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tient tête aux fureurs populaires ; qui voit de haut tous les supplices ; intrépide à l’aspect des bêtes féroces, à l’aspect des poignards, et des flots, et des précipices, et des séditions, et des perfides embûches, et, pour en finir, de tous les dangers ; qui se pourrait comparer à ce courage ? Celui qui n’a pas été exercé, qui n’a rien souffert, les premiers événements qui arrivent, suffisent d’ordinaire à le troubler ; disons mieux, ce qui le trouble ce ne sont pas les choses mêmes, et rien que la réalité ; une simple prévision ? Il n’en faut pas davantage. Mais que dis-je, une simple prévision, des ombres suffisent pour l’effrayer, pour l’épouvanter. Au contraire, celui qui a dépouillé tous ses vêtements, qui s’est mêlé dans les combats, qui a supporté mille et mille coups terribles, c’en est fait, il est supérieur à tout ; des geais qui criaillent, voilà ce que lui paraissent ceux qui le menacent, il en rit ; ce n’est pas une vulgaire couronne, une récompense banale, que de pouvoir défier toutes les douleurs humaines ; mépriser, laisser à d’autres les frayeurs ; et quand les autres frissonnent, et restent stupéfaits, de rire de leur épouvante, d’atteindre aux sommets des anges, de s’y établir, au milieu des vertus célestes, par la constance, par la sagesse que l’on a développée en soi. Nous disons que le corps va bien, qui ne craint ni le froid, ni le chaud, ni la faim, ni les privations, ni les incommodités des voyages, ni toutes les autres fatigues : à bien plus forte raison, elle va bien, il faut le dire, l’âme forte et généreuse, qui résiste à tous les assauts, conservant hors de toute atteinte, en dépit de tout, sa liberté. L’homme qui porte une telle âme, est plus roi que ne le sont les rois. Car un roi de la terre peut redouter ses satellites, amis, ennemis, soit les trames secrètes, soit la haine qui se déclare Mais l’âme dont j’ai parlé défie rois, satellites, domestiques, amis, ennemis, jusqu’au démon même impuissant contre elle. Comment cela ? Cette âme, qui a médité, comprend que les prétendus malheurs ne sont pas des malheurs.
4. Tel était le bienheureux Paul ; aussi que disait-il ? Qui donc nous séparera de l’amour de Jésus-Christ ? l’affliction, ou les angoisses, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou les périls, ou l’épée ? Selon qu’il est écrit pour vous, nous sommes égorgés tous les jours, on nous a regardés comme des brebis destinées à la boucherie ; mais dans tous ces maux, nous sommes vainqueurs par celui qui nous a aimés. (Rom. 8,35-37) C’est ce qu’il insinuait par ces paroles : Encore que dans nous l’homme extérieur se détruise, néanmoins l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. (Cor. 4,16) Le corps s’affaiblit, dit-il, mais l’âme se fortifie en puissance, en énergie, ses ailes grandissent. Et de même qu’un soldat chargé de lourdes armes, quelles que soient sa bravoure et son habitude de la guerre, inspire peu de terreur aux ennemis qui savent bien que la pesanteur des armes empêche la rapidité de la course et le maniement du fer ; tandis que, légèrement armé, pourvu d’armes commodes, le soldat, comme un oiseau, fond sur l’ennemi : de même, celui dont la chair ne s’est appesantie ni dans l’ivresse, ni dans les complaisances de la sensualité, ni dans les délices, à qui les jeûnes, au contraire, et les prières, et la constance dans les afflictions ont fait un corps plus mince et plus léger, celui-là c’est un oiseau qui s’abat du haut des airs, se ruant, d’un vol impétueux, sur les phalanges des démons pour les terrasser, pour subjuguer ces puissances ennemies.
Ainsi Paul, après tant de souffrances, jeté en prison, attaché au poteau, voyait son corps s’affaiblir, épuisé par les fatigues ; mais son âme, il la sentait énergique et robuste : l’énergie du prisonnier dans les fers était telle que le seul bruit de sa voix ébranlait les fondements de la prison, chargeait de liens le geôlier libre, et bientôt captif de celui qu’il devait garder ; ses paroles suffisaient pour ouvrir, les portes fermées à clef. Paul ne nous a donc pas donné une petite consolation en nous disant que, même avant la résurrection, nous devenons, par les épreuves, et meilleurs et plus sages. C’est pourquoi il nous dit : l’affliction produit la patience ; la patience, l’épreuve, et l’épreuve, l’espérance ; cette espérance n’est point trompeuse (Rom. 5,4-5) Écoutez encore une parole qu’un autre a prononcée : Celui qui n’est pas tenté, n’a pas été éprouvé, et celui qui n’a pas été éprouvé, n’a aucune valeur. (Sir. 34,10)
De sorte que nous ne recueillons pas de l’affliction un mince avantage, même avant la résurrection, l’avantage de posséder une âme plus éprouvée, plus sage, plus robuste, et affranchie de toute pusillanimité. Ce qui nous explique les paroles de Paul : Encore que dans nous l’homme extérieur se détruise, néanmoins