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yeux de ses disciples, dont la faiblesse ne pouvait franchir un espace immense. Les anges qui paraissent, leur apprennent donc qu’il est monté au ciel, pour qu’ils sachent qu’il y est monté véritablement, et qu’ils ne s’imaginent pas qu’il n’y est monté que comme Élie. Voilà pourquoi ils ajoutent : Ce Jésus qui en vous quittant s’est élevé au ciel, paroles dont ils ne se servent point au hasard. Élie, comme serviteur, n’a paru que s’élever au ciel ; Jésus-Christ, comme Maître, s’y est élevé réellement. L’un est monté sur un char de feu, l’autre sur un nuage. Lorsqu’il fallait appeler le serviteur, on lui a envoyé un char ; lorsqu’il faut appeler le Fils, on lui envoie le trône royal, ou plutôt le trône même du Père ; car Isaïe dit du Père : Le Seigneur est assis sur un nuage léger. (Is. 19,1) Comme donc le Père est assis sur un nuage, c’est pourquoi il envoie un nuage à son Fils. Élie, en se retirant, a laissé tomber son manteau sur Élisée ; Jésus-Christ en montant aux cieux, envoie à ses disciples des dons spirituels, qui n’enfantent pas un seul prophète, mais des milliers d’Elisées, plus grands et plus illustres que le premier. Élevons – nous donc, mes très-chers frères, et tournons les yeux de notre esprit vers le retour de notre Sauveur : Dès que le signal aura été donné, dit saint Paul, par la voix de l’archange, le Seigneur lui-même descendra du ciel. Et nous autres, qui sommes vivants, qui serons demeurés ici-bas jusqu’alors, nous serons transportés dans les nues pour aller au-devant du Seigneur, au milieu des airs, mais non pas tous. Car, pour vous convaincre que nous ne serons pas tous transportés dans les nues, mais que les uns s’élèveront dans les airs, et que les autres resteront, écoutez ce que dit Jésus-Christ : Alors, de deux femmes qui moudront à un moulin, l’une sera prise et l’autre laissée ; de deux hommes qui seront dans un même lit, l’un sera pris et l’autre laissé. (Mt. 29,40 et 41) Que signifie cette énigme ? que veut dire ce mystère caché ? Par le moulin, Jésus-Christ nous désigne tous ceux qui vivent dans la pauvreté et dans la peine ; par le lit et le repos, il marque ceux qui sont dans les richesses et dans les honneurs : et voulant nous montrer que parmi les pauvres, les uns seront sauvés, les autres périront, il dit que de deux femmes qui moudront à un moulin, l’une sera prise et l’autre laissée. De deux hommes qui seront dans un même lit, l’un sera pris et l’autre laissé, dit-il encore, voulant faire entendre que les pécheurs seront laissés pour attendre leur punition, tandis que les justes seront transportés dans les nues. Lorsqu’un prince fait son entrée dans une ville, ceux qui sont constitués en honneurs et en dignités, ceux qui jouissent le plus de sa confiance, sortent de la ville pour aller à sa rencontre : tandis que les criminels, déjà condamnés par les tribunaux, restent enfermés dans les prisons publiques, pour attendre la sentence du prince : de même lorsque Jésus-Christ paraîtra, les justes qui ont sa confiance, iront au-devant de lui au milieu des airs ; tandis que les pécheurs qui ont commis une infinité de crimes, resteront en bas pour attendre le souverain Juge. Alors, nous serons transportés nous-mêmes dans les nues. Quand je dis nous, je ne me mets point au nombre de ceux qui jouiront de ce glorieux avantage : je ne suis pas assez dépourvu de sens et de raison pour ignorer mes propres fautes ; et si je ne craignais de troubler la joie de la fête présente, cette unique parole et le souvenir seul de mes péchés, me feraient verser un torrent de larmes. Mais comme je ne veux point mêler des idées tristes à la sainte allégresse que vous inspire cette fête, je termine ici mon instruction, en vous présentant une pensée qui rappellera sans cesse ce jour à votre mémoire. Que le riche ne se réjouisse pas de ses richesses, que le pauvre ne s’afflige pas de sa pauvreté, mais que chacun s’afflige ou se réjouisse selon qu’il se sentira coupable ou innocent, car le riche n’est pas heureux, ni le pauvre misérable ; mais celui qui sera jugé digne d’être transporté dans les nues, fût-il le plus indigent des hommes, est heureux et trois fois heureux ; comme celui qui est déchu de la grâce, fût-il le plus opulent des mortels, en est aussi le plus misérable et le plus à plaindre. Je parle ainsi, afin que ceux qui vivent dans le péché se pleurent eux-mêmes, et que ceux qui sont pleins de bonnes œuvres, prennent de l’assurance ; ou plutôt, afin que les uns ne prennent pas seulement de l’assurance, mais qu’ils se confirment dans le bien ; et que les autres ne se contentent pas de pleurer, mais qu’ils changent, puisque celui qui a vécu dans le vice peut y renoncer, revenir à la vertu, et jouir des mêmes privilèges que ceux qui ont toujours mené une vie