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HOMÉLIE SUR LA RÉSURRECTION DES MORTS[1].

AVERTISSEMENT ET ANALYSE.


Les homélies contre les Anoméens hérétiques qui rabaissaient la gloire et la dignité du Fils unique, furent prononcées au commencement de l’année 387. Or, c’est à ces homélies que saint Chrysostome fait évidemment allusion au début de la présente homélie, lorsqu’il dit : « Nous venons de traiter des questions dogmatiques, nous vous avons entretenus de la gloire du Fils unique, nous avons fermé la bouche à ceux qui ne craignent pas de rabaisser sa dignité, et de le dire étranger à son Père. » – Il s’ensuit que l’homélie sur la résurrection des morts est de la même époque. – Elle fut prononcée avant le carême de 387. – Les discours prononcés durant ce carême se rapportent tous à la sédition d’Antioche. Le saint docteur donne lui-même dans son exorde l’argument de ce discours. – 1° II y traite de la résurrection des morts, dont il apporte, passim, plusieurs preuves. – Il soutient le dogme de la Providence. – 2° De la manière de régler sa vie selon Dieu ; des peines que doit faire braver aux chrétiens la vue des félicités éternelles. – 3° et 4° Des récompenses accordées parfois, dès cette vie, aux hommes vertueux, à saint Paul, par exemple (explication de plusieurs textes relatifs à cette vérité). – 5° De la fragilité des avantages temporels. – 6° 7° et 8° Des erreurs manichéennes qu’il réfute et contre lesquelles il établit que le corps humain et la nature humaine ne sont pas mauvais par eux-mêmes, et il démontre la vérité du dogme de la résurrection.
1. Ce sont les dogmes qui vous ont été, avant ce jour, proposés dans nos entretiens ; c’est la gloire du Fils unique de Dieu, qui a fermé la bouche à ses détracteurs, à ceux qui le disent d’une autre nature que le Père de qui il est engendré : aujourd’hui, c’est à la morale que je veux donner la préférence ; les pensées sur la vie pratique, les règles de conduite, rempliront ce discours destiné à vous exhorter ; ou plutôt, ce discours ne sera pas seulement moral, mais dogmatique aussi, car je m’apprête à approfondir la résurrection considérée dans son sujet même ; sujet varié, riche en réflexions qui dirigent notre foi, qui font régner l’harmonie dans notre manière de vivre, qui mettent la divine Providence au-dessus de toute accusation. Remarquez ici deux contraires : l’incrédulité en ce qui touche la résurrection, c’est le trouble dans notre vie, c’est notre vie livrée à des maux sans nombre, c’est un complet bouleversement ; la foi à la résurrection rassemble, concilie les raisons de croire à la Providence, nous remplit d’ardeur pour la vertu, d’horreur pour le vice, fait régner en toutes choses la sérénité, la paix. Celui qui ne croit pas ressusciter un jour, celui qui n’admet pas avoir un jour de comptes à rendre de ses actions d’ici-bas, celui qui estime que tout ce qui est de nous est renfermé dans les limites de la vie présente, que par-delà il n’y a plus rien, celui-là ne se souciera pas de la vertu ; à quoi bon, s’il ne peut attendre aucune récompense de ses efforts et de ses fatigues ? il ne s’abstiendra pas de mal faire, puisqu’il ne s’attend à subir aucun châtiment de ses mauvaises actions ; il s’abandonnera à ses désirs déréglés, à toute espèce de perversité. Mais l’homme qui croit dans son âme au jugement à venir, qui a toujours devant les yeux le redoutable tribunal, les comptes réclamés d’une voix inexorable, la sentence dont on n’appelle pas, celui-là mettra tous ses soins à la tempérance ; il s’attachera à l’équité, à toutes les vertus ; il voudra fuir l’immodestie, la brutalité de l’insolence, toute perversité ; les accusateurs de la providence de Dieu trouveront, en cet homme-là, plus que la force nécessaire pour les réduire au silence.
Il y a des hommes qui ne peuvent supporter de voir, d’un côté, la modération, la tempérance, la justice tourmentées par la pauvreté ; en proie aux outrages, aux calomnies ; la vertu privée presque du nécessaire, et souvent éprouvée,

  1. Edition Migne, tom. 2, seconde partie, p. 417.