvante, mais je ne désespère pas de mon salut. Car si Dieu n’avait pas résolu de nous accorder de grands biens, il n’aurait pas reçu nos prémices dans le ciel. Auparavant quand nos regards s’y portaient, quand nos