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pas que les fibres de son cou fussent vraiment de fer, et son front d’airain ; mais c’est qu’il avait un air dur, féroce, impitoyable. Voulez-vous apprendre comment la mort était impitoyable, inflexible, qu’elle avait toute la dureté du diamant, c’est que dans un si long espace de temps personne n’a pu lui persuader de relâcher aucun de ses captifs, jusqu’à ce que le Souverain des anges, descendu dans ses abîmes, l’y eût obligée. Premièrement le Seigneur a enchaîné le fort et l’a dépouillé de ses armes ; l’Écriture ajoute qu’il s’est emparé des trésors ténébreux et invisibles. (Isa. 45, 3) Quoique l’expression ici paraisse simple, elle présente un sens double. Il est des lieux obscurs, mais où l’on peut souvent distinguer les objets lorsqu’on y porte un flambeau et la lumière ; les abîmes de l’enfer étaient d’une obscurité affreuse, impénétrable ; aucune lumière n’en avait encore éclairci les ombres. Voilà pourquoi on dit qu’ils étaient ténébreux et invisibles. Ils étaient vraiment ténébreux jusqu’à ce que le Soleil de justice y fût descendu, qu’il les eût éclairés par sa présence, jusqu’à ce qu’il eût fait le ciel de l’enfer, le ciel étant partout où est Jésus-Christ. L’enfer est appelé des trésors obscurs, et avec raison, parce que d’immenses richesses y étaient déposées. Toute la nature humaine, qui est la richesse de Dieu, avait été dépouillée et livrée à la mort par le démon qui avait trompé le premier homme. Or, saint Paul nous apprend que toute la nature humaine est la richesse de Dieu, lorsqu’il dit : Le Seigneur est riche pour tous ceux et par tous ceux qui l’invoquent. (Rom. 10, 12) Comme donc un prince, après avoir trouvé un chef de brigands qui parcourait les villes, qui les pillait de toutes parts, et qui, se retirant dans des cavernes, y déposait les fruits de son brigandage, l’enchaîne, le livre au supplice, et transporte ses richesses dans le trésor de l’État : de même Jésus-Christ, après avoir enchaîné par sa mort, et la mort, et le démon, chef des brigands, gardien de la prison infernale, a transporté ses richesses, je veux dire la race humaine, dans les trésors célestes. C’est ce que nous fait entendre le même saint Paul : Il nous a arrachés, dit-il, à la puissance des ténèbres, et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé. (Col. 1, 13) Mais ce qu’il y a de plus admirable, le Prince lui-même est venu dans la prison. Cependant aucun prince de la terre ne vient lui-même délivrer les prisonniers, il envoie ses officiers et ses ministres. Ici le Prince est venu en personne : il n’a rougi ni des prisonniers ni de la prison (et comment aurait-il rougi de son ouvrage ?). Il a brisé les portes, rompu les gonds, et, se montrant au milieu de l’abîme, il a rendu la prison déserte, et nous en a ramené le gardien chargé de chaînes. Le tyran du monde était conduit captif, le fort était enchaîné, et la mort elle-même, jetant bas ses armes, est accourue sans défense aux pieds de son vainqueur.
Vous avez vu la victoire admirable, vous avez vu les exploits et les bienfaits de la croix ; je vais vous dire quelque chose de plus admirable encore. Apprenez la manière dont la victoire a été remportée, et ce sera pour vous un plus grand sujet d’admiration. Jésus-Christ a triomphé du démon par les moyens mêmes avec lesquels le démon avait vaincu le monde, il l’a combattu avec ses propres armes. Écoutez comment. Une vierge, le bois, la mort, avaient été les moyens et les instruments de notre défaite. La vierge était Eve qui n’avait pas encore connu Adam ; le bois était l’arbre, et la mort la peine imposée au premier homme. Une vierge, le bois et la mort, qui avaient été les moyens et les instruments de notre défaite, sont devenus les moyens et les instruments de notre victoire. Marie a remplacé Eve ; le bois de la croix, le bois de la science du bien et du mal ; la mort de Jésus-Christ, la mort d’Adam. Vous voyez que le démon a été vaincu par les mêmes moyens avec lesquels il avait triomphé. Le démon avait renversé Adam avec le bois de l’arbre, Jésus-Christ a terrassé le démon avec le bois de la croix. Le bois de l’arbre a jeté les hommes dans (abîme, le bois de la croix les en a retirés. Le bois de (arbre a dépouillé l’homme de ses privilèges, et fa enfermé dans l’obscurité d’une prison ; le bois de la croix a dépouillé de ses armes le vainqueur de l’homme, et l’a montré vaincu à toute la terre. La mort d’Adam s’est étendue sur ceux qui sont venus après lui ; la mort de Jésus-Christ a rappelé à la vie ceux qui étaient nés avant lui. Qui racontera les merveilles du Seigneur et les prodiges de son bras puissant ? (Psa. 105, 2) Nous avons passé de la mort à l’immortalité tels sont les exploits et les bienfaits de la croix. Vous avez appris, la victoire, vous avez appris la manière dont elle a été remportée ; apprenez comment nous avons vaincu sans combattre.