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fût le premier. C’est là, en effet, ce qui constitue les prémices.
3. Et afin que vous sachiez que les prémices ne sont pas le premier fruit, mais le fruit de la meilleure espèce, celui qui parvient à sa maturité, je vais vous citer en témoignage les Écritures : Lorsque vous serez entrés, dit Moïse au peuple, dans la terre de promission que Dieu vous donne, et que vous aurez planté des arbres fruitiers, les trois premières années vous regarderez le fruit comme impur, la quatrième année il sera sain et pourra être offert au Seigneur. (Lev. 19,22 et 24) Toutefois si les prémices étaient ce qui est produit le premier, on aurait dû offrir au Seigneur le fruit de la première année ; mais, dit Moïse : Les trois premières années, vous regarderez le fruit comme impur, vous le laisserez, parce que l’arbre est encore faible, et que son fruit est trop précoce ; celui de la quatrième année sera sain et pourra être offert au Seigneur. Et voyez la sagesse du législateur ! il n’a permis ni de manger le premier fruit, pour que l’homme ne le prît pas avant Dieu ; ni de l’offrir au Seigneur, pour qu’on ne lui offrît pas un fruit vert et acide. Laissez-le, dit-il, parce qu’il est le premier ; ne l’offrez pas, parce qu’il n’est pas digne de la majesté de celui auquel il serait offert. Vous voyez que les prémices ne sont point ce qui est produit le premier, mais ce qui est le meilleur. Appliquons ce que nous venons de dire à la chair dont Jésus-Christ s’est revêtu, et qu’il a offerte pour nous. Il a offert à son Père les prémices de notre nature ; et son père a tellement approuvé cette offrande, tant par égard pour la dignité de celui qui la présentait, qu’en considération de la pureté de l’offrande elle-même, qu’il l’a reçue de ses propres mains, et l’a placée à ses côtés, en lui disant : Asseyez-vous à ma droite. (Ps. 109,1) A quelle nature Dieu a-t-il dit : Asseyez-vous à ma droite ? à celle qui avait entendu de sa bouche ces paroles : Vous êtes terre et vous retournerez en terre. (Gen. 3,19) Ce n’était pas assez pour elle de s’élever au-dessus des cieux, d’être reçue parmi les anges : cet honneur, quoique ineffable, n’était pas assez magnifique. Elle s’est élevée au-dessus des anges et des archanges, au-dessus des chérubins et des séraphins, et passant au milieu de toutes les puissances et de toutes les dominations, elle ne s’est arrêtée que lorsqu’elle s’est vue assise sur le trône du Maître suprême. Ne voyez-vous point l’espace immense qui sépare le ciel de la terre ? ou plutôt commençons de plus bas. Ne voyez-vous point quelle distance infinie il y a de l’enfer à la terre, de la terre au ciel, du ciel au ciel supérieur, et de là jusques aux anges, aux archanges, à toutes les dominations célestes, jusqu’au trône du Roi de l’univers ? Jésus-Christ a fait franchir toute cette distance à notre nature, il l’a élevée à cette hauteur. Examinez dans quel abîme elle était descendue, et à quel comble de gloire elle est montée. Il est impossible de descendre plus bas qu’était descendu l’homme, ni de monter plus haut que Jésus-Christ l’a élevé. C’est ce que saint Paul voulait faire entendre en disant : Celui qui est descendu est le même qui est monté. (Eph. 4,10) Où est-il descendu ? dans les lieux les plus bas de la terre, et il est monté au plus haut de tous les cieux. Apprenez qui est-ce qui est monté avec Jésus-Christ, quelle est la nature qu’il a élevée si haut, et ce qu’elle était auparavant. Je m’arrête volontiers à considérer toute la bassesse de l’homme, afin de mieux connaître l’honneur dont il s’est vu comblé par la bonté du souverain Maître. Nous étions cendre et poussière ; mais ce reproche tombe moins sur nous que sur la faiblesse de notre nature. Nous étions plus insensés que les animaux déraisonnables : L’homme s’est rapproché de la brute et est devenu semblable à elle. (Ps. 48,21) Or, être devenu semblable aux animaux dépourvus de raison, c’est être devenu pire que ces animaux. En effet, qu’un être naturellement déraisonnable reste dans son état de stupidité, c’est l’ouvrage de la nature ; mais que celui qui a été doué d’intelligence se ravale jusqu’à la stupidité de la brute, c’est le crime de la volonté. Lors donc que le prophète dit que l’homme s’est rapproché des animaux déraisonnables, ne croyez pas qu’il dise simplement que l’homme est devenu l’égal de ces animaux, mais il veut faire voir qu’il est même devenu pire. Oui, nous sommes devenus plus stupides que la brute, non seulement parce qu’étant hommes nous nous sommes ravalés jusqu’à elle, mais encore parce que nous avons montré en effet plus d’insensibilité. Et c’est ce qu’Isaïe fait entendre dans ce passage : Le bœuf reconnaît son possesseur, le mulet reconnaît l’étable de son maître ; et Israël ne m’a point reconnu. (Is. 1,3) Mais ne rougissons